(Flashback) Qui a eu cette idée folle, un jour d'inventé l'école ?

 
Je dois bien avouer que pour le coup, je ne m'attendais pas du tout à cette réponse de sa part. Souvent, presque tout le temps, j'ai le droit au fameux " La curiosité est un vilain défaut " qui a le don de m'agacer, mais la concernant, elle considère tout comme moi que cela peut aussi être une qualité. La surprise a sûrement dû se lire aisément sur mon visage avant que je lui adresse un sourire pour lui faire comprendre que sa réponse me plaisait.

Arrivant au café, nous primes place avant de demander deux cafés au serveur qui était venu querir notre commande. Afin d'expliquer mes motivations concernant cette activité honorable, je me dois d'évoquer un aspect personnel dont je n'aime pas trop parler. Je me lançais, la voix beaucoup moins enjoué qu'il y a quelques minutes : " Ma mère est hospitalisée depuis plusieurs années maintenant... ", après un léger soupir que je tentais de dissimuler au mieux, je repris : "... Et je ne peux rien faire pour elle à part attendre. Alors si je peux faire quelque chose pour ces enfants qui sont dans la même situation que ma mère, je le ferais avec grand plaisir. ". L'émotion dans ma voix était palpable, et c'est toujours le cas quand je pense à Maman. Le serveur revint avec nos cafés et je détournais la conversation après une première gorgée un poil trop brûlante qui me tira un rictus de douleur. " Tu m'as dit que tu avais une passion pour le dessin, pourquoi ne pas tenter une carrière dans ce domaine plutôt que la médecine ? ". En y réfléchissant, elle a peut-être ses propres raisons également et il se peut que cette question soit trop personnelle à son goût.

"

Bambi accueillit le sourire d'Alan avec joie alors qu'ils arrivaient au café et prenaient place de concert, l'un en face de l'autre. La réponse qu'elle venait de lui donner au sujet de sa curiosité devait lui plaire, et cela la ravit, bien qu'il ne s'agisse là que de la pure vérité et de son ressenti profond. L'italienne n'ajouta pas un mot à ce sujet, se contentant de commander un café serré à son tour, attendant avec impatience que son comparse du jour ne lui donne ses motivations quant au job de clown - beaucoup plus exigeant qu'il n'y paraissait au premier regard. Je suis sincèrement désolée Alan... reprit-elle dans un ton très sérieux, sans tomber dans le pathos à en crever, elle l'était sincèrement. Et pour lui faire comprendre son envie d'instaurer une confiance entre eux, elle se lança également dans la confidence quant à ses motivations, d'une voix douce : je comprends ta motivation et je suis sûre que ta mère sera très fière de toi, tu sais... personnellement, on m'a diagnostiqué enfant une maladie grave, j'ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux et découvert les clowns à cette époque. Ils m'ont permis de ne pas laisser la maladie me mettre complètement ko... c'est une manière de leur rendre hommage, en aidant à mon tour d'autres enfants dans le besoin. Ce détail, Bambi ne l'avait jamais dit à personne. Des proches connaissaient sa maladie mais personne n'avait jamais eu vent de ses nombreux passages en hôpitaux - en dehors de son père - ni de son goût pour les clowns dès son plus jeune âge. Oh je pourrais c'est vrai, mais... en dessinant je n'aiderais personne. Je préfère que ce soit une passion, pouvoir éventuellement la faire partager et aider autrui en devenant médecin, car on en a beaucoup plus besoin, tu ne crois pas ? Mais ça ne m'empêche pas de dessiner avec les enfants quand je suis en mode clown ! Donc je lie les deux ! reprit-elle avec un grand sourire, levant sa tasse de café à la santé d'Alan une fois que le serveur fut venu leur déposer.

 
Le passé de chacun est parsemé d’événements nous définissant. Me concernant, les problèmes arrivés à ma mère ont en grande partie défini le futur moi, celui que je suis actuellement. Pour Bambi, son enfance semble avoir eu un gros impact sur sa personne. Diagnostiqué d'une maladie grave étant enfant, elle souhaite rendre le bien que les clowns lui ont procuré en faisant de même pour les pauvres gamins atteint de maladie importante les clouant au lit. Étonnamment, derrière ce visage angélique, on ne se douterait pas d'un tel passé pour elle.

" Désolé d'apprendre cela Bambi... ", me contentais-je d'ajouter avant de rebondir sur sa réponse suivante : " En un sens, le dessin peut parvenir à aider les gens, du moins c'est mon avis. J'ai cru lire quelque part que l'art pouvait parvenir à lutter contre la dépression, faire rire, et même défendre des causes. ". Mais qu'est-ce qui me prend à me lancer dans de telles réflexions moi... " Mais je vois où tu veux en venir Bambi, tu veux garder ta passion et ne pas en faire un boulot. "

Levant également ma tasse à la santé de la demoiselle, une petite fille reculant sans faire attention vint trébucher sur le trottoir et chuter sur le pied de notre table. Surpris, Bambi et moi jetions un œil pour constater de quoi il s'agit et voir l'enfant en pleurs. M'approchant d'elle, j'essayais de la rassurer en lui faisant savoir qu'il n'y avait pas de bobo, mais rien n'y faisait, cette gamine restait en pleurs. J'optais donc pour une nouvelle stratégie :

" Tu vois mon amie-là... ", dis-je en pointant du doigt ma partenaire qui s'était également approchée avant de reprendre : " C'est une grande magicienne, elle a des pouvoirs extraordinaires ! Si elle te fait un bisou, ton bobo, il va disparaître ! ", annonçais-je alors que je faisais un clin d’œil à Bambi.  

Si Bambi pouvait, elle aurait deux jobs, aussi passionnants l'un que l'autre... un en tant que médecin - sûrement en tant que pédiatre ou équivalant - et l'autre en tant que dessinatrice. Mais difficile de faire l'un sans que ce ne soit au détriment de l'autre... et à ses yeux, la médecine restait son objectif premier, car après tout, si l'italienne était encore en vie aujourd'hui, c'était bien grâce aux médecins l'ayant soignée au fil des années, malgré sa maladie, ses rechutes et autres choseries du genre... Disons que c'est mon meilleur moyen de combiner les deux, sans en oublier un au passage. Je me sens utile d'un côté, et je peux m'exprimer quand même dans le dessin à côté... renchérit-elle de plus belle, dans un petit sourire qui, effectivement, pouvait être considéré comme angélique. L'italienne leva sa tasse avant de boire une gorgée de café bien volontiers. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle vit une petite fille trébucher sur le bitume et atterrir au pied de la table qu'ils occupaient, Alan et la brunette. L'enfant était en pleurs et le jeune homme se leva en premier, suivi de près par l'étudiante qui esquissa un large sourire rassurant auprès de l'enfant. Tu vas voir, mes bisous sont absolument magiques ! Tu veux bien me laisser essayer ma jolie ? fit-elle d'une voix douce, avant de s'agenouiller devant l'enfant et de souffler d'abord sur la blessure pour mieux déposer un petit bisou sur le bobo. Cela dû marcher puisque l'enfant se redressa et lui fit un câlin, à elle puis à Alan. Tu seras un excellent clown, c'est l'évidence même !

 
Décidément, le hasard fait peut-être bien les choses. Comme si le destin avait fait exprès de mettre sur la route de cette petite fille pour que je puisse montrer à Bambi ma complicité avec les enfants. C'est un fait, j'ai toujours était proche des enfants, les trouvant plus honnêtes, plus vrais, jouant beaucoup plus franc-jeu que les adultes. La gamine toute mignonne vint nous faire un câlin après l'intervention réussie de Bambi puis se retira vers sa mère qui nous fit un signe de la main pour nous remercier. Le compliment de la brunette me fit très plaisir et j’espère que les enfants de l’hôpital en penseront de même après ma première fois en tant que clown. Ayant terminé nos consommations, je propose à Bambi de lui offrir son café en remerciement pour m'avoir aidé avec mes galères en biologie. Après avoir réglé la note, nous échangeons nos numéros.

" La prochaine fois que tu as besoin d'un clown, n’hésite surtout pas, je le ferais avec plaisir ", lui indiquais-je avant de repartir en direction de mon appartement où ma petite Chipie doit sûrement m'attendre.

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