C'est le week-end, et je suis posée. N'ayant personne à rameuter avec moi pour aller boire un verre au Drink, pour changer un peu du reste de la semaine, je suis partie seule en vadrouille jusqu'à Harbor Area. L'ambiance dans ce coin de la ville est plutôt sympa, ça change un peu. J'aime bien. Puis le Drink est un bar moderne, où on se sent bien. A la limite du lounge. Et leurs cocktails, c'est juste les meilleurs de toute la côte est du pays. Il y a des gens entourés d'amis, d'autres avec des rencards Tinder ou une connerie dans le genre, et ceux qui sont avec leur moitié. Puis t'as les gens comme moi, qui sont seuls ce soir, comme cette fille, qui a l'air de tirer la tronche dans son coin, au comptoir. Comme je suis une personne assez sociable, je m'approche de la zone de turbulences, j'essaye de voir le degré de dangerosité du phénomène, et j'estime qu'il est tout à fait possible d'engager la conversation, sans forcément draguer. J'ai pas encore établi le degré d'alcool dans son sang selon son regard. On avisera par la suite si je me fais recaler ou non. « Dure journée ? » lui adressais-je, avec un léger sourire compatissant, avant de demander une tequila sunrise au barman. « Je peux vous offrir un verre ? » Je tentais de me montrer amicale envers cette fille, avant de me présenter. « Je m'appelle Jaimie, enchantée. » lui dis-je alors en souriant, tout simplement.
Assise face à ce comptoir, une habitude qui me gagne petit à petit, je repense à tous les derniers événements qui se sont produits. Dispute avec Cole, disparition de Cole, débauche, les rendez-vous secrets avec Ezio, le retour de Cole, la demande de mariage entre Agathe et Aisling. Moi, tout ce cinéma m'avait fatigué et je commence sérieusement à perdre patience, à avoir mal à la tête de ce cercle vicieux. La pseudo mort de Cole m'avait touché, un peu trop, tellement que j'ai encore du mal à m'en remettre et j'avais besoin d'air frais. Besoin de respirer. Et c'est pas au milieu de tout ce bordel que j'allais y parvenir, je songeais réellement à prendre des distances, à partir quelques jours à Paris histoire de voir l'évolution de ma mère. Et puis il y a toi, avec ta coupe garçon, tes dessins sur les bras et ton audace qui se ramène jusqu'à moi, qui m'adresse même la parole et je suis franchement tenté de simplement t'ignorer.. Mais j'hoche juste la tête à ta première question, pensant que tu comprendrais que je n'ai pas forcément envie d'engager la conversation. Mais visiblement, non, tu persistes. Je lève finalement les yeux vers toi, mord ma lèvre avant de répondre. - En général ce sont les hommes qui se proposent à me payer des verres.. Que je lance désintéressée, pas le courage de trop réfléchir, de penser plus loin que le verre que tu vas m'offrir. - Un whisky pour moi. Juste ça, ravale ton blabla, ravale ta bonne foie ou je ne sais quelle connerie qui t'ont poussés à venir vers moi. Je ne veux pas de ta compagnie, mais tu te présente quand même. - Hippolyte, Hippolyte Dunford. Retiens mon nom, retiens le parce qu'il finira par faire de ta vie un véritable enfer.
Cette fille a l'air à la fois désintéressée et à la fois, perturbée. Je ne suis pas là pour la juger ou je ne sais pas quoi, juste là pour essayer de remettre un sourire sur son visage, dépité et marqué par une rage. Je crois que j'aurai mieux fait de mieux évaluer la dangerosité de cette gonzesse. Ca semble être le genre de nana qui se sent agressée pour pas grand chose, et pas très gay-friendly. En somme, je suis dans une sacrée merde. Mais bon, quitte à y être, se foutre entièrement dedans, ça rend la vie plus palpitante. « Je ne savais pas qu'il fallait uniquement être un homme pour se montrer sympa avec une autre femme. J'pensais que ça pouvait changer certaines habitudes. » Je tentais de ne pas trop froisser le phénomène. Ca semblait encore plus compliqué que je ne pouvais l'imaginer. Je demandais un whisky pour elle, et la même chose pour moi. Elle me donnait son nom complet, comme si c'était une flic en civil, il ne manquait que l'insigne, et le grade. « Et tu fais quoi dans la vie, Hippolyte Dunford ? Tu es toujours aussi...froide envers les gens qui essaient juste de discuter ? lui demandais-je avec un léger sourire, pour apaiser un peu l'ambiance qui règne au comptoir.