MATHILDA KAHLO ► dua lipa

( clique ) " P'tite tête, demain, je m'en vais.
Je t'aime, je vous aime tous, mais ici je me meurs.
Pas un jour sans verser une larme.
Pas un jour sans sentir ce vide me bouffer de l'intérieur.
Si je reste, je finirai par mal tourner. Mafia, cartel, drogue, prostitution, meurtre. Y'a que ça ici.
Et moi, je veux pas de ça.
Je veux devenir quelqu'un, p'tite tête. Je veux enfin pouvoir briller loin de cette obscurité qui nous engloutie.
J'ai ma part du bonheur qui m'attend quelque part, je le sais. J'en ai besoin. J'y ai aussi droit, tu ne penses pas ?
Tout est beaucoup trop terne ici. On a personne pour nous. Maman est tous les jours au « boulot ».
Si faire la pute est considéré comme un boulot bien sûr. Je suis certaine que nos pères sont des anciens clients à elle. 'Faut pas se voiler la face frangin, on est six, on se ressemble pas des masses.
Tu sais à quel point je l'a déteste, hein? Je crois qu'on l'a déteste tous ici. Elle n'a de mère que le nom.
J'ai peur de devenir comme elle. Je veux pas, je veux pas me sentir aussi sale.
Je vaux mieux que ça.
C'est pour ça que demain, je partirai frangin. J'vous en ai pas parlé.
Même pas à toi.
Je suis vraiment désolée, mais il est temps que je prenne mon envol.
J'ai envoyé ma candidature à Harvard. Je t'imagine déjà rigoler devant ma lettre au moment où tu lis ça.
Mais j'y crois moi. J'veux y croire moi. J'veux pas finir comme maman, ou pire. Devenir un fantôme comme papa.
J'ai les capacités. J'suis intelligente, je le sais.
Pendant que les gosses de notre favela s'entraînent à tirer dehors, moi, j'ai toujours mitraillé mon esprit de connaissance.
Des livres comme engrais pour une âme qui pousse bien.
Pars toi aussi. Viens avec moi.
Rejoins-moi quand tu le pourra.
Ne me laisse pas seule dans ce monde inconnu. "

Tu regardes une dernière fois ces bouts de ferrailles qui vous servaient de maison. Si ton esprit est déjà loin, ton corps reste figé un instant. Tu pensais que ça serait plus facile de partir d'ici. Qu'une joie intense inonderait ton cœur. Mais il n'en est rien. Une peine immense te submerge. Qu'il est dure de quitter son chez-soi. Même quand son chez-soi nous détruit. Tes quelques amis, tes sœurs et frères, tes affaires, tes souvenirs. Ta dépression. Tu décides de tout laisser ici. De laisser dans ces favelas toutes ces ondes négatives qui n'ont cessé de te hanter ces dernières années. Tu veux renaître de tes cendres, retrouver enfin le goût de la vie telle qu'elle mérite d'être vécue.
Ils dorment tous encore. Il est temps de partir. Helen est à tes côtés. Elle partira à Boston avec toi. C'est elle qui t'a aidé à remplir le dossier, à écrire cette dissertation. Elle qui te connaît depuis maintenant tes quatorze ans. L'année où la boxe t'a attiré vers elle. Elle fut et reste ta coach. En sport comme dans les épreuves de la vie, elle a fait de toi une battante. Une championne dans la région. Ta sauveuse, celle qui t'a ramené à la vie quand la mort te faisait les yeux doux.

Lettre reçue. Tu refuses de l'ouvrir. Tes mains tremblent quand ton cœur sursaute.
Helen l'ouvre à ta place. Sourire creusé sur ses traits durs.
Harvard t'accepte.
C'était il y a cinq ans. Mais tu peux toujours sentir ces fourmillements dans ton ventre.
Tu vas vivre.
ENFIN.