ELSA ► Mon père ce connard.

Mon père ce connard — Il y a quelques semaines mon père ne nous a pas annoncé qu'il avait rencontré quelqu'un, non, il a carrément annoncé qu'il se mariait. Génial. La meilleure nouvelle dans tout ça ? C'est qu'il veut qu'on participe aux préparatifs, alors on passe nos dimanches autour d'une table à conjuguer repas de famille et préparatifs du mariage. Je déteste ça. J'ai l'impression de perdre mon temps à faire quelque chose que je ne veux pas, et pourtant, j'ai promis à Zorah de ne pas faire d'esclandre alors je viens, et je me tais, je fais juste acte de présence et c'est déjà pas mal. Le repas est pas mauvais, on va dire que c'est le point positif de la journée mais le repas ne suffit pas à faire passer le fait qu'aujourd'hui, mon père ne fait que me demander mon avis sur ce qui est à l'ordre du jour. Une question passe, deux questions commencent à m'agacer, à la troisième, j'ai la moutarde qui me pique le nez à la quatrième c'est l'explosion. Je m'écarte de la table sèchement, ma chaise tombant derrière moi je la relève avant de le regarder droit dans les yeux et lui dire : « J'en ai rien à foutre de ton mariage, de ta femme, de ses gosses alors fais ce que tu veux et ne me consulte pas, j'irais toujours dans ton sens pour que tu me foutes la paix pas par plaisir ! Maintenant je me casse. » J'adresse un regard désolé à Zorah qui me fusille du regard à cause de mon comportement, des petits yeux d'amour à Zachary et Zoélie et je quitte la table me dirigeant dans le jardin pour fumer une cigarette. Est ce que je fume ? Pas spécialement, surtout en soirée et pour passer mes nerfs, alors surement qu'en ce moment je fume beaucoup. Après quelques minutes passées seul, je vois arriver Elsa, la fille de la future femme de mon père, aucune envie de la voir, enfin de la voir peut être que si mais de l'entendre, pas du tout. Je n'ai rien à lui dire. Alors mon remède à tout ça pour lui essayer de lui imposer le silence : lui jeter un regard méprisant... Mais quand même la détailler de la tête aux pieds. Un chien regarde bien une saucisse.

Mon père ce connard — Un an. Un an seulement que mon père avait mystérieusement disparu. Un an que je n’avais pas eu de ses nouvelles, ni moi, ni ma mère. Il s’était simplement envolé. Était-il mort ? Était-il vivant ? Pensait-il à nous ? Est-ce que nous étions le problème, ma mère et moi ? Autant de questions qui n’avaient aucune réponse. J’avais l’impression d’avoir sombré un peu plus dans la mélancolie et faisait davantage ressortir l’abandon que je ressentais au plus profond de moi. Et pour couronner le tout, moi qui n’étais pas prête à remonter la pente, j’en étais même très loin, ma mère m’avait annoncé toute fière qu’elle allait se remarier. Et avec un avocat. Je blêmissais de jour en jour quand j’y pensais, j’avais envie de me terrer dans un trou et ne plus jamais en ressortir. N’avait-elle pas honte ? Honte de se remarier après seulement un an ? Sa réponse ? « Tu sais Elsa, il faut savoir tourner la page. » Non mais laissez moi rire. Et en plus de toute cette farce grotesque, j’allais me coltiner des demi-frères et des demi-sœurs, est-ce que j’avais une tête à vivre en fratrie ? Plutôt mourir. Le rôle de l’enfant unique me convenait. Tu n’as pas le choix ma petite Elsa. Subit et tais-toi. Stupide conscience qui me murmurait de faire des efforts, mais moi, je n’en avais pas envie, de faire des efforts. Cigarette à la bouche, je venais tout juste d’écraser la précédente pour finalement venir placer la nouvelle dans le coin de mes lèvres. Au loin, je vis Zhadig. Belle gueule, beau sourire, mais destiné à être mon demi-frère, donc c’est décidé, je le détesterais. Il me regarde de travers, et la seule idée qui me vint en tête fut de l’embêter un petit peu. Je m’avançais vers lui, allumant ma cigarette en même temps puis pris place à ses côtés. Je tournais mon visage dans sa direction, le fixais avec mes grands yeux, puis garce que j’étais, recracha la fumée de ma cigarette dans sa tête. « Oh pardon. Je n’avais pas vu que tu étais là. » Dis-je faussement.

Mon père ce connard — J'étais clairement énervé et voir arriver Elsa ne fit pas redescendre la pression. Elle aurait été une fille quelconque, pas la fille de la future femme de mon père, je l'aurais surement dragué pour faire descendre la pression, mais elle, elle la faisait monter. Et avec ça provocation ça n'arrangeait pas les choses. Ses grands yeux dans les miens, je tentais de ne pas respirer lorsqu'elle me cracha sa fumée à la figure, si je pouvais éviter de mourir tout de suite, c'était mieux. Je ne bougeai pas, je ne baissai pas le regard, elle voulait de la provocation elle allait en avoir. Après un petit temps de silence, je fis un pas vers elle pour réduire la distance entre nous, si elle faisait un pas en arrière, elle se retrouverait contre le bardage en bois de la maison et ne pourrait pas reculer plus. Les yeux dans les yeux, je finis par lui lâcher : « Fais comme si je n'étais pas là, de toute manière je ne ferai jamais de cas de toi. » Et ça, même si ses yeux étaient plus que troublant. On ne me faisait pas craquer ainsi, c'était impossible. « Ta mère et toi n'êtes qu'une erreur et vous le resterez. » Au moins c'était clair, elle savait à quoi s'en tenir avec moi, je ne les aimais pas et je n'avais aucune envie que cela change. Après le mariage, après avoir fait plaisir à tout le monde en faisant actes de présence, on ne me verrait plus et je vivrai ma petite vie tranquille.

Mon père ce connard — Je n’avais de compte à rendre à personnes. Encore moins à des personnes que je ne connaissais pas du tout, alors si je pouvais jouer la garce de temps en temps, je n’allais pas me priver. Crachant ma fumée sur le visage de Zhadig, je me réjouissais d’une quelconque confrontation avec lui. Chercher les emmerdes, il fallait dire que c’était amusant, surtout lorsque j’allais devoir me le coltiner pendant un certain temps. Il répliquait, je n’en attendais pas moins de lui, et moi j’étais contente de l’avoir piquer un minimum. Il se rapprocha de moi, mais cela ne me fit pas reculer, je ne perdais jamais la face avec les hommes. Une promesse que je m’étais faîte des années auparavant. « Qui me parles ? Oh, ah oui. Ne t’inquiète pas pour moi, c’est comme-ci tu n’étais pas là. » Je ramenais ma cigarette jusqu’à ma bouche une nouvelle fois, puis sans gênes j’étendis mes jambes sur celles de Zhadig, croisant mes chevilles et recrachant ma fumée en penchant légèrement la tête en arrière, m’adossant contre le mur qui se tenait derrière moi. « Oh tu essayais de donner ton opinion ? Non parce que ici tout le monde s’en fiche clairement. Donc pour éviter de gaspiller de la salive, et m’éviter de t’écouter, contente toi de ne rien dire tu seras mignon. » Je lui souris grandement, puis laissa mon regard vagabonder aux alentours un court instant. « Et ton père se dit avocat ? La décoration des lieux laisse à désirer. » Je souriais de manière narquoise puis tira une nouvelle bouffée sur ma cigarette.

Mon père ce connard — Je restai muet face à la blonde. Elle préférait que je me taise et que je sois transparent ? Soit ! J'allais être muet et transparent comme ça elle en serait de même et c'était l'essentiel. En fait je m'en fous de lui donner satisfaction tant qu'elle me fout la paix. Et oui, je suis ce genre de mec. Au pire elle ira crier sur tous les toits qu'elle domine, que je fais ce qu'elle veut, je m'en fiche, peut être qu'être un mec sympa me fera attirer encore plus de femmes et ce n'est que du positif pour moi. Sauf que si elle veut que je me taise, il ne faut pas qu'elle s'attaque à la déco de la maison. « J'en ai rien à foutre de mon père, crache ton venin sur lui tant que tu veux. » Là, je peux même l'aider en fait si elle veut le pourrir parce que je n'en pense pas moins. « Par contre, tout ce qui touche ma mère tu ne penses même pas en parler... La déco en fait partie. » J'ai perdu ma mère, elle me manque, elle va être remplacée par sa mère alors qu'elle n'en rajoute pas car je pourrais devenir méchant voir peut être même violent... Je sais pas je suis plutôt sanguin parfois alors on ne sait pas quelle réaction je pourrais avoir. « Je ne parle pas de ton père ni de ton passé, respecte ma mère et mon passé. » On peut se taquiner sur plein de choses mais la famille pour moi ce n'est pas possible. Je suis un mec chiant, un mec qui peut être blessant mais tout en gardant un minimum de respect pour la personne en face de moi. Blesser dans l'orgueil oui, blesser au niveau du coeur non.

Mon père ce connard — Je n’avais pas peur d’exposer mon point de vue, au contraire j’étais du genre honnête et tout ce qui sortait de ma bouche, était sincère. Je laissais mes jambes posées sur celle de Zhadig, visiblement j’avais touché un point sensible en parlant décoration. Cela m’aurait fait rire en temps normal, mais je voyais qu’il était touché lorsqu’il évoqua sa mère, et je n’étais pas là pour le rabaisser non plus. J’avais tout de même une part d’humanité, cachée certes, mais présente. Je levais les mains en l’air, lui montrant que je ne parlerais pas de sujets sensibles, en l’occurrence sa mère, tant qu’il ne parlait pas de mon passé non plus. « Sinon. Parlons peu, parlons bien. » Je posais mes prunelles sur lui, esquissant un léger sourire en jetant ma cigarette terminée un peu plus loin. « Je vois bien que cette histoire de mariage te fait chier autant que moi. Alors je te propose un deal. » Je penchais légèrement la tête sur le côté. « Il faut briser ce mariage. Je refuse de voir ma mère se remarier, et même si tu as l’air de te foutre royalement de ton père, je suis sûre que tu penses la même chose de ton côté. Dooonc… Lequel de nous deux réussira à briser ce mariage totalement pathétique ? » Je m’approchais à mon tour de Zhadig, réduisant davantage la distance entre nous comme une provocation. Je plongeais mon regard dans le sien, je n’étais pas croyante, mais Dieu qu’il était beau.

Mon père ce connard — Rebelle et un peu casse-bonbon mais pas irrespectueuse, elle marquait un point. Je ne l'aimais pas parce qu'elle était la fille de la nouvelle femme, mais quand même il fallait souligner les qualités qu'elle pouvait avoir quand elle les montrait. Elle changea donc de sujet pour éviter les sujets qui fachent, qui blessent et se dirigea vers le mariage qu'on était censé préparé pendant ce repas. Elle ne voulait pas qu'il se produise. Comme moi, enfin non, moi je m'en fichais. Le fait que mon père pense à se remarier, ça me suffisait pour le traiter de connard. Alors maintenant qu'il se marie ou qu'il ne le fasse pas, ça me faisait une belle jambe. Mais lorsque je vis la demoiselle se rapprocher un peu plus de moi, un sourire s'étira sur mes lèvres. Plantant une nouvelle fois mes yeux dans les siens je lui demandai alors : « Tu comptes essayer de me faire succomber à ton charme pour que je t'épouse avant nos parents ? » Parce que légalement, si nous on était mariés, eux ne pourrait plus le faire. Mais clairement, je n'avais aucune envie de me marier avec une nana et encore moins avec celle qui serait ma future demi-soeur ou je ne sais trop quoi parce que dans le fond on aurait jamais de sang en commun. « Trouve des idées et je t'aide, mais moi je ne perdrai pas mon temps à réfléchir pour leur connerie. » Ca au moins c'était clair. Je lui proposai mon aide c'était déjà pas mal non ?

Mon père ce connard — Je ne supportais pas lorsqu’on manquait de respect aux choses qui m’étaient les plus précieuses, alors pourquoi je devrais le faire sur les autres ? Ce n’était pas dans mon éducation ni dans mon envie, alors je changeais tout naturellement de sujet. Proche de Zhadig, je souriais grandement. « Essayer ? Pas besoin d’essayer. » Je souriais davantage, laissant mon sourire s’étirer sur le coin externe de mes lèvres. J’aimais me laisser croire que j’avais un charme naturel. Que les hommes succombaient dès qu’ils posaient leurs yeux sur moi, après tout j’étais belle non ? Un peu narcissique sur les bords aussi. « Tu n’es pas drôle. » Ben oui, il pouvait m’aider à trouver des plans machiavéliques aussi, non ? « Bon alors tentons la dépression. Ou bien… » Je fis mine de réfléchir. « On va leur faire les 400 coups et être les pires enfants qu’ils ont eu de leurs vies. Ils vont s’en mordre les doigts et se dire que c’est de leur faute. Et ils annuleront potentiellement le mariage. » Je haussais les épaules. Je ne savais pas si c’était l’idée du siècle en tout cas ça me donnait envie d’être la plus odieuse des personnes.