GABRIEL MOHN ► neels visser

Cruelle mélancolie, larmes brûlantes venant gracier ses joues de porcelaine, femme à la beauté usée, douce mort l’attendant un jour, la folie lui offrant une tendre étreinte, malédiction lui pesant sur ses frêles épaules, femme enceinte jusqu’au cou, femme en proie de la délivrance. Don de la nature s’offrant à elle. Souvenir flou du blond, souvenir récalcitrant malgré les brûlures du temps, sablier cruel lui volant ces instants gravés dans le fil directeur de ses mémoires. Cri strident, gamine volant l’attention, briseuse d’un confort d’enfant roi, pourtant c’était bien des iris bleutés des nouveaux-nés dont il était tombé irrémédiablement sous le charme au premier regard. Noora. Déliant sa langue pour tenter un premier essai, rire de l’assistance sur l’innocence du gamin. Nooa. Echec. Simple prénom, prise de tête assurée pour le chérubin cherchant à perfectionner sa diction pour simplement le prononcer. Noora. Des jours à apprendre à le prononcer correctement, ce raclement de gorge lui provoquant plus de difficulté que prévu, colère monstre argumentant le quotidien de la famille après une dizaine d’essai tout plus médiocre l’un que l’autre. Réussite de cette tâche si facile, gamin pinçant sa soeur pour vérifier que la peau de bébé était aussi résistante que la sienne, larmes du nouveau-né, panique de l’aîné. « Noora chut chut chut. Papa, mama, puni Gabiel. » Sanction arrivant à grand pas, le coin désigné pour ceux se comportant mal, offrant des regards noirs à la gamine dans les bras de la mère au petit soin pour elle, son père sévissant pour un acte idiot, expérience de gamin ayant mal tourné. Si seulement cette petite peste n’avait pas pleuré pour réveiller toute la maison. Blondinet mettant au point son prochain plan pour continuer ses expériences sur sa soeur, la prochaine fois avec une main couvrant cette centrale à décibels lui explosant les tympans avec ses cris.



« Parce qu’à chaque fois que je tournerais sur moi alors chaque pays que j’ai visité pulseront mon sang et mon âme. » Sourire mielleux s’emparant des permises de son visage, gamin niant un jour pouvoir regarder sa petite soeur comme cela, fierté trop immense pour s’avouer vaincu par une gamine dont l’acné venait à peine de rebrousser chemin. Cette peau laiteuse, ces cheveux blonds, chaque jour passant, ils en devenaient presque sa faiblesse, son talon d’Achille, ceux qu’on viendrait chercher pour le blesser réellement un jour. Faiblesses superficielles, celles dont il n’irait bouder que quelques heures voir jours avant de passer à autre chose. Famille, faiblesse mortelle, celle pour qui il serait capable d’endurer les pires tortures pour les garder en sécurité. Douce folie l’emportant dans les bras du dieu de l’allégresse, découverte d’un nouveau pays entre eux. Aucuns parents pour masquer l’amusement possible à avoir. Malice dans son regard océan, le Christ majestueux observant le moindre de ses mouvements, pourtant c’était une belle bêtise que de voir cette merveille de statue. Blond ne croyant à aucune religion si ce n’était que pour son profit personnel, gamin priant quand il avait envie d’obtenir un bien matériel avant de le demander à ses parents et se le voir refuser en bloc. « J’arrive quand même pas à croire que des gens se disent que le Christ est véritablement à leur écoute si ils viennent à prier sur des lieux de ce genre. La grandeur n’est pas le plus important Noora, retiens bien cette leçon de ton magnifique grand frère. » Double sens tacite, bêtises exposées au grand jour, au grand damn que s’abatte sur lui la colère divine, l’Islandais préférant encore faire appel aux dieux nordiques plutôt qu’une seule entité bien trop souvent sourde d’oreille.



Coeur brisé, colère d’un dieu unique s’abattant finalement sur ce gamin à la croyance profitable. Vie. Amour. Mort. Trois abstractions, celles qu’il avait cherché à contrer durant cette année. Amour d’un fils envers sa mère, inconditionnel, sans limite, pur, insuffisant pour l’aider dans son combat, fils regardant son état se dégrader à chaque heure, cancer des os, fléau d’une société incapable de se battre contre. Société condamnée à regarder chacun de ses proches à succomber avec la douleur acquise en compagnie de la maladie. Peur inexpliquée de la mort, cette compagne pourtant si ravissante quand il n’était qu’un adolescent sans cervelles, dégoût profond de cette entité lui ravissant la première femme de sa vie, celle menaçant un jour prochain la vie de la dernière femme qu’il pouvait lui rester. Noora. Plongeon délicat dans une folie incertaine, période de deuil, psychologue censé aider et pourtant frère se sentant si impuissant pour sa propre soeur, gardant la façade pour la laisser souffrir sans culpabilité. L’obscurité et la lumière. Soleil et l’orage. Cette présence dans ce rire d’ange monté trop rapidement, présence dans une douleur lui arrachant son coeur pour l’offrir au plus offrant. Amour présent dans chaque aspect d’une vie, amour venant rendre les au revoir impossible. Attente d’une lueur d’espoir, attente d’un progrès de sa soeur pour partir une année faire son tour du monde, gamin cherchant sa voie, celui l’ayant déjà reporté à l’annonce de la maladie de sa propre mère, celui faisant attention à l’unique famille lui restant. Gamin perdu cherchant à fuir un domicile oppressant, souvenirs à chaque coin du couloir, rire mais aussi cri, crise d’adolescent ou encore incompréhension naturelle de l’enfant et ses parents, tout semblait si loin et pourtant cette brûlure folle dans son esprit demeurait au premier plan.



Prise d’otage, panique dans chaque coin de la pièce, gamins effrayés de rencontrer leur chère amie la faucheuse, journée pourtant agréable à suivre la belle suédoise aux courbes délicieuses, celle dont l’accès avait été irrémédiablement interdit par sa charmante petite-soeur. Oubli de l’attraction temporaire dès les premiers signes de problème, sécurité de cette meilleure amie avant tout. Survie primordiale. Pas de blessés à déclarer entre les deux blonds, prenant sa soeur dans ses bras dès sa sortie, laissant les deux amies se remettent ensemble des émotions plutôt que de s’impliquer. Assurant la sécurité de sa soeur sur le campus, il ne lui fallut pas plus d’un mois avant d’en parler avec elle pour une reprise plus courte de son tour du monde, abandonner une année loupée pour mieux reprendre derrière, université bien trop contente de s’en mettre dans les poches plutôt que de s’occuper à ce choix. Choix courant des étudiants et pourtant c’était direction l’Océanie pour finir son périple, billet à aller simple en direction de Melbourne. Vadrouilles nombreuses, téléphone ignoré à moins que l’identifiant indique sa précieuse soeur. Petite-amie oubliée en Amérique, une simple conversation avant de partir, lui promettant de revenir bien vite avant de prendre son avion en direction d’un autre hémisphère. Appels filtrés, besoin de prendre ce temps pour lui, se retrouver au loin, perdre pied sans supporter quelqu’un derrière, sans faire tomber quelqu’un. Danse des corps, dernier mois de son périple australien, blonde au charme innocent, gamine brisant son voeu de solitude durant le voyage. Gamine ou succube. Intérêt dérobé, cheveux blonds hantant son regard, iris de l’océan cherchant leurs soeurs dans la salle. Nuit de passion se transformant au pluriel. Derniers jours sonnant. Dispute éclatant. Femme de ses passions décrochant un appel de la copine oubliée, révélations sans consentements, trahison des deux femmes. Dispute. Séparation. Oubli des mémoires. Souvenirs brûlants, ceux qu’on conserve dans le livre de toute une vie. Fidélité amoureuse compromise, gamin incapable de vraiment l’assurer, se laisser aller au gré de ses désirs, se laissant vivre en liberté plutôt qu’un oiseau dans une cage d’or.