just give me a reason ✻ nichoya

just give me a reason — Le truc, c'est que j'étais pas certain que tout ce stratagème fonctionne. Certes, elle savait qu'elle avait un problème et qu'il fallait s'en occuper. Mais il y avait une différence entre ce qui devait être fait, et ce qu'elle voulait réellement faire. Tant que le déclic ne sera pas venu dans sa tête, on pouvait faire toutes les séances du monde chez un thérapeute que ça ne changerait strictement rien. Alors je restais sceptique mais j'appréciais malgré tout l'effort qu'elle faisait, ne serait-ce que pour s'être déplacée jusqu'ici. C'était après quelques renseignements et coups de téléphone que j'avais trouvé ce thérapeute spécialisé dans les troubles alimentaires. Forcément que c'était pile ce qu'il nous fallait. Chance étant qu'il était un des meilleurs dans ce domaine. Espérons qu'il fasse des miracles avec ma femme, ne souhaitant tout simplement pas que son état empire, d'autant plus que les risques de rechute de sa mucoviscidose peuvent alors s'enchainer rapidement. Corps faible très apprécié des maladies et je n'avais pas envie de perdre ma femme de cette façon, ou d'une quelconque autre façon en fait. Après l'heure qui nous était dédiée, nous sortions tous les deux du cabinet, marchant silencieusement jusqu'à la voiture où nous nous installions. Mais je ne mettais pas le contact, rien. Je restais passif, me refaisant alors la séance dans ma tête. “T'as pas eu de déclic, n'est-ce pas ?” Je l'attendais tellement qu'il fallait qu'elle l'ait, rapidement. Mais les choses n'étaient pas comme je l'espérais et.. ouais, j'allais prendre mon mal en patience.

just give me a reason — Et ils étaient de retour à Boston. Nicholas avait finalement comprit que la croisière, c'était pas pour elle. Qu'elle n'était pas dans son monde et surtout pas à l'aise avec tout ça. Et.. Ouais, dans le fond elle lui était reconnaissante d'avoir accepté de rentrer parce que concrètement, elle se sentait bien mieux chez eux que n'importe où ailleurs. Et Kaya, elle avait doucement retrouvé ses marques, ses affaires, ses habitudes. Puis la question du psy avait été abordée. Alors ouais, sur le moment, elle avait grincé des dents avant de finalement accepté d'en voir un, une fois. Et maintenant, ils sortaient du cabinet, Nicholas plus silencieux que jamais. Est-ce que ça avait été bénéfique ? Elle n'en savait rien. Probablement pas. Kaya, elle avait préféré tout prendre à l'auto dérision plutôt que de réellement toucher le vrai problème. Et puis le psy avait été plutôt clair. Il ne pourrait rien faire tant qu'elle ne choisirait pas d'être sauvée. Est-ce qu'elle voulait vivre ? C'était la question qui lui trottait en tête mais toujours sans un mot, elle entrait dans la voiture, bouclant la ceinture de sécurité. Bref haussement d'épaule aux paroles de Nicho. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien lui dire ? "Je vais bien Nich." Même s'il ne voulait pas l'entendre. Elle résistait le plus possible pour ne pas vomir le moindre aliment ingurgité. Faisait de son mieux pour avaler au moins quelque chose aux repas. Fallait pas qu'il lui en demande trop non plus. "Je vais mieux." qu'elle soufflait finalement. Ouais, elle allait bien. Du moins, c'était ce qu'elle se plaisait à dire.

just give me a reason — Peut-être qu'être de nouveau à Boston allait arranger les choses, faire en sorte qu'elle fasse des efforts et qu'elle souhaite enfin être sauvée. Peut-être. Ou peut-être pas. Disons que cette entrevue avec le thérapeute m'a ouvert les yeux sur une chose : elle ne veut toujours pas s'en sortir. Elle sort des phrases bateau, elle dit ce qu'on veut entendre mais... c'est pas Kaya ça, ce n'est que l'ombre d'elle-même et j'avais du mal à l'accepter. Tout ce que je voulais, c'était retrouver ma femme, retrouver le bonheur qu'on avait créé dans notre bulle et que cette dernière n'éclate plus, comme elle avait pu le faire ces derniers mois. Je voulais retrouver la femme qui m'a dit oui pour la seconde fois devant l'autel et qui avait les yeux pétillants, le sourire radieux et un cœur vivant désirant de rester sur cette terre. Installé dans cette voiture, je n'allumais pas le contact parce que j'étais déçu, triste, et j'étais surtout désemparé parce que je ne pouvais rien faire. Le travail venait d'elle à présent et j'étais juste incapable de faire quoique ce soit. Soupirant à ses paroles, fermant les yeux et posant mon front contre le volant, c'était que des mots dans le vent, afin de ne pas m'inquiéter alors que la réalité était toute autre. Elle n'allait pas mieux, elle se complaisait à compter chaque calorie pour pas prendre un gramme, allant toujours plus loin dans une maigreur effrayante. Tournant la tête vers elle, cherchant ma femme dans ce corps qui était loin d'être le sien. “Tu veux toujours partir, t'en aller ?” Parce que j'étais incapable de prononcer les mots "mort", "suicide" ou autre vocabulaire de ce registre morbide, surtout quand il s'agissait d'elle.

just give me a reason — Y avait des tas de chose qu'elle n'arrivait plus vraiment à comprendre Kaya. La vie continuait son cours et elle, elle avait perdu le fil depuis longtemps. Elle ne trouvait d'intérêt dans rien, avait même arrêté de dessiner comme si ça n'avait plus aucun sens de se pencher sur des tableaux vides qu'elle peinait à emplir. Alors ouais, probablement que c'était le début de la fin. Et tout le monde autour d'elle semblait s'inquiéter plus que de raison de son état quand tout ce qu'elle souhaitait était qu'on la laisse tranquille. Et elle le voyait le mal qu'elle causait autour d'elle. La peine qu'elle infligeait à Nicholas un peu plus chaque jour. Elle voyait ses regards à la dérobé, comprenait qu'il ne la reconnaissait plus. Peut-être étaient-ils devenus deux inconnus. Peut-être qu'il était trop tard pour la sauver. Et puis si elle ne voulait pas être sauvée ? La rousse, elle trouvait que dans son cas, il était légitime de vouloir tout arrêter mais personne ne semblait adhérer à cette idée. Haussant les épaules à sa question, elle tournait la tête vers la vitre, ses yeux vert se perdant dans la contemplation de la rue. "Je m'en fiche." Elle n'y voyait plus vraiment d'importance. Si elle devait partir demain alors ainsi soit-il. Elle n'avait plus envie de réfléchir à tout ça, d'avoir peur de la mort ou de chercher à la repousser. Tout le monde avait une heure de fin, Kaya se fichait maintenant de savoir quand ça pouvait être. Rabaissant le pare-soleil elle regardait son reflet dans le miroir poussant un soupir. "J'ai grossis." Simple conclusion qu'elle faisait mais qui clairement, ne lui plaisait pas.

just give me a reason — Être incapable de prendre soin d'elle, c'était sûrement ce qui me bouffait le plus dans cette histoire. Incapable de faire quoique ce soit, incapable de la rendre heureuse. C'était clairement paralysant et je n'arrivais pas à voir la moindre issue pour s'en sortir. Elle allait m'échapper, elle allait s'échapper et j'allais être perdu sans elle. On avait vécu tant de choses, ça ne pouvait pas s'arrêter de cette façon, pas comme ça, pas à cause d'une maladie qui la bouffait un peu plus à chaque instant. Anorexie. C'était quand même affolant de voir que ça ne lui faisait rien. Elle, elle était comme anesthésiée. Rien n'était lisible sur son visage, elle restait impassible. Et ça me bouffait un peu plus à chaque instant. Elle arborait à présent une posture je m'en foutiste, qui me blessait tout autant que son envie de partir. Déglutissant, je finissais par mettre le contact, prêt à partir, prêt à rentrer chez nous. J'avais besoin de m'isoler, ne pas me faire bouffer par cette attitude qu'elle pouvait arborer. “T'en fais pas on rentre, tu pourras perdre tous les grammes que t'as en trop” disais-je d'un ton presque moqueur, dédaigneux. Et le reste du trajet, je restais silencieux, concentré sur la route, jusqu'à aller me garer dans le garage de la résidence. Sortant de l'automobile, je verrouillais tout quand elle aussi était sortie et sans un regard, je prenais le chemin vers l'ascenseur qui allait nous monter jusqu'au dernier étage, jusqu'à notre appartement. Celui que, visiblement, j'allais avoir pour moi tout seul quand elle aura décidé de n'avoir plus envie de vivre.

just give me a reason — Ce n'était sûrement pas le genre de chose à dire devant Nicholas puisqu'il semblait faire pire qu'une fixette sur sa santé mais elle n'avait pu s'en empêcher. Elle avait grossis, elle le voyait dans le reflet de son miroir. Au moins 200 grammes et c'était déjà trop. Assez pour que son propre reflet la dégoute au plus haut point. Mais ce qu'il répondait, c'était.. C'était violent. Ouais. Elle ne l'avait pas vu venir celle-là et ses yeux verts se posaient sur lui pendant une fraction de seconde attendant le moment où il s'excuserait de ce qu'il venait de balance. Sauf que ça ne venait pas. Rien. Il mettait le contact et s'engageait sur la route sans prononcer le moindre mot de tout le trajet. Se mordant la lèvre, elle en faisait de même reportant son attention sur les bâtiments au loin, ne se décidant à bouger que quand il garait la voiture sur le parking de la résidence. Et toujours sans un mot, ils allaient vers l’ascenseur, chacun de leur côté, incapable de communiquer. Le pire dans tout ça ? Malgré l'ambiance pesante, Kaya, elle n'en avait pas grand chose à faire, sortait ses propres clés pour ouvrir la porte de l'appartement et ne lui adressait toujours pas le moindre mot quand elle prenait la direction du toit. C'était en courant qu'elle les montaient les escaliers dans l'espoir de perdre quelques calories en trop et une fois en haut, la rousse laissait son regard s'attardait sur les toiles qu'elle n'avait pas touché depuis bien trop longtemps. S'asseyant en tailleur devant, elle fermait les yeux inspirant longuement comme si l'envie de dessiner allait revenir en une fraction de seconde et.. Ce n'était définitivement pas le cas.

just give me a reason — Je perdais tout simplement mon sang-froid. Grossi ? Elle venait vraiment de dire qu'elle avait grossi ? C'était à peine si on pouvait remarqué une once de gras sur son corps. Sa peau collait aux os et c'en était pas du tout esthétique. La fille que j'aimais me manquait, son corps me manquait, sa personnalité me manquait et.. elle touchait le fond là, c'était juste indescriptible la tristesse qui s'emparait de moi. Je voulais juste être heureux avec elle et pas me battre à chaque instant. Alors ouais, je perdais mon sang-froid, lui disant d'aller se faire vomir de façon implicite dès qu'on sera rentrés chez nous. Et le trajet se fit dans le froid le plus total. Pas un mot, pas un regard, rien. On se garait, on montait à l'appartement et nos chemins se séparaient. Elle allait sur le toit, j'allais dans notre chambre conjugale. Si on pouvait appeler ça comme ça. Il ne se passait plus rien entre nous et je perdais tout simplement pied. M'évader, c'était ce qu'il me fallait et peut-être que je devrais retourner à la croisière, la laisser alors gérer ses problèmes toute seule. Mais non, je pouvais pas. Je pouvais pas parce que sa maladie pouvait entrainer la mort et il était hors de question qu'elle me quitte de cette façon. Attrapant un album photo, celui de notre mariage, je m'attardais sur ces quelques clichés nous représentant au moment où nous coupions le gâteau. Quand j'avais raté mon coup et que de la crème royale s'était retrouvée sur le coin de ses lèvres. Que mes yeux la dévorait quand je lui essuyais ce surplus indésirable, qui finissait cependant dans sa bouche. À ce moment-là, la nourriture n'avait pas pris tant d'importance dans sa vie, alors comment en si peu de temps, les choses ont pu prendre une tournure aussi dramatique ? Soupirant, je refermais cet album et je le prenais avec moi jusque sur le toit, où je m'arrêtais à l'instant même où mon regard se posait sur elle, installée en tailleur face à une toile blanche. Une once d'espoir me revenait, mais j'attendais de voir si elle allait franchir le pas ou non. Après tout, elle pouvait tout aussi bien envoyer cette toile valser et rien n'aurait changé.

just give me a reason — Elle même ne comprenait pas ce qui ne tournait pas rond chez elle. Elle n'arrivait pas à saisir le moment où tout avait sombré comme ça. Le dessin, c'était toute sa vie. Dès qu'elle avait été en mesure de tenir un crayon, elle n'avait eu de cesse de peindre, dessiner, encore et encore. Preuve étant qu'elle avait choisit les arts plastiques pour son orientation parce qu'elle allait de paire avec les toiles et qu'elle aimait par dessus tout se perdre pendant des heures dans les couleurs qu'elle pouvait utiliser. Et là ? Là, elle se retrouvait face à cette toile et la rousse semblait bien plus vide que le rectangle blanc. Ouvrant ses yeux, elle poussait un soupir faisant finalement claquer sa langue contre son palai. Pas d'inspiration, rien. Y avait juste rien qui venait parce qu'elle n'était pas grand chose d'autre que le néant et ouais, elle était fatiguée de tout ça. Tournant légèrement la tête, elle voyait Nicholas, juste là, un album photo à la main, visiblement en train de l'observer. Elle ne disait rien Kaya, elle savait que de toute manière, la moindre de ses paroles étaient sujet à se prendre la tête. Ils ne se comprenaient plus et parfois, elle avait la sensation qu'ils étaient au bord du précipice. Qu'il finirait par demander le divorce fatigué de son comportement. Et elle se rendait compte de la peine qu'elle provoquait chez lui. Elle se rendait compte de tout ça. Alors pourquoi continuait-elle à s'enfoncer ? Elle frissonnait en repensant à ses mots dans la voiture, à la suggestion de son mari d'aller se faire vomir pour perdre les grammes pris et.. Ouais, ça la dégoutait au fond. Regardant ses bras quelques instants, elle déglutissait difficilement avant de finalement se risquer à prendre la parole. "T'as raison, je ne vais pas bien." Et c'était un grand pas mine de rien qu'elle concède une chose pareille. "Mais j'ai aucune idée de comment m'en sortir." Y avait aucune solution qui ne venait s'imposer à elle alors elle se laissait couler parce qu'elle n'avait plus la force de grand chose. "Je me déteste. Je déteste ce que je suis, ce que je représente. Je déteste tout chez moi." Preuve que le mal être allait vraiment loin dans son cas.

just give me a reason — J'étais incapable de faire quoique ce soit pour la sauver et c'était ce qui me tuait à petit feu. Elle était malade. Je le savais, Asia le savait, ses sœurs le savaient. Tout le monde le savait sauf elle. Elle se complaisait dans une situation qui n'était pas vivable et j'étais à deux doigts de craquer. Un délai, c'était ce que j'ai demandé à Asia avant d'employer la manière forte, parce que quelque part, j'espère être celui qui arrivera à sauver la rouquine des griffes de la maladie. Mais si je n'y arrive pas ? Elle me détestera de l'enfermer dans une chambre, obligée de suivre des traitements qu'elle ne veut pas et.. non, une semaine de plus, j'allais tenter le tout pour le tout pour que je puisse avoir ce que je voulais, ce que tout le monde souhaitait : une prise de conscience de Kaya. Alors j'étais posté là, sur ce toit, à regarder ma femme qui admirait une toile blanche, sans rien faire dessus. Elle était vide à présent, elle ne peignait plus rien, elle qui passait des heures et des heures à travailler sur ses œuvres. Je ne la reconnaissais plus et c'était peut-être ça qu'elle voyait dans mon regard en cet instant précis. Et je sais pas si j'hallucine ce que j'entends ou si c'était bel et bien réel. Elle ne va pas bien ? Elle l'admettait pour de vrai ou était-ce simplement un subterfuge pour que je la laisse tranquille ? Non, je pouvais pas la laisser tranquille, quelque soit l'issue de cette conversation. Il fallait que je la soigne, qu'on trouve le moyen de la soigner. Mais plus elle parlait, plus je sentais que le premier pas était en train de se faire. Lâchant l'album, je me dirigeais vers elle, m'accroupissant à côté d'elle pour la prendre dans mes bras, tentant un geste réconfortant pour montrer qu'elle n'était pas seule dans cette épreuve. “On va trouver, on va s'en sortir, ok ?” Posant mes lèvres contre son crâne, je répétais “On va trouver.. J'te laisserai pas tomber” Parce que si elle se détestait, moi je l'aimais. Peut-être même que je pouvais l'aimer pour deux, le temps qu'elle apprenne à s'aimer de nouveau.

just give me a reason — Comment avait-elle pu en arriver là ? Elle n'en avait aucune idée. Kaya n'avait jamais fait partie des personnes possédant une forte estime d'elle même. Disons qu'elle n'avait jamais été le genre de fille à s'envoyer des fleurs ni rien de tout ça. Mais là, ça avait clairement dépassé des limites parce qu'elle en était à un point ou son simple reflet dans le miroir suffisait amplement à la dégouter. Alors ouais, elle finissait par le sortir sans trop savoir le pourquoi du comment. Elle allait mal et elle le disait à haute voix même si concrètement, ça ne changerait probablement pas grand chose au problème en soit. Mais Nicholas venait presque immédiatement vers elle, l'entourant de ses bras, ses lèvres se posant sur son crâne avec douceur. "C'est moi qui suis en train de te laisser tomber." En fait, elle l'avait complètement abandonné et ça, depuis un moment déjà. C'était triste à dire mais c'était exactement ce qu'elle faisait depuis un certain temps. Elle était incapable de tenir le rôle qu'elle était censée avoir et chaque fois les choses devenaient un peu plus catastrophique. "Je suis désolée de te pourrir la vie. D'être.. D'être la pire épouse au monde et d'avoir jamais réellement su te rendre heureux." S'accrochant un peu plus à lui, elle refusait de le laisser s'en aller. Pour la première fois depuis un moment, elle montrait de réelles émotions. "Je suis désolée de ne pas être à la hauteur encore une fois.."