« Quand la tristesse est trop grande »

La famille, un des avantages dont elle ne disposait plus depuis bien longtemps. Toutefois, elle savait que sa mère la soutiendrait si elle était encore en vie. Lisbeth préférait ne pas penser à ce qui aurait pu être puisque les choses n’étaient pas comme elle les espérait. Certes, elle pouvait compter sur ses amis mais pour le moment, elle préférait être loin d’eux, de tout le monde, de Boston. Elle les retrouverait à son retour et elle parlera quand elle sert prête. Son regard un peu moins rouge se posa sur Brent quand il lui demanda si sa famille était présente pour la soutenir.

« Non… »

Et cette absence ne lui pesait pas énormément, ayant toujours été habituée à être seule depuis l’âge de douze ans. Finalement, la jeune femme décida d’orienter la conversation sur un sujet autre que son chagrin. Par là même, elle apprit que l’étudiant voulait devenir archéologue.

« Vous envisagez de vous spécialiser dans une période ou une civilisation spécifique ? »

Puis, elle se rendit compte qu’ils discutaient depuis de longues minutes sans s’être présentés.

« Au fait, je m’appelle Lisbeth. »

Lisbeth posa son regard sur Brent alors qu’ils entamaient un nouveau sujet de discussion. Elle hocha la tête quand il lui avoua ne pas avoir de préférence quant à une future spécialisation. Quand il lui demanda ce qu’elle faisait dans la vie, un petit sourire franchit enfin la barrière de ses lèvres. Le premier depuis qu’ils discutaient.

« Je vais être professeure au MIT et faire de la recherche en parallèle. »

Ainsi, elle révélait habiter à Boston ou aux alentours. En tout cas, elle n’était pas native de Londres et ça s’entendait à son accent.

« Enchantée, Brent. Vous êtes venu avec votre enfant ? »

Elle se rappelait ses premières paroles et elle se demandait si un de ses bambins accompagnait le jeune homme. Son regard mordoré se posa sur les enfants qui jouaient non loin d’eux, riaient et criaient.

« Je vais enseigner la programmation et le génie informatique. »

D’ailleurs, son contrat devrait arriver par poste d’ici quelques jours. Même si sa tristesse était grande, elle espérait que son entrée dans la vie professionnelle lui ferait oublier à quel point elle avait mal. Elle était impatiente d’être à la rentrée académique même s’il lui restait encore tellement de choses à faire et très peu de temps. Ces derniers mois, sa vie n’avait rien de simple, à se demander si celui qui tirait les ficelles la lâcherait un jour. Même si elle n’avait pas de famille, elle était contente de s’être fait quelques amis à Boston même si la chose était encore ardue. Qui sait, peut-être que le jeune homme assis près d’elle ferait bientôt partie de cette catégorie…

« Effectivement, il a une sacrée énergie. Comme tous ces enfants d’ailleurs. »

Lisbeth ne les avait pas lâchés du regard alors que ses pensées s’égaraient. Pendant un instant, elle se demanda si elle laisserait son emprunte dans ce monde de cette manière ou s’il valait mieux qu’elle soit la dernière de sa lignée. L’idée de fonder une famille lui avait traversé l’esprit quand elle était encore avec Maverick mais avec le recul, elle se dit que c’était bien mieux s’ils n’étaient plus ensemble. Fonder une famille n’était absolument pas compatible avec son mode de vie et surtout avec le danger qui planait au-dessus de sa tête.

« Et vous avez envie de fonder une famille ? »

Sans s’en rendre compte, la jeune femme mettait les pieds dans le plat. Mais comment aurait-elle pu savoir que Brent venait de perdre l’enfant qu’il aurait voulu élever ? Son regard se détacha des bambins pour se poser sur lui.

Lisbeth observa un instant les enfants se défouler tout en se posant une question existentielle : voudrait-elle en avoir, un jour ? La simple idée de s’imaginer maman lui flanquait une trouille d’enfer. Elle n’avait pas eu une enfance facile même si sa mère avait tout fait pour qu’elle soit la plus heureuse possible. En se plongeant dans ses souvenirs, Lisbeth se dit qu’elle avait apprécié les longues semaines passées avec sa mère, quand son père était absent. C’était dans ces moments-là qu’elle l’avait vue la plus heureuse, la plus épanouie. Quand Anja souriait, c’était comme si le monde rayonnait tout autour d’elle. Surprise qu’un tel souvenir remonte en elle, la jeune femme resta de longues secondes coite, le regard perdu dans le lointain. Si un jour elle avait des enfants, elle ferait tout pour qu’ils soient heureux mais la crainte de ne pas assurer correctement son rôle de parent l’effrayait tout bonnement. D’ailleurs, si elle devait apprendre être enceinte, elle paniquerait déjà à ce stade. Non, Lisbeth était loin d’être prête, étant plus à l’aise avec les enfants des autres.

« Non, je n’ai pas d’enfant. J’ai encore le temps, comme vous. »

Et, petit détail non anodin : trouver le père. Visiblement, ils en étaient presque au même point, Brent et elle. La jeune femme lui adressa un petit sourire, sa tristesse maintenant passée en arrière-plan. Il lui avait fallu parcourir des milliers de kilomètres pour retrouver un semblant de paix et elle ne remercierait jamais assez Brent pour ça.