Save Yourself (Jasper)

Le voyage en avion, ce n'était pas la partie des vacances qu'elle préférait. Fort heureusement, la Demoiselle pouvait se payer le luxe des sièges de première classe. Les heures de vol étaient bien plus plaisantes avec ce goût de champagne au cœur des lèvres. Affublée de sa valise, aussi inconvenante que son mépris des autres, la Brune s'était rendu en direction de son hôtel. Les phalanges agacées tapotent sur le comptoir de la réception car à ses yeux absinthes, rien n'a le mérite d'aller assez vite. Le garçon en poste lui donne finalement la clé de sa chambre après maintes cambrures qui n'ont d'effet que de l'agacer un peu plus. Sa simple présence suffit de toute manière. Quelques pas, l'ascenseur et voilà le numéro délivré à ses pupilles exigeantes. La suite qui s'offre à ses yeux lui paraît satisfaisante et Deirdre décide aussitôt d'installer ses quartiers, investissant méthodiquement chaque recoin de penderie, offrant à son corps une douche salvatrice et c'est ainsi mieux parée de son peignoir en satin pour la nuit, noeud savamment arrimé autour de la taille gracile, qu'elle peut appréhender  la suite des évènements. La Capricieuse ne se refuse rien et appelle un room service pour dîner, bientôt, la porte s'ouvre, sans frapper c'est quand même fort, et devant l'absence de mouvement en son dos, la Glaciale se retourne prête à parer de sa langue perfide « Voyons, vous pouvez installer tout ceci près du lit.... » mais elle s'arrête aussitôt dans son élan. « J'ai demandé des aliments et pas un homme pour le dîner. » Au cas où, mais il semble s'agir davantage d'un intrus que d'un quelconque membre de l'hôtel.

C'est qu'il se défend plutôt bien ce prétendu garçon de service. Un rictus orne ses lèvres défiées tandis que les billes incandescentes toisent comme il se doit les bleutées. « Avoir des certitudes sur un sujet qu'on ignore c'est imprudent. » Bien entendu qu'elle saurait quoi faire de toi le Prince déchu. Tes yeux sont trop clairs, tes mains trop adroites et ton sourire bien trop sûr pour que ça ne cache pas une faille plus béante là au fond. Elle comprend bien assez vite que celui qu'elle avait pris pour un membre du personnel de service n'était en réalité qu'un vacancier comme elle. La Politesse exigerait qu'on s'excuse mutuellement, qu'on trouve ensemble une solution et que les chose se terminent convenablement. Oui mais voilà, deux spécimen d’ego gonflés par l'orgueil se font face et aucun d'eux ne semblent prêt à descendre de son piédestal solidement amarré au gré des années. Alors c'est une bataille bien plus sourde et insidieuse qui s'installe. La Brune passe au devant du Téméraire de sa silhouette gracile et fière, n'hésitant pas à onduler de sa prestance imaginaire, les doigts se posent sur la poignée dorée, laissant ainsi croire à une victoire du jeune Premier.  « C'est magnifique, ainsi tu sais parfaitement comment faire marche arrière et vu que je suis bonne dame, je t'aide tu vois. » Elle se recule dans sa chambre pour lui laisser le passage vers la sortie, d'un geste de la main, elle indique la direction. Un sourire mutin se pare à ses lèvres incendiaires tandis que son visage adopte une amabilité feinte. Qu'il fasse mieux de déguerpir tant qu'il est encore temps, sinon elle ne sait pas comment ses ongles s'occuperont de sa peau lisse et parfaite.

Pourquoi il se contente pas d'être normal et de prendre la porte en s'excusant ? Après tout c'est elle qui est arrivée en première. Mais non, elle a un espèce de demeuré effronté face à elle. Ses sourcils se haussent, l'absinthe de ses prunelles s'écarquillent sous la surprise. Non il ne sortira pas. Vraiment ? Et il se sent obligé de le répéter une nouvelle fois. Alors, elle l'observe partagé entre fascination surprise et rage se vautrer sur son lit. SON lit ? « Je n'ai que faire de Samantha, j'étais là avant. » Et je ne m'abaisserai pas à partir. Plutôt crever oui. De colère, la Brune referme la porte et se plante devant le lit en prenant soin d'éviter les chaussures agonisantes. Comme il est grossier. Toujours en peignoir pour sa part. « Bien entendu que c'est possible. » rétorque-t-elle avec un beau sourire de façade, d'une voix douce et suave. D'avoir de l'intimité. Mais oui, ne prends pas les mots au pied de la lettre, la silhouette est avenante, la cervelle bien plus meurtrière. Les phalanges graciles s'emparent de la ceinture satinée tenant l'habit de nuit fermement autour du corps féminin, en délient savamment le nœud étroit pour laisser glisser le peignoir à ses pieds. La Provocatrice se trouve ainsi en sous-vêtement comptant bien jouer le jeu auquel son nouveau Rival semble s'adonner. « C'est possible en dehors de ma chambre. » Et qu'elle vient se mettre de son côté du lit, se couche sous la couette comme si elle était en présence d'un colocataire tout à fait attendu, se tourne sur le côté pour le regarder malicieuse, fière d'avoir gagné selon elle. « Mais je vous en prie, mettez vous à l'aise. » C'est plus facile de blesser sans le tissu.

Les autres ont souvent été effarés de l'obstination dont elle est capable. Deirdre ne recule devant rien ni personne depuis sa plus petite enfance. Son regard est aussi fascinant que déstabilisant alors c'est bien simple, elle n'est pas habituée à trouver en face d'elle la moindre résistance. Et encore moins en provenance de la gente masculine. Elle compte bien camper sur son piédestal de mauvaise tête quand elle se débarrasse de ses vêtements pour se glisser entre les draps, persuadée que son ultime provocation provoquera la fuite de l'adversité. Mais c'était là sous-estimer l'adversaire. L'intrus imite son comportement et envoie valser ses lambeaux au travers de la pièce. La Tumultueuse détaille l'invité imposé d'un regard partagé entre l'étonnement et une forme primitive de respect alors que les billes détaillent sans aucune gêne la carrure de l'homme, appréciable. « Grand bien vous fasse, parce que moi aussi. » La Revêche s'allonge, s'enfouit sous les draps et quelques minutes passent de la sorte. Le froid la gagne pourtant, dans sa rage, elle a omis de régler la climatisation de la chambre laissée au plus froid par le personnel de service. Elle peste intérieurement quand une sombre revanche se dessine dans le tumulte de son cerveau. Les voutes plantaires viennent se poser sur les jambes nues de Celui qu'elle considère comme son nouveau faire-valoir. « Peut-être qu'au moins tu pourras me chauffer les pieds. » Parce qu'elle considère que s'allonger à moitié nus ensemble dans un lit permet de faire sauter la barrière du vouvoiement, peut-être aussi parce que insidieusement, elle admet sa défaite et décide d'adopter l'ennemi un peu plus familièrement. A moins que ce ne soit encore une fois que pur affront dans le but de déstabiliser l'adversaire.

Les lèvres se plissent de satisfaction lorsque ses oreilles entendent la protestation grave et étouffée de l'ennemi. Le but puéril est atteint et il ne lui en faut pas davantage pour se réjouir. C'est assez surprenant qu'elle trouve un entêtement similaire au sien dans une autre tête. Parce que se conforter autant dans sa mauvaise foi, c'est aussi pathologique que le comportement qu'elle adopte bien souvent. Les gens normaux se seraient excusés poliment, auraient peut-être même rigolé un peu de la situation et y trouveraient surtout une solution. Mais pas eux apparemment. Elle sent les phalanges épaisses se refermer sous sa cheville gracile, puis la main s'égarer sur l'étendue de sa peau et le commentaire plein de sous entendu qui s'échappe de sa bouche trop bavarde. « Pas dans le mien en tout cas. » rétorque-t-elle en sentant sa mâchoire se contracter sous l'effet de l'assaut, difficile de départager le plaisir de l'humiliation, la colère du soulagement. « Tu ferais mieux d'arrêter immédiatement, sinon mon pied risque de se poser autre part. » Et la distinction entre douleur et plaisir ne sera pas difficile à faire cette fois.