Minna Schäfer ► Olivia Holt [Terminé]

Là où tout a commencé, c’était un mercredi, un jour de pluie, le vent froid et humide faisait crisser les carreaux sous les hurlement sourd de ma mère. On était bien jusque-là, il y avait papa, maman, Kurt était là aussi, mais à cette époque encore il était supportable. Et puis cette nuit-là, une nuit de pleine lune comme celles dont on vante les aboutissants noirs et effrayants. Je crois que ceux qui réalise les films d’horreurs auraient très bien pu écrire mon histoire, celle où ce petit con venait au monde.

En moins d’une semaine tout basculait, je passais de la gentille fille aimée et chouchouté à celle de la grande sœur responsable. Je n’ai pu profiter de la primeur de mon statut de cadette que durant quelques années, mais je comprenais mieux ce que pouvait ressentir Kurt à mon égard. Milow était arrivé, le nouveau-né de la famille Schäfer, ce petit garçon qui hantera mes rêves à venir, tous, sans exceptions.

Depuis mon plus jeune âge, j’étais une petite fille modèle, bien comme il faut, j’ai toujours fait la fierté de mes parents, c’était normal quand on est la fille d’un ministre allemand, on se devait de montrer l’exemple. Pourtant plus les années passaient, et plus j’en avais ma claque de l’exemple, pendant que je remmenais les meilleures notes qui soient à l’école, il n’y en avait plus que pour le petit Milow.

Le pire, c’est qu’il n’y a pas de quoi casser trois pâtes à un canard, vous avez déjà vu une mouche voler ? Alors pourquoi l’applaudir quand elle quitte un endroit pour aller sur un autre. Je me rapprochais un peu plus de mon grand frère durant ma puberté, après tout il était dans la même situation que moi, et je pense que l’exemple il me le montrait mieux que je ne pourrais jamais le montrer à mon petit frère.




Le protocole, l’étiquette, la bienséance, j’apprenais tout ce qu’une petite fille bien comme il faut devait savoir pour réussir dans la vie. Jeune adolescente, un peu fougueuse, je continuais de réussir mes classes, chacune de mes notes frisaient l’excellence au même titre que ma considération pour ceux qui les dispensaient frisait l’insolence.

J’ai pu rapidement constaté qu’il ne servait à rien de jouer à la plus maligne, que ça soit à l’école ou à la maison, j’avais toujours à y gagner en restant discrète et sage. Pendant un temps j’essayais même d’être altruiste en essayant d’apprendre deux trois choses à ce petit frère trop bête pour retenir quoi que ce soit.

Vous le verriez Milow, il est si candide et fragile qu’aujourd’hui j’en vomirais mes tripes. J’ai bien essayé de l’endurcir un peu, mais il n’y avait clairement rien à y faire, alors je laissais ma cause perdue à Kurt en essayant de m’intégrer comme je pouvais au sein des différentes écoles que j’ai pu fréquenter.

Je dois dire que je n’étais pas mauvaise pour m’intégrer, je crois que les garçons remarquaient plus rapidement la volumétrie de mon corps d’adolescente qui prenait forme que l’ingéniosité dont je pouvais faire prendre, alors encore une fois je restais à ma place en restant celle qu’on attendait de moi, une fille.





C’est à cet époque-là que j’ai connu Ben, un gentil garçon, Benjamin pour la famille, mais en dehors des cours entre Ben et sa bande c’était une autre histoire. Ça a été le premier, vraiment ce garçon, je crois que je pourrais en parler des heures, il m’avait totalement fait tourné la tête, autant dire que je n’avais pas l’habitude de ça.

Je lui ai tout donner, à commencer par ma virginité qui ne veut plus rien dire aujourd’hui, jusqu’à mon innocence s’il en restait encore hier, aujourd’hui c’est de l’histoire ancienne. J’ai appris à faire la différence, non pas entre le bien et le mal, mais entre l’agrément et le mensonge. Ben avait bien compris que personne ne me regarderait jamais avec des yeux suspicieux.

Avant que Kurt ne vienne mettre son nez dans nos affaires, on était devenu les machiavels du lycée. Je pouvais tout faire, sans que personne ne vienne jamais me demander de compte, alors que ça faisait bien longtemps que le masque de Benjamin se brisait, je prenais soin de ne jamais altéré celui de ma façade vertueuse.

Pendant plusieurs années j’en ai voulu à mon grand frère d’avoir voulu jouer le cador dans mes histoires, comme s’il ne pouvait pas s’occuper de l’autre insecte qui avait sans cesse besoin qu’on le surprotège. Jamais je n’offrirai de carapace dorée à Milow, il devra se faire tout seul, comme Kurt et moi avant lui.





Après le lycée, Kurt s’en allait pour l’Amérique, autant dire bon débarrât. Si j’adore m’intéresser aux affaires de papa, les affaires du monde, la politique étrangère, je n’ai aucunement l’intention de m’aventurer dans un pays si loin de mes racines. Avant d’y songer, je ne m’en rendais pas compte, mais je pense que je suis restée chauvine.

J’intégrais une école prestigieuse d’Allemagne pour entériner mon cursus, j’espérais un jour qui sait succéder à papa. Ça n’est pas Kurt qui pourrait le faire, et encore moins Milow, alors pourquoi pas son unique et parfaite petite fille ? J’apprenais rapidement à me débrouiller pour rester dans les grâces de ceux qui comptent.  

Le plus compliqué au début c’est de faire la différence entre les gens importants, et les autres. Même Milow est important dans la société allemande, qui l’eut cru ? Quand Kurt était parti, je devais au moins essayer de garder un œil sur lui, mais pas question qu’il s’attache à moi, il pourrait croire que je l’aime, alors que c’est un sentiment qui m’était totalement étranger.

J’enchainais les histoires pas toujours très sérieuses avec certain garçon, des bons partis, et des plus coquins. Le plus drôle c’est en cumulant les deux, comme tout ce que je fais dorénavant dans la vie, il y a toujours celui sur la couverture, et celui qui reste en dessous. J’aurais aimé que tout reste ainsi, jusqu’à ce qu’on m’annonce un changement dans mon cursus scolaire.






Je me sentais enfin seule, enfin épanouie, jusqu’à ce qu’on m’annonce que pour valider mon enseignement de politique étrangères, il fallait terminer ça à l’étranger. Qu’elle idée saugrenue !? Et je ne vous parle même pas de mon père, qui sautait sur l’occasion pour m’envoyer à Harvard, l’université qui selon lui étaient la plus réputée au monde.

Kurt et Milow, les deux étaient déjà là-bas, des moutons sous le joug de notre père, pourtant, il était hors de question de le décevoir. J’ai eu beaucoup de mal à abandonner mes habitudes d’ici, j’avais trouvé un certain équilibre, ce qu’on pouvait appeler des amis, et même un petit business florissant. Là-bas, je devrais tout recommencer, en bas de l’échelle sociale.

Il faudrait passer par là, comme on dit, il faut souffrir pour être belle, alors comment grandir sans se faire torturer un peu. Papa me demandait de veiller sur Milow, en disant qu’ils restaient trop petit pour s’assumer. Ce qu’il ne sait pas, c’est que la crevette restera une crevette, on ne devient pas un homard par la simple volonté de l’esprit.

J’épluchais les prospectus, pas question de me tromper, il fallait que j’intègre une de ses maisons prestigieuses, c’était la seule façon de ne pas tout recommencer à zéro. Pas une maison de clown comme celle de Milow, mais il y en a qui me correspondent parfaitement. Je pose ma candidature dès aujourd’hui, alors attention Harvard, parce que la gentille blonde arrive, et ça va ruer dans les brancards !