ABIGAELLE PRADA ► rosie huntington-whiteley

   
   Comment vivriez-vous si, du jour au lendemain, on vous annonce que ce que vous avez toujours eu ne vous appartient plus ? Je l'ai vécu très mal, comme une trahison. Mon héritage, mon argent, m'a été arraché pour être donné à ma cadette sous prétexte que mon caractère n'en était pas digne. Que je n'en étais pas digne. La trahison, je la vois plus dans le regard de Willow, alias ma petite soeur mais nous ne partageons que notre sang et rien de plus. Mon jumeau, Lisandro, je l'aime bien entendu, c'est une part de moi, un moi divisé en deux, mais je ne supporte pas qu'il prenne plus parti de Willow. Cela ne fait qu'attiser ma haine pour cette dernière, mon envie de la détruire. Alors, je me morfonds devant une coupe de vin rouge dans ce petit bar à vin rustique et chic d'une bourgade de la capitale française. Une halte dans la ville de la mode pour une nuit, profiter de ce lointain silence et de cette paix de ne pas voir le visage d'une certaine blonde de ma propre famille. Un homme vient se glisser à mes cotés, cherchant à regarder mes yeux qui sont cachés dans le rideau de mes cheveux. Je décide alors de relever mon visage, de le regarder, un peu plus pété que je ne peux le croire. Ce n'est pas mon premier verre de vin à deux-cent euros la simple bouteille. L'homme me regarde, esquissant un mince sourire amusé qui indique ses rides de quarantenaire. Il porte un costume très chic, très cher, en trois pièces d'un gris argenté qui rehausse la pâleur de son crâne dégarni mais ravissant. « Ce n’est pas votre premier verre, je me trompe ? » Il parle en français avec un léger accent de mon pays. Je ne comprends rien à ce qu’il me raconte, juste quelques bribes mais pas assez pour comprendre sa phrase. En plus, je commence à tanguer et à être plus très sereine. Il répète sa phrase en anglais, cette fois-ci je comprends et je souris en avalant le fond de mon verre. Lorsque je le repose c’est pour le briser contre le bar. Je lâche un juron en italien et observe ma robe blanche qui ne l’est manifestement plus. « Vous allez bien ? » Me dit-il en italien parfait tout en contemplant l’état de mon corps. Je le fusille du regard, un peu en titubant de la paupière. « C’est votre faute. C’est de la faute de TOUT le monde. » Ok, manifestement je suis complètement saoule. Mes bras remue dans tous les sens, alors que mon corps commence à sombrer sous le bar. L’homme me rattrape par le bras et indique au barman de venir nettoyer. « Ok, je crois que vous avez assez bu pour ce soir. Je vais demander à mon chauffeur de vous ramener à votre hôtel. » Je me débat mais ce vieil homme semble avoir de la poigne. « Non, je reste. Je paie, je reste. » Je le foudroie à nouveau d’une regard tangible. Il sourit en secouant son visage marqué par l’âge et la richesse. « Je paie pour vous, maintenant rentrez dans votre hôtel, mademoiselle. » Je pouffe de rire sans trop comprendre pourquoi. Je le désigne après m’être stoppé nettement, d’un index totalement maladroit. « Vous ? Vous allez me payer la bouteille de deux cent euros ? » Il sourit en se levant de son tabouret. Il me tient toujours par le bras de mollusque. « Je l’ai déjà fait. » Je ne comprends pas bien. « Jonathan, tu nettoies et tu ne lui comptes plus la bouteille. » Il parle en français mais je sais qu’il tutoie le barman. Il le connaît ? Je regarde le jeune homme en tenue de pingouin qui opine sans broncher. Comme un employé à son patron. L'homme me tire avec lui hors du bar, je regarde son os incrédule. Il s'arrête devant une belle mercedes noire. « Vous êtes le patron ? » Je plisse des yeux en sa direction. Il me regarde par dessus son épaule en souriant d'un mince sourire. Un homme sort de la voiture pour venir nous ouvrir la portière passagère. L'inconnu du bar me force à entrer dedans mais je le tiens fermement par le col de sa chemise blanche. « Venez avec moi. Faut payer ma robe et je ne suis pas certaine de réussir à aller dans ma chambre » Je drague très clairement, en temps normal je ne le ferais pas et c’est bien parce que mon coté rationnel est endormi par l’alcool que j’agis ainsi. L’homme soupire et entre à ma suite. Je glousse que s’en est insupportable même pour moi. J’allonge mes jambes sur ses cuisses, relevant le pan de ma robe crayon. Je vois son regard surpris sur mes jambes puis sur mon visage. Je souris, penchant ma tête sur le coté, provocatrice. Il grogne, je l’entends mais je n’ai pas le temps de lui demander pourquoi qu’il m’embrasse déjà à pleine bouche. Le début d'un mariage prometteur de richesse avec un homme plus âgé que moi. J'avais vingt ans, lui quarante. Il était propriétaire de nombreuses terres vignobles d'Italie, de fruitiers, de bars à vins... Il avait fondé sa richesse grâce à l'héritage parentale, des anciens duc de France.

  « Meurtrière. » Ce genre de commentaires, je les essuyais sur ma joue. Veuve noire, profiteuse de maris fortunés, on m’a donné des tonnes de surnoms lorsque Richard est mort. Un homme bon, que j’aimais malgré que parfois, son aspect d’ivrogne ne m’était plus supportable. Je l’aimais et il m’aimait aussi. J’ai amassé tout son héritage, ses terres, son argent mais bien que cela ait été mon but premier, je ne l’ai pas tué. Pas réellement. J’en suis en partie fautive et je ne me le pardonnerai pas. C’était le soir où nous avons essuyé une engueulade lui et moi. Il était parti se saouler je ne sais pas où et hélas, ce fut son dernier verre. J'empoigne ma valise Louis Vuitton, zyeutant une dernière fois la villa que je viens de mettre en vente. Cela fait quelques mois que je suis veuve et il faut que je quitte cette maison. J'entre dans la voiture de mon défunt mari, celle-la aussi sera en vente dès mon départ. Je pars, en effet, pour l'Amérique, retrouver ma chère soeur et lui exposer ma richesse sous son nez. Papa est mort d'un cancer, j'y étais et c'est elle qui a tout obtenu. Je compte bien lui faire comprendre qu'entre nous deux, c'est moi la meilleure, l'ainée, la plus riche. Et puis, la ruiner est mon but premier, d'autant plus que j'ai bien plus qu'un secret sous mon trench coat à son propos. Je regarde l'immense villa qui s'éloigne alors que ma voiture avance vers l'aéroport où m'attends le jet privé, que je garde, faut pas abuser non plus, il peut m'être fortement utile. Harvard, me voilà. Une vie d'étudiante s'offre à moi, une vie nouvelle mais je n'oublies pas que mon but premier c'est de devenir plus riche que je ne le fus sous le nom Prada. Willow doit se sentir infiniment en danger, petite, auprès de moi. Je ferais tout pour la détruire et obtenir ce qui m'a toujours été dû.