JEAN-MARCUS MARECHAL ► tarjei sandvik moe

Ma tante Marine me pose au sol et directement je pars me cacher derrière Marion. Il y a du monde de partout. Beaucoup trop pour moi et mon petit mètre vingt. Voyant ma peur, ma grande-soeur me prend dans ses bras et me porte jusqu'à la table ou siège notre grand-père. Ce dernier semble assez captiver par l'écran. En même temps tout le monde présent semble l'être. Ne comprenant pas très bien ce qu'il se passe, je fais comme eux.

"Chirac est élu avec plus de 82% contre 17% pour Lepen! Quelle victoire écrasante!"

Je tourne les yeux vers mon grand-père, mais je n'y trouve aucune expression. Mal à l'aise, je ne sais pas ce que je dois faire. Je ne sais pas comment m'y prendre. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe. Je suis trop jeune pour comprendre l'importance de la chose. De cette soirée. Pourtant, ma mère me l'a expliqué plusieurs fois.

"C'est ceux pourquoi ton grand-père se bat depuis des années tu sais. Il a travaillé dur pour en arriver à là..."

Et d'après ce que j'ai compris, il vient de perdre... Je sais qu'il est déçu et pourtant il ne pleure pas. Alors, j'entoure sa main droite de mes deux mains et je le regarde.

"Papi, t'en fais pas! Pour moi tu restes le meilleur!"

Il semble sortir de sa stupeur et me soulève dans les airs avant de mettre sur ses épaules et de sortir du bureau de campagne. Dehors, des flash nous mitraillent traquant la moindre émotion sur le visage d'un des membres de notre clan si soudé


Des cries, des assiettes qui volent. Il la regarde, mais il ne dit rien. Il ne peut rien dire. Pourtant, tu vois dans ses yeux qu'il est déçu. Pourquoi? Je ne sais pas. Cela fait plusieurs jours qu'ils se disputent comme des chiffonniers. Plusieurs jours que je me trouve au milieu de tout ce capharnaüm et que je ne comprends absolument rien. On sonne à la porte. Les cris se calment et ma mère part ouvrir. Je me retrouve seul avec mon père.

"Dis, il se passe quoi entre maman et toi?"

Il tente de me sourire, mais je vois bien que cela est faux. Qu'il n'a pas le coeur à cela et qu'il en a marre. Il entre-ouvre les lèvres... Mais avant qu'un son ne sorte, ma mère revient en compagnie de mon grand-père. Lui est toutes dents dehors. Je crois même que je ne l'ai jamais vu ainsi.

"Marcus, t'es prêt? C'est moi qui t'emmènes au collège aujourd'hui?"

Sans dire un mot, je prends mon sac à dos et j'embrasse mes deux parents avant de gagner la voiture. Ce n'est que lorsque nous sommes qu'à deux que j'ose briser ce silence.

"Dis grand-père, tu penses qu'ils vont divorcer?"

Il ne répond pas à ta question, enfin pas oralement... Mais son visage parle pour lui et un large sourire se dessine.

"Ne t'en fais pas pour ça mon grand. Ce sont des histoires de grandes personnes."

La voiture s'immobilise et je sors en embrassant mon grand-père... Ou l'une des pires erreurs de ma vie. Dehors, un groupe de troisième se partagent une cigarette. Ce n'est qu'une fois la voiture partie qu'ils viennent vers moi. Mon corps bat la chamade et tandis que le plus grand s'avance vers toi, un type derrière lui me sort.

"C'est vrai ce qu'on raconte alors! T'es un Lepen?! Normal que tes parents divorcent... Personne ne devrait se marier avec une raciste..."

Ses mots t'attaquent en pleine poitrine. Je ne comprends pas vraiment. Ou du moins, j'espère ne pas comprendre. Pourtant, il se répète.

"FACHO, FACHO! Venez les gars, on lui pète la gueule!"


La voiture se gare devant un imposant bâtiment à l'architecture typiquement londonienne. Inquiet, je me tourne vers mon père qui est assis à mes côtés.

"Papa, t'es sûr qu'ici tout se passera bien? "

Il me sourit et me prend dans ses bras. Et tout en me serrant contre lui, il me rassure en me disant qu'il ne sera pas loin et qu'ici... personne ne pourra me blesser. Qu'ici, notre famille est comme toutes les autres.

"Tu as bien demandé à ce que Lepen n'apparaisse pas, hein?"

Il rit aux éclats avant de m'ouvrir la portière.

"Oust! Ne vas être en retard pour ton premier jour aux pensionnat!"

J'attrape ma valise et me dirige d'un pas fébrile vers les hautes marches menant au pensionnat d'élite. Après les événements de l'an derniers, mes parents ont choisi de m'envoyer ici. Et je dois avouer que je ne suis toujours pas confiant... Et si les événements se répètent ici? Et si, je n'arrive pas à m'intégrer? Et si...

"Hey, c'est toi le nouveau petit français? Je me présente Adam ! Moi aussi, je viens de Paris et on m'a demandé de veiller sur toi!"

Je fais à présent face à un grand brun qui me sort de ma torpeur. Un peu gêné, je lève les yeux vers lui.

"C'est bien moi!"

Il m'inspecte de haut en bas. Et tout en me donnant un petit coup de coude dans l'épaule; il me dit:

"T'inquiètes pas, je suis sûr que tu vas bien t'amuser ici!"


Après trois ans passés aux pensionnat, je peux dorénavant dire que cet Adam avait bien plus que raison. Depuis mon arrivée, je ne suis plus le petit Lepen. Non, je suis Marcus. Simplement Marcus. Un jeune comme tant d'autres... Enfin, un jeune de quinze ans addict à la clope et aux soirées illégales. C'est d'ailleurs la raison de ma punition: Trois semaines chez ma mère. Du coup, je les accompagne partout comme à ce cocktail.

"Je crois que le fils du directeur de Mitchum Biomedics est dans école, pourquoi n'irais-tu pas le voir? Ca ferait plaisir à ton grand-père que tu sois amis avec lui!"

Je regarde ma mère, un peu interdit face à ce qu'elle vient de me dire.

"Cela ferait plaisir à l'autre vieux ? Génial!"

J'étouffe un rire mesquin face à son air si dur et sérieux. Elle ne plaisante donc pas, tendu. En même temps, pour elle son paternel est l'homme le plus droit et juste du monde... Ne pouvant supportant tant de foutaises, je me lève dans l'espoir de regagner la sortie où je pourrai enfin m'en griller une. Le seul problème étant que la salle est noire de monde et que je ne vois pas où se situent les larges portes. Alors, j'avance à tâtons, m'excusant plus de cent fois auprès de personnes qui semblent imbibés d'alcool. Tout en continuant ma folle course, je me cogne contre un torse...

"Excusez-moi, je me..."

Je lève les yeux et fait face à un visage qui m'est familier.

"Ne t'inquiètes pas va... Lucius, enchanté"

Je sais qui il est. Tout le monde le sait au pensionnat! C'est l'un des meilleurs élèves de l'école... Mais aussi, le meilleur élément de l'équipe de lacrosse. Mes joues virent aux pivoines. Gêné, j'essaie de fuir, mais mon corps refuse d'obéir.

"Enchanté, Marcus! "


Ce que nous ne savions pas ce que nous allions tomber fou l'un de l'autre. Il était tout pour moi... et moi pour lui. On dit souvent que l'on reste souvent amoureux de notre premier amour... Et c'est le cas. Encore aujourd'hui. Je n'ai jamais réussi à l'oublier. Ou peut être que je ne le voulais pas. Peut-être qu'inconsciemment, une part de moi voulait croire qu'il pourrait y avoir de renouveau à notre ancienne histoire.


"Pardon? Non, je ne retournerai pas à Paris! HORS DE QUESTION! J'ai été accepté à Harvard... Je sais pas si tu te rends compte de tout ce que j'ai dû faire pour y entrer..."

Il me regarde avec cet air que je ne connais que trop bien. Ce n'est pas son idée. Il n'aurait jamais voulu ça pour moi. Vraiment pas. Non, l'idée vient d'en haut... De mon grand-père. Il n'a jamais aimé le fait que je sois différent de ses espérances. En même temps, il n'y a toujours eu que mon père qui me soutienne...

"Je suis désolé mon grand... Essaies au moins... Je l'ai appelé pour repousser ta rentrée a l'année prochaine."

Il a donc choisi de serrer la queue entre les jambes. Il n'a certainement pas eut d'autre choix... Et je sais que moi non plus.

" Très bien, je n'ai pas d'autres choix que d'exécuter les désirs de ce vieux sénile. Vous allez-vous en mordre les doigts..."

Et j'ai tenu promesse. Au bout d'une semaine à Paris, je me suis retrouvé en cellule de dégrisement. La semaine d'après, j'ai été interdit de deux boites, car je me suis amusé à provoquer des combats collectifs... Tous les tabloïds ne parlaient que de la descente aux enfer de l'héritier Lepen. Autant vous dire que ma charmante petite famille n'a pas été très ravie. Enfin, pour le coup c'était surtout ma tante qui n'a pas vraiment apprécié...


"MARCUS! T'ES... ET TOI! ALBAN! J'Y CROIS PAS! MON FRERE ET MON FIANCE... DANS LE MEME LIT!"

Les cris de Marion me parviennent jusqu'aux méandres des limbes. Je me lève d'un bond. Où suis-je? Pourquoi crie-t-elle? Je regarde autour de moi. Il ne m'a fallu qu'un bref regard vers l'oreiller droit pour comprendre!

"Marion... c'est pas ce que tu crois! Marion..."

Pourtant, elle était partie. Elle était partie ne laissant derrière elle qu'une traînée de larme sur le tapis. Je voudrais bien aller la retrouver... Mais, je sais que cela ne servirait à rien. Elle avait voulu m'aider... Elle avait voulu me sortir de Paris... Et j'ai tout merdé... En beauté.


Les yeux fixés sur l'écran de mon smartphone, je relis le message que j'ai écrit pour Marion...

"Hey Grande-Soeur,

Bonne Année! J'espère que pour toi tout ce passe bien? J'imagine que cela doit être un peu le rush avec les élections qui approchent? Demande à Marine de te ménager un peu... Je sais que tu m'en veux encore... Je sais que tu ne veux pas de mes nouvelles... Mais, tu me manques... On ne va pas se faire la guerre indéfiniment, non?

Quoi qu'il en soit, je voulais juste que tu saches que je me porte bien! Même mieux que bien. J'ai arrêté toutes mes conneries... Je bosse pas mal et je pense même que je dois faire partis des majors de ma promo.

Bref, fais attention à toi.

Je t'aime.

Ton petit frère.

Ps: j'espère que paps' t'a fait parvenir ton cadeau...

A bientôt."

Mon doigt butte sur le bouton envoyer... Au final, j'efface ce message. Qu'importe, elle ne me répondra pas. Je dois apprendre à suivre ma propre route maintenant. Au revoir famille source de conflit.