NOAH A. WALKER ► Broderick Hunter

22 décembre 1995

C’est aux alentours de quatre heures du matin et après un accouchement de plus de trois heures que le fruit de l’union entre Adam Walker et Elizabeth Stone est venu au monde. Du haut de ses cinquante-trois centimètres, le petit Noah poussait ses premiers cris sous le regard attendri de ses parents. Cet enfant avait été tellement désiré que sa naissance était vu comme un miracle. Alors qu’il n’avait même pas les yeux ouverts, Noah était déjà le petit prince de la famille. Ses grands-parents étaient eux aussi comblés et ils le firent savoir en le couvrant de cadeaux de naissance, à tel point que la pièce qui devait lui servir de chambre était déjà pleine bien avant son arrivée.

Néanmoins, malgré son statut d’enfant unique, le petit bonhomme couleur chocolat n’a jamais été traité comme un roi. Avant même qu’il fasse son nid dans le ventre d’Elizabeth, elle et son mari s’étaient promis d’éduquer leur enfant de sorte à ce qu’il devienne quelqu’un de méritant, un descendant à leur image. Les jeunes mariés s’étaient rencontrés à l’université alors qu’ils participaient tous les deux à un événement en faveur d’une œuvre de charité. Le coup de foudre avait été immédiat, mais ils avaient dû patienter jusqu’à la fin de leurs études pour se marier. Le secret du couple se trouvait dans l’apport qu’il avait l’un pour l’autre. Ils se tiraient mutuellement vers le haut et c’est grâce à cet état d’esprit qu’ils avaient construit leur richesse. En somme, les mots d’ordre de famille Walker étaient travail et amour. Cette devise avait fait de Noah l’homme qu’il était : proche de sa famille (et amoureux des longs repas de Thanksgiving) et travailleur acharné, l’étudiant devait tout à ses aïeux. Quand il était enfant, Noah avait pour règle de finir ses devoirs avant de vaquer à ses occupations. Sa passion première était le basketball. Le petit garçon aimait regarder des matchs sur les genoux de son père, mais il appréciait encore plus y jouer avec ses cousins. Ce passe-temps ne l’a d’ailleurs jamais lâché puisqu’il continue de jouer en parallèle de ses études.

11 septembre 2001

Les événements du onze septembre marquèrent au fer rouge Noah, pourtant âgé de seulement cinq ans au moment des faits. Le jeune homme se souvenait des images d’horreur passées en boucle sur les écrans et de l’ambiance pesante qui avait régné pendant des mois aux Etats-Unis. Cependant, ce qu’il se remémorait le plus facilement était la réaction de sa mère le jour des attentats. Puisque qu’Adam était en voyage à New York, elle avait été morte d’inquiète à l’idée que son mari soit parmi les victimes. Noah se souvenait avec vivacité de sa mère arrêtant toutes ses activités et ne lâchant plus son téléphone dans l’attente d’un coup de fil de son époux. Un appel qui avait tardé, mais qui avait fini par venir. En entendant la voix d’Adam, Elizabeth avait fondu en larmes et avait serré son fils contre elle.

Aujourd’hui, lorsque Noah cherche une explication à sa tendance à s’inquiéter très rapidement, ce jour lui vient directement en mémoire. Malgré lui, l’étudiant en histoire se fait très vite du mauvais sang lorsqu’il n’a pas de réponse à un message ou que le téléphone sonne dans le vide. Ce trait de caractère fait d’ailleurs l’objet de moqueries de quelques-uns de ses camarades, le jugeant souvent bien trop dans les jupes de sa maman.

4 novembre 2008

Le jour de l’élection de Barack Obama, Noah se préparait à fêter ses treize ans. Il avait suivi la campagne présidentielle de près puisque son père, Adam, supportait le candidat démocrate. Il avait même été embarqué dans des réunions en faveur de celui qui serait ensuite le premier président noir des Etats-Unis. Noah ne comprenait pas trop ce qu’il se passait. Il était encore un petit garçon. Bien que d’une nature très curieuse, il ne mesurait pas l’impact qu’avait cet événement sur la société américaine. Il avait été éduqué de sorte à ne pas faire de différence entre les couleurs de peau et ne souffrait pas du racisme. Les écoles privées qu’ils fréquentaient étaient des lieux relativement éloignés de la vie quotidienne où seuls la réputation et le compte en banque des parents comptaient lorsqu’il s’agissait de se respecter. Cependant, les enfants étaient pour la plupart encore loin de ces considérations matérielles. Noah était un petit garçon assez timide, mais il avait quelques bons copains avec qui jouer à la récréation et fêter son anniversaire. En grandissant, le jeune homme est devenu plus sélectif. Même s’il continuait d’arpenter des établissements scolaires privés, les élèves prenaient des chemins différents. Au lycée, il y avait d’ailleurs une forte proportion de garçons et de filles rebelles qui étaient prêts à tout pour contredire leurs parents. Noah n’était pas comme ça. Il respectait ceux qui lui avaient donné la vie et ce même s’ils étaient parfois en désaccord. En dehors de cette divergence de point-de-vue, le jeune homme avait un profil de leader.  Il gardait une part de timidité qui le poussait à ne pas trop s’épancher sur sa vie privée, mais compensait ce manque d’aisance par l’humour. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Noah était un boute-en-train. C’est d’ailleurs grâce à cela qu’il s’est fait apprécié de la majorité de ses camarades et est devenu délégué de ses classes. Au lycée, l’adolescent s’est battu pour diverses causes, mais celle dont il est la plus fière est l’obtention de soda à la cantine.

4 juillet 2013

L’indépendance des Etats-Unis était célébrée tous les ans à la même date et selon des codes bien particuliers. Alors âgé de dix-sept ans, Noah avait invité la fille qu’il convoitait depuis le début de l’année à regarder avec lui le feu d’artifice. Il avait ensuite promis qu’il la reconduirait chez elle. La soirée s’était déroulée sans encombre puisque les deux jeunes gens avaient échangé des sourires pendant plusieurs heures et avaient partagé leurs opinions sur la finale du superbowl, les mesures prises par Obama en termes d’immigration ou encore le dernier film Marvel sorti. Anna et lui avaient beaucoup de points communs et semblaient se plaire mutuellement, mais ils étaient tous les deux éduqués de façon à ne pas être démonstratifs.
Quand le ciel s’illumina en rouge, bleu et blanc, les deux jeunes gens se rapprochèrent et échangèrent ce qui était, pour Noah en tout cas, leur premier baiser. S’en suivit alors une histoire d’amour de jeunesse inaugurant plusieurs premières fois et qui prit fin en même temps que le lycée.

En raison des principes qui lui ont été transmis, Noah n’est pas un coureur de jupons. En secret, il rêve de vivre la même histoire d’amour que ses parents. Lui aussi désire trouver sa moitié, celle qui le soutiendrait, mais surtout celle qui lui ferait découvrir ce qu’est l’amour. Si le physique sportif et soigné du jeune historien lui permet d’attirer un bon nombre de jeunes femmes, il est bien plus rare que ce dernier en profite. Il a eu quelques histoires, dans l’ombre, mais aucune d’elles n’a valu la peine qu’il ne s’éternise. D’ailleurs, Noah n’a encore jamais présenté personne à ses parents. Il se contente d’esquiver les questions concernant sa vie privée et ce malgré les multiples tentatives de sa mère.

20 août 2015

Un de plus. Quand Noah eut la notification d’un journal en ligne, il appuya directement dessus. L’article relatait la mort d’un jeune homme, afro-américain de surcroit, abattu par un officier de la police de St-Louis dans le Missouri. Cette information révolta une fois de plus l’étudiant. En grandissant, Noah avait fait de la cause afro-américaine sa priorité. Il n’était pas rare qu’il utilise des données publiées par le mouvement Black Lives Matter pour sensibiliser les étudiants à la situation des noirs aux Etats-Unis. C’était certainement l’héritage le plus politisé qu’il avait eu de son père : la volonté de s’engager pour les autres. En arrivant à l’université d’Harvard, Noah avait eu affaire à quelques cas de racisme ordinaire. Il avait simplement décidé d’ignorer tout en signalant ces occurrences auprès du bureau des étudiants. Désormais, dès qu’il le pouvait, l’historien rappelait le combat de tous les jours de cette minorité des Etats-Unis. A chaque fois qu’il apprenait le nom d’une nouvelle victime, Noah avait des nausées. C’est contre ce genre d’injustices qu’il voulait lutter et c’était pour ces raisons qu’il avait associé la majeure « histoire des afro-américains » à la mineure « politique ». Il envisage d’ailleurs de faire carrière dans la politique, au service des siens, dans l’espoir de pouvoir marquer l’histoire de sa communauté de sa propre empreinte pour le bien de tous. Noah est un garçon ambitieux, conscient de ses capacités, mais surtout dévoué. Son empathie est autant une force et une faiblesse puisqu’elle le pousse parfois à s’investir de façon trop véhémente. C’est sur ce terrain qu’il a le plus de travail à faire et il espère réussir à se canaliser afin de ne pas gâcher les espérances de ceux qui l’entourent.