(F) la vengeance est un plat qui se mange froid

Les douces comptines laissent place rapidement aux musiques électroniques. La douceur du visage, aux boutons pullulant et bien rouge. L'enfance, à l'adolescence. Les premières histoires d'amours mais aussi les premières désillusions, les ruptures qui vous font ce mal et qui ne s'effacent pas. Le temps aussi des premières lamentations, d'un possible caractère naissant. Surtout pour moi, des premières galères. « Mais n'est-ce pas notre tête d'ampoule ? » Mon coeur s'arrêta immédiatement de battre, n'osant même pas me retourner. Je n'avais qu'une seule envie, celle de courir, me réfugier dans un coin où ils ne m'atteindraient pas. Malheureusement pour moi, mes jambes ne veulent pas avancer. Elles refusent catégoriquement sous l'effet de la peur. « Tu pensais nous échapper peut être ? » La voix du jeune garçon semblait dérailler quelque peu, à croire que la puberté faisait son travail. N-n-non. Pas du tout.. répliquais-je tant bien que de mal. J'étais repéré, je savais désormais ce qui m'attendais. Il y a bien longtemps que l'argent et mon intelligence ne les intéressaient plus. Non, j'étais devenu purement et simplement leur punching-ball. « Viens-là. » dit-il avec un sourire des plus machiavéliques quand je m'étais tout juste retourné. Je croisais rapidement son regard avant de dévier sur les autres. Deux de ses acolytes que j'aimais surnommé Crabbe et Goyle en raison de leur imposante posture et enfin une jeune fille. Elle. Ses yeux semblaient remplis d'une pitié extrême. Et la déception me traversa comme un éclair. Elle était là, elle aussi. A me regarder. Je baissais le regard, perdu, mélangé entre l’incompréhension et les sentiments naissants d'un garçon de douze ans. La honte aussi, de passer pour le plus faible, et de la voir me regarder dans cet état. Je soupire et pris dans un élan, je relève la tête. Non. Je suis aussi fort que Roman et Morgan. Une lueur d'espoir renaissait dans mon coeur, et une force que je pensais indestructible venait se loger dans mes veines. « Que tu es beau.. On va te refaire le portrait pauvre andouille. » Les sourcils froncés, bombant le torse comme mes frères m'avaient appris, je lui répondais avec confiance. Quand tu veux, minus. Le jeune garçon semblait tout aussi choqué que moi par mes propos que maman aurait qualifié d'inapproprié. La seconde d'après, j'étais à terre, bousculé par mes camarades qui se donnaient un malin plaisir à me donner des coups de pieds. Pourtant même si la douleur était là, je ne regrettais pas mon geste. Parce qu'il avait été courageux, comme un véritable prince.

Ayant passé l'admission les doigts dans le nez, je me baladais maintenant dans l'espace qui allait bientôt être mon université. Croisant tout à coup, dans le hall, un visage familier. Une jeune femme. Elle, son regard. Je ne m'arrête même pas, son rang ne valait même pas le mien. Son regard ne me donnait plus la force d'antan. C'était tout simplement un insecte sans la moindre importance. Et d'autant plus qu'elle ne m'avais jamais aidé à cette époque. C'est là qu'une idée me vint. Celle de la vengeance. Remettre les choses à leur place. Mes veines me le criaient, mon corps, mon âme même ne respirait que pour ce que j'allais faire. Avec patience, les mois suivant me servirent à doucement l'amener à moi, me montrant charmant et agréable. L'homme parfait par excellent. Sa seule erreur ? D'être tombé dans mon piège avec une facilité amusante. Et rien de plus simple que de lui prendre sa confiance, et de la briser aussi rapidement qu'elle était arrivée. Une photo prise au mauvais moment, dans une situation désagréable. Inapproprié. L'envoyer à tous les étudiants et le tour était joué. J'avais brisé son âme comme elle avait fait de même en me regardant chaque jour de sa misérable vie, me faire battre. Revenir la gueule en sang. Aucun remord possible. Juste la vie reprenant son cours. Laissant derrière moi que cendre et désolation.