ERIN MARIE YATES-HAMILTON ► Jessica Chastain

Si d'autres ont commencé leur vie de façon difficile dans des foyers compliqués, entourés de souffrance, je ne peux pas en dire autant. Mes parents étaient des gens très biens, très aimants. Ma mère était une infirmière au Massachussetts General Hospital et mon père était un avocat dans un petit cabinet de Boston.
Petite, je me souviens surtout des heures décalées de ma mère. Je devais parfois aller chez la voisine pour attendre que mon père rentre du travail mais c'était une femme formidable et j'aimais aller chez elle. Mon père et moi passions des soirées entières devant les Red Sox a s’époumoner ! Plusieurs fois, il m'emmena  même au stade. Nous avions une réelle complicité tout les deux.
Certains enfants ne respecte plus leurs parents passé un certain age, moi, plus les années passaient, plus je les admirait. Ma mère était une femme formidable, intelligente et altruiste. Mon père était un homme protecteur et juste.
Mes parents s'aimaient beaucoup, et je pense que c'est de là que viennent mes rêves de contes de fée. Même à 47 ans, je ne sais pas m'en défaire, je les revoit heureux et tout sourire comme sur leur photos de mariage, comme si le temps n'avait pas d'emprise sur leur bonheur. Je voulais vivre ce bonheur et disons que j'en ai eu une version plus moderne mais tout aussi excitante !

Après de brillantes études au lycée de Boston, j’espérai vraiment rentrer à Harvard en journalisme. Mais ce ne fut pas de tout repos. A 19 ans, je rencontrais Adam, un garçon beau, plus âgé, veste en cuir et moto. Quelque chose vint secouer la jeune fille parfaite en moi et je tombais éperdument amoureuse de lui. C'était un garçon cultivé et ténébreux. Il était alors le stéréotype de l'homme de mes rêves.
Je fut officiellement admise à Harvard, excellente élève, passionnée prête à tout, j'avais obtenu des résultats corrects à mon SAT mais surtout, j'avais conquis le jury avec mon essai et mon entretient. Je leur avait parlé de mon envie d'informer le monde et de mon rêve d'être reporter de guerre.
Je vécu un rêve la première année à Harvard. Membre des Quincy, évidemment. Pourtant pendant l'été, je tombai enceinte d'Adam. Cet homme entrait donc officiellement dans ma vie. Inimaginable pour moi d'avorter et pourtant, inimaginable d'abandonner l'université. Je trouvai un compromis avec l'administration. Je suivrais les cours par correspondances et dès que je le pourrais je reviendrais sur les bancs de l'école. Je dit adieu à ma confrérie et m'en allait vivre chez Adam.
Il me demanda en mariage, le jour ou je quittais Harvard et même si ma vie ne ressemblait pas à ce que je m'en était imaginé, elle me plaisait follement.
Les mois de grossesse furent durs. Les examens, le regard des autres, je perdais mes amis les uns après les autres. Ce n'est pas la période que je préfère de ma vie. Heureusement, les neuf mois passèrent assez vite et ensuite je découvris le bonheur d'être mère.
Declan venait d'entrer dans ma vie, et c'était comme s'il faisait toujours beau à présent. Comme si la lune était toujours pleine, comme si l'air était toujours chaud.
Je me débattait entre mes cours, mon fils et mon mariage, et heureusement que mes parents étaient très présents pour m'aider.

Declan n'avait pas encore trois ans quand je tombais à nouveau enceinte. Forte de ma première expérience, je décidais de réitérer. Je demandais donc les mêmes conditions à l'administration, qui les accepta sans broncher devant la détermination que j'avais eu lors de ma première grossesse. Mais la suite fut tourmentée. Je donnais naissance à une petite fille mais Adam n'était plus le même. Il me faisait peur presque maintenant. Un soir, une dispute éclata plus fort que les autres. Le lendemain, Adam me quittait. Il avait soi disant besoin d'air. En réalité, il suivait une femme plus jeune qui n'avais pas de vergetures dues à l'accouchement, une femme libre, qui pouvait boire autant qu'elle voulait et baiser n'importe où. Je fut extrêmement meurtrie de cet abandon, je demandais sans attendre le divorce pour me débarrasser de cet homme. Je retournais vivre chez mes parents pour finir mes études. Ma mère pris une retraite anticipée pour s'occuper de mes enfants et je pu finir mon diplôme. Malgré la peine, l'abandon, et l'impression d'avoir été bafouée, je demeurait heureuse. Mes enfants n'auraient pas leur père mais je me fis la promesse, qu'ils ne manqueraient de rien et surtout pas d'amour. Ma mère s'en occupait comme des siens et je passais le plus clair de mon temps libre avec eux.
Oui, j'étais seule, et je ne faisais pas la fête mais je ne regrette rien !

Un beau jour, j'obtins mon diplôme. Ma détermination sans faille m'avait fait réussir quelque chose d'a priori impensable. Quand mes camarades sortaient de l'université prêts à débuter leur vie, moi j'avais déjà plusieurs centaines de kilomètres au compteur.  Mariée, divorcée, mère de deux amours. Je ne pris pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. Je décidais de vivre ma vie comme je l'entendais. J'étais passionnée de journalisme, c'est donc tout naturellement que je cherchais un job dans un grand journal. Malgré ma détermination hors pair, je fis une croix sur mes rêves de reporter de guerre. Avec un mari présent cela aurait été tout à fait réalisable mais seule c'était impossible. De même, contactée pour travailler au New York Times, je refusais. J'avais besoin d'avoir mes parents à proximité pour que mes enfants ne manquent de rien. C'est ainsi que je me jetait corps et âme dans le Boston Globe. D'abord simple journaliste puis directrice de rubrique. J'étais et je suis toujours, une femme ambitieuse qui aime son travail. Je faisais dans horaires conséquentes mais mes enfants n'en ont pas vraiment souffert. Disons qu'il valait mieux cela que d'avoir une mère qui aurait eu l'impression de rater sa vie. J'étais une mère célibataire épanouie. Mon père et ma mère me regardait avec des yeux émerveillés, me couvrant de louanges, ne comprenant que ma force venait d'eux.
C'est d'ailleurs à eux que j'ai dédié mon prix Pullitzer. Après une enquête de longue haleine sur les lobby et le gouvernement ayant amené plusieurs dirigeants devant la justice, je reçu ce prix en 1999. Plus qu'un prix, c'était un marque d'accomplissement pour moi. Quand je regardais d'où je venais, je n'en revenait pas. Les années avec Adam étaient loin. J'avais l'impression d'être surhumaine parfois.
Pourtant, ma vie n'était pas parfaite. Il me manquait l'amour d'un homme. Mes enfants me comblaient, Declan était un fils modèle qui m'épaulait en permanence mais voilà, je n'était plus une femme, je n'était qu'une mère. C'est a ce moment si idyllique de ma vie que je fit la connaissance de celui qui deviendrait l'homme de ma vie. Lors d'un dîner de gala donné au Museum of Fine Art, je rencontrait Alcibiade. Un homme peu avenant au premier abord. Il avait vu ma photo dans le boston globe et il voulait me féliciter. De fils en aiguille, nous avons discuter des heures. Il m'a raccompagné chez moi et j’acceptai de le revoir. Pourquoi lui ? Probablement car il dégageait une aura protectrice non intrusive. J'avais l'impression d'être en sécurité sans avoir à me cacher derrière lui. Je me méfiais un peu des hommes. Je ne voulais pas lui présenter mes enfants avant d'être sûre qu'il ne leur ferait aucun mal ! Mais les mois passèrent et quelque chose d'intense pris racine dans mon cœur. Cet homme que tout le monde trouvait froid et égoïste, était avec moi d'une douceur folle et montrait un altruisme déroutant. Il avait une sensibilité à fleur de peau et je le compris quand, un jour, il décida de me dire la vérité sur son passé. Et quel passé...

Un soir, il décida de tout me dire. Nous étions ensemble depuis plus d'un an mais les choses prenaient vraiment du sérieux. Il m'invita chez lui pour en discuter. Il me parla de ces aventures en Angleterre. Il me dit qu'il avait deux filles là bas mais qu'il ne souhaitait pas les contacter. Il m'expliqua qu'il ne voulait plus d'enfants, mais qu'il était prêt à adopter les miens si je le souhaitais. Il ne se chercha pas d'excuses et je crois que c'est ça qui m'aida à accepter. Après tout, je ne pouvais pas lui demander de modifier son passé alors qu'il me faisait une promesse d'avenir. Je décidais de ne pas lui tenir rigueur sur son passé. Je lui expliquait cependant que je ne tolérerais pas que le « père » de mes enfants soit un coureur. C'est à ce moment qu'il mis un genoux à terre et me fit sa demande dans les règles. Surprise, heureuse, je me laissais aller aux larmes de joie. Dans ses bras, j'avais le droit d'être fragile et j'en profitais à cet instant. Je lui promis d'accepter mais il fallait en parler avec Declan et sa sœur.
Quand Alcibiade discuta d'homme à homme avec Declan concernant son adoption et notre mariage, j'avais l'impression de tutoyer les anges et de vivre enfin ce conte de fée dont j'avais tant rêvé. Les choses entrèrent parfaitement dans l'ordre. Nous nous marièrent et Alcibiade devint officiellement le père adoptif de mes deux enfants. Pendant 5 ans nous vécurent un paradis sur terre. La société d'Alcibiade fleurissait, j'obtenais le poste de rédactrice en chef du Boston Globe. Nous participions à des dîners dans la haute société et nous vivions un amour tranquille.
Mais un jour, une jeune femme vint frapper à la porte. Elle prétendait être la fille d'Alcibiade. Sur le coup, je laissais mon mari gérer la situation. Je ne voulais pas intervenir dans la vie de cette gamine qui semblait un peu déboussolée. Au premier abord, je la vis comme une intruse. J’eus peur qu'elle sape notre bonheur mais je compris vite que l'important était ailleurs. Elle avait désespérément besoin d'aide ! Bien sur, elle ne l'acceptait pas.
Alcibiade chercha à la maintenir à distance. Mais Alaska usait de tous les stratagèmes pour le maintenir sous son joug. Dans un sens, cela me peinait et je lui en fit part. Il maintenait que sa position n'avait pas changer.
Les choses ne firent que s'aggraver car entre temps, il eu vent que Feldt était à Harvard et il décida de se faire rencontrer les deux filles. Si Alaska traitait Alcibiade plus ou moins comme un père, Feldt refusa tout net d'en entendre parler. La situation devenait ingérable. Alaska eu deux accidents de voiture, et nous nous rendîmes compte qu'elle se droguait. Elle fit une fausse couche, puis finit par retomber enceinte. A cette annonce, je décidait de prendre les choses en main. Finis les querelles inutiles, j'allais remettre cette famille qui n'était pas la mienne dans le bonne ordre. Une jeune femme avait désespérément besoin de notre aide et je ferais le nécessaire pour que cet enfant trouve un foyer à sa naissance.
Pendant toute ce temps, j'avais protéger farouchement mes enfants de ces événements. C'est avec tendresse que j'ai vu ses instincts protecteurs se réveiller pour Alaska.