Sage & Alix
© KaijiJ'sais pas ce qu'elle veut, c'est incohérent. D'habitude, les gens auxquels je vends de la came s'empressent de la prendre et d'aller se cacher pour l'avaler par paquet. J'les ai toujours vu comme des déchets, espèces de chiens galeux trop poreux dans leurs esprits pour s'faire du bien autrement que d'manière artificielle. La drogue, ça ne fait rien. J'eu beau en gouter plein, ça ne m'a jamais fait l'effet d'une bombe ou d'un étourdissement. J'prends ça comme un café ou une Redbull pour m'réveiller quand j'commence à m'faire trop chier. Les paradis artificielles, ça n'existe pas. Le seul truc qu'existe c'est l'enfer, et l'enfer on y est déjà. Ma main plantée paume face au ciel, j'attends mon dû quand elle prends tout son temps pour m'occuper. Comme si j'devais être à sa disposition, comme si tout à coup, j'faisais partie du gramme de coke qu'elle venait d'acheter et que moi aussi j'devais l'amuser. J'suis pas d'ce genre là, ses attitudes de meufs imbus d'elle-même et carrément désinvolte commencent à m'faner. J'la scrute dans l'entièreté d'son visage, sans rater le moindre geste inconscient, le moindre acte manqué. J'la scrute avec tant de concentration que j'en oublie ma main plantée là. Ce n'est que quand elle s'fait balayer par celle de la jeune fille que je la repose enfin au sol, pour soutenir mes jambes qui commencent à souffrir la position accroupie. J'lève les yeux vers elle, la suit du regard quand elle s'relève, sans lui accorder le moindre trait de compassion ou de colère. L'indifférence émotionnelle, j'connais que ça. Et le pire, c'est que je ne fais même pas exprès de n'en avoir rien à foutre. Demain ce sera oublié, elle sera oubliée, noyée dans la masse informe des gens que j'croise et qui finissent tous au bûcher dans ma tête. Le plus pragmatique du monde, j'hausse des épaules je m'enfoutiste, n'ayant de cesse de la fixer dans les yeux sans jamais chercher à la comprendre. J'suis pas du genre à m'noyer, je n'vois que des fantômes et des couleurs grises : "
Si t'as pas envie d'payer ...", j'me relève en même temps que j'parle, doucement, tapotant mes genoux pour dépoussiérer mon jean : "
C'est plus mon problème. La Toxique t'enverra ses gars et tu risque de passer un sale quart d'heures, ils n'aiment pas trop les voleurs". J'enfonce mes mains dans les poches de mon fut, résigné à l'idée d'me battre, ça n'en vaut pas la peine. J'considère qu'à ce moment là, ce n'est plus mon problème, j'suis juste livreur, dans le fond, c'est ni ma came, ni mon frique. J'fais quelques pas en arrière, la laissant parler dans l'vent sans répondre. Tourne les talons m'apprêtant à partir. Quand j'remarque du coin de l'œil son gros pull tomber sur le sol. Elle est sérieuse ? Si c'est un coup de rein qu'elle veut, elle n'avait qu'à le demander plus simplement. J'relève la tête en la tournant vers elle, à moitié dos à elle. Et quand j'entends son
vas-y, je ne souris pas. N'hésite même pas. J'vais pas donner d'la valeur ou de l'importance à ce genre de moment. J'pivote totalement vers elle et m'en rapproche. A pas régulier, sans la moindre forme d'équivoque, de peur, ou d'anxiété. Ce n'est clairement pas mon genre de m'laisser dominer par les évènements. Le même air froid, sans le moindre crépitement dans les yeux, comme si tout était continuellement blasant, j'me poste face à elle. La fixe tandis que ma main droite glisse dans la poche de son pantalon. J'y choppe le pochon, scotché face à elle. Comme j'suis plus grand, mon menton est presque au niveau de son front. J'baisse les yeux vers le pochon, l'ouvre, plante mon index dedans pour former un petit tas sur mon doigt avant d'le porter à ma narine. Et je sniff, devant elle. J'referme le pochon, ma main redescend à la poche de son jean, celle sur ses fesses cette fois, et l'y enfonce. Avant de ressortir, et de venir se poser vraiment sur la fesse de la jeune fille. Je n'ai connu que des coups durs et des coups d'un soir, c'est pas comme si j'allais être déstabilisé. Je l'attire vers moi à l'aide de ma main posée sur sa fesse, et d'un coup, d'un seul, mes mouvements se font plus brutaux, plus vif. Je la plaque contre mon corps, la porte, ses jambes de part et d'autre de mes hanches, avant d'avancer de quelques pas et de la claquer violemment contre un mur, j'entends son dos cogner. Un animal. J'parle pas, j'aime pas parler. Mais étant donné son manège, c'est probablement ce qu'elle cherchait. Et c'est tant mieux, parce que ce matin, je ne me suis pas branlé.