décembre 1991 ▬ Paris
David dormait paisiblement dans son petit lit de bébé. Il était adorable. Il avait les traits de sa mère mais le reste venait de son père. Ses yeux bleus étaient la seule chose qu’on pouvait remarquer mais il y avait aussi les cheveux, le caractère. Ses parents étaient tous deux canadiens mais ils étaient venus en France à cause du travail de Mr.Even. Le nouveau-né avait un an et demi et il allait fêter son deuxième noël avec toute sa famille.
La porte de sa chambre s’entrouvrit et une ombre mouvante entra. Elle s’approcha du berceau et se pencha pour mieux voir l’enfant tant désiré. Mme. Even frôla le visage de son fils. Elle sourit doucement et s’en alla sans faire de bruit. Cette nuit, le père noël avait du travail.
Le lendemain, David ouvrit les yeux doucement et attendit. Il avait faim. Sa mère ni son père n’était là. Il se leva et s’agrippa aux barreaux de son lit. Son regard se porta vers la porte. Il sentit la solitude et la peur l’envahir, il commença à pleurer. Aussitôt, la porte s’ouvrit avec fracas et Mr.Even accourut chercher son fils pour l’emmener manger. Le père de David était un homme merveilleux, il aimait son fils plus que tout au monde et voulait le protéger de tout. L’homme avait le bébé tout contre lui et, tout en allant vers la cuisine, lui chantait une chanson pour l’apaiser.
août 1993 ▬ Paris
Mme Even était assise-là, au beau milieu des infirmières et médecins. David se tenait à côté d’elle, il jouait avec son avion en plastique. Elle avait les traits tirés, tristes ; elle faisait peur à voir. Cela faisait plusieurs jours qu’elle n’avait pas dormis. Elle attendait. C’était la seule chose qu’elle pouvait faire : attendre. Son mari était branché partout, il avait fait une rupture d’anévrisme au cerveau, il était dans le coma depuis 8 jours. Ils étaient assis tous les deux, attendant les médecins. Ils leur avaient dit que si Mr Even tenait 10 jours, il serait sorti d’affaires. Plus que deux jours, 48 heures, 2880 minutes à attendre dans ce couloir blanc. David, lui, ne comprenait pas pourquoi son papa n’était plus à la maison et pourquoi sa maman restait toujours assise sur ce banc à ne rien faire. Il ne comprenait pas mais il savait que quelques chose n’allait pas, il savait que sa maman était malheureuse, il le sentait.
« Madame Even ? ». La concernée se leva d’un seul coup et David sursauta. Elle se dirigea vers le médecin en vitesse. Peut-être apportait-il de bonnes nouvelles ? David dut la suivre en courant.
« Madame Even, je.. Votre mari est mort. Son cerveau ne répond plus. Je suis sincèrement désolé et vous présente mes condoléances.». Le médecin prit la femme dans ses bras et la relâcha avant d’ébouriffer d’un geste rempli de compassion les cheveux de David.
Mme Even ne pleurait pas, elle ne voulait pas y croire. Ce n’était pas possible. Elle se laissa tomber au milieu du couloir et son fils se jeta sur elle.
« Maman… Il est où Papa ?» demanda-t-il en pleurant presque. Il voulait revoir son père et il n’avait pas vraiment compris ce que le médecin avait dit, ni même pourquoi sa maman était tombée. Cette dernière lui serra fort contre lui et laissa rouler une perle salée sur sa joue.
« Papa est parti mais il est heureux là où il est, d’accord David ? Maintenant il n’y a plus que maman et toi… ». Le petit garçon hocha la tête, il ne comprenait pas où était son papa mais il avait sa maman. Il avait juste sa maman.
septembre 2001 ▬ Paris
« David dépêche-toi ! Tu vas être en retard ! Il est déjà 7H30 ! ». Le garçon dévala les escaliers et arriva dans le salon où sa mère l’attendait. Il la regarda et cette dernière leva les yeux au ciel en voyant qu’il n’était vêtu que d’un slip. Elle lui ordonna de s’habiller en vitesse. Elle allait être en retard. Elle regarda sa montre une dernière fois avant de hurler.
« David ce sera Michel qui te conduira, je suis en retard ! A ce soir mon chéri ! ». David, qui était en train d’enfiler son sweat grommela. Michel était son beau-père depuis 6 ans, il ne l’aimait pas trop puisque même si son père était mort, il était son père et que sa mère le remplace…il ne comprenait pas vraiment. Enfin après il était cool avec lui mais ils se parlaient pas trop. Le brun finit de s’habiller et descendit une seconde fois dans le salon où Michel l’attendait.
Ils montèrent tous deux dans la voiture. David s’attacha puis cola sa tête contre la vitre, regardant les immeubles défilaient à toute vitesses sous ses yeux bleus. Michel tenta de démarrer la conversation mais David ne lui répondait que par des « Ouais » ou « Peut-être ». Le garçon trouvait que Michel était quelqu’un de cool mais il bloquait, ce n’était pas son père et il ne le serait jamais. Lui et Michel n’étaient en accords que sur deux points : l’importance des études et le cinéma. David s’était découvert cette passion pour le cinéma deux ans auparavant. Il adorait regardait des films, les histoires se finissaient toujours bien.
janvier 2004 ▬ Paris
« David la tafiole ! David la tafiole ! David la tafiole ! » répétaient sans cesse les garçons du collège quand l’adolescent sortit de l’établissement. David ne disait rien, il savait pourquoi ils le traitaient de la sorte et il n’osait rien dire. Tout était parti d’une simple confidence à ce que David croyait une amie. Il lui avoua qu’il n’était pas indifférent aux charmes des garçons mais qu’il préférait celui des femmes. Malheureusement, elle avait tout dit et en moins d’une demi-heure tout le collège était au courant. De plus, il était toujours dans la lune à écrire des scénarios et à filmer tout ce qu’il pouvait, il était considéré comme un pestiféré. L’adolescent essaya de se dégager mais rien n’y faisait, il était pris au piège. Il ferma les yeux et s’imagina un court instant en train de tous les envoyer valser. Seulement, il était seul contre cinq et il ne pouvait rien faire si ce n’est recevoir ce chewing-gum visqueux dans les cheveux.
Heureusement, un garçon un peu plus âgé que David arriva et fit déguerpir les petits morveux avant même qu’ils aient eut le temps de dire ouf. L’adolescent, surpris du geste du bel inconnu resta un moment interdit avant de le remercier. Ce dernier lui sourit.
« T’inquiètes pas, on est dans la même galère, normal que je t’aide. ». Dans la même galère ? David ne comprenait pas vraiment, du moins il ne voulait pas comprendre. Il regarda son sauveur avec un tout autre regard.
« Tu veux dire que toi aussi tu… ». Le brun n’osa pas finir sa phrase, de peur de se tromper. Le 3ème rigola avant de lui répondre :
« Oui moi aussi je… suis gay. ». David se sentit soudain rassuré de ne pas être le seul dans ce monde, il se relâcha et commença à parler avec son nouvel ami.
David rentra tard ce soir-là et sa mère courut vers lui à peine eût-il posé un orteil dans son appartement. Mme Even le questionna de toutes les questions possibles et imaginables. Elle était morte d’inquiétude quand son fils n’était pas rentré à la maison à l’heure et surtout quand il ne répondait pas sur son téléphone. Elle avait peur de le perdre lui aussi. L’adolescent ne répondit pas tout de suite et demanda à sa mère de s’assoir. Son nouvel ami lui avait conseillé de tout lui dire pour ne pas se sentir seul et c’est ce que David avait décidé de faire. Il regardait sa mère dans les yeux, cherchant ses mots. Il devait utiliser les bons, ne pas se tromper et ne pas tourner autour du pot. C’était une tâche difficile pour le jeune garçon qui préférait s’exprimer via sa caméra plutôt que directement. Il n’entendait plus que son cœur qui tambourinait contre sa poitrine. Le stress le prenait au ventre et il ne savait plus quoi faire. Soudain le vide, un vide pendant lequel il lâcha :
« Maman, je suis bisexuel. ».
Mme Even resta bouche-bée à l’annonce de son fils. C’est vrai qu’elle aurait voulu une descendance mais son bébé avait l’air tellement apeuré de ce qu’il venait de dire que sa seule réaction fut de le serrer contre elle. Elle n’était pas homophobe mais elle aurait préféré que son fils soit hétérosexuel.
« Mais c’est rien mon chéri ! ». David relâcha toute la pression et se laissa aller, il pleurait de soulagement. Un poids immense était parti et il le sentait.
février 2006 ▬ Paris
« Je ferai ce que je veux de ma vie maman ! Si je veux faire du cinéma je ferai du cinéma ! C’est ma vie c’est mes choix ! ». David était rarement en colère mais quand il l’était, ce n’était pas qu’à moitié. Sa mère avait touché une corde sensible en voulant le décourager de son rêve. Il ne comprenait pas pourquoi elle ne voulait pas qu’il fasse du cinéma. Depuis 3 ans déjà elle lui répétait sans cesse que ce n’était pas pour lui. Malgré tout ça, David avait réalisé un court-métrage et un clip vidéo. Il ne les montrait pas à sa mère car sinon elle lui dirait que c’est nul.
« T’as toujours voulu me décourager, me disant que je suis pas passionnée. Mais tu te trompes ! Je réalise mes films dans ton dos, je te montre jamais rien car tu me dis toujours et encore que ce n’est pas pour moi ! »L’adolescent claqua la porte de sa chambre au nez de sa mère et se jeta sur son lit. David aimait le cinéma par-dessus tout, il lisait des tonnes d’articles sur les nouvelles technologies, les films, les réalisateurs. Il dépensait tout son argent de poches dans les grands classiques du cinéma et pour aller voir les films sur grands écrans. Il sentait les larmes roulaient sur ses joues. Pourquoi ne comprenait-elle pas ? Le cinéma c’était sa vie, son seul et véritable amour. Il n’avait foie que en cet art, le reste n’était que du vent, c’était la seule chose de véritable dans sa vie, même lui n’était qu’un simple écho de ce qu’avait été son père. Il ne savait même pas sa propre identité.
Il se releva d’un coup, et se jeta sur son ordinateur afin de commencer un nouveau scénario, bien déterminé à continuer dans cette même voie.
juillet 2009 ▬ Paris
Le jeune homme avait eût son bac haut la main et avait postulé pour rentrer dans la prépa ciné-sup se trouvant à Nantes, il avait été accepté mais n’avait pas encore dit oui. Il ne savait pas trop où allé, il avait tellement de choix pour réaliser son rêve…
David trainassait encore sur l’ordinateur, jouant à son jeu préféré : World of Warcraft. Il était en plein raid contre l’alliance quand on toqua à sa porte.
« Entrez » lança le brun d’un air nonchalant. La porte s’ouvrit et sa mère ainsi que Michel entrèrent dans la chambre. David marmonna un truc dans son micro avant d’éteindre son jeu et de se tourner vers ses « parents ». Il savait que quand ils étaient tous les deux c’était qu’il y avait quelques choses d’important. La dernière fois c’était pour lui dire qu’ils allaient se marier, chose que David avait pris comme une insulte vis-à-vis de son père.
Sa mère tenait une lettre dans sa main, elle avait l’air tout excitée. Elle voulait faire durer le suspense mais elle ne pouvait pas. Elle s’approcha de son fils et lui donna la lettre. Ce dernier l’ouvrit et commença à lire « Félicitations, vous êtes admis à… » au fur et à mesure de sa lecture, David sentait une joie immense dans son ventre. Il regardait alternativement sa mère et la lettre.
« Je… Je comprends pas ! Comment c’est possible, qui va payer ? » demanda-t-il, la voix chevrotante de bonheur. Sa mère le serra contre lui et lui lança d’un ton enjouée
« Michel s’occupe de tout gros nigaud et j’ai envoyé ton dossier, après tout, c’est ton rêve non ? Allez mon chéri, fais ta valise, tu vas à Harvard ! »