OSCAR JELTES ► simon nessman

Jamais de grandes effusions, ils sont tous assis à la table du petit-déjeuner quand son père se lève pour annoncer qu’il ne rentrera pas ce soir, qu’il a une mission. Les plus grands ne bronchent pas, ils sont habitués, les plus petits regardent leur père avec le cœur serré et les larmes qui perlent les yeux. Oscar il est au milieu, au milieu même dans ses réactions. Il regarde son père sans trop savoir s’il doit éclater en sanglot comme sa petite sœur ou s’il doit rester digne comme son grand-frère qui serre la main à leur père comme un grand. Oscar en fait, il regarde sa mère. Elle est triste ça se voit sur son visage, mais elle a l’habitude elle lui expliquera plus tard. Les Jeltes habitent dans cette villa dans un lotissement de la banlieue de Los Angeles depuis la naissance d’Oscar. Avant, ils voguaient d’une caserne à une autre avant que Mrs Jeltes réclame à son mari de se poser dans sa ville natale. On ne sait jamais quand il part et on ne sait jamais quand il revient leur père. Mais ils sont bien comme ça, famille unie et soudée par des valeurs fortes. C’est à son tour de dire aurevoir à leur père avant bien longtemps. Il le serre dans ses bras, il est fier de son père. Il ne comprend pas encore tout à fait ce qu’il fait dans la vie, ce que représente son uniforme mais on lui répète à l’école qu’il peut être fier de son père. Alors il n’est, il s’applique à l’être et lui aussi espère qu’on sera fier de lui un jour.

Ce n’étaient que des suppositions, il avait eu des doutes pendant longtemps bien sûr mais par respect pour Nolita, il n’avait pas voulu trop fouiller. L’adolescent avait l’impression d’être complètement parano lorsqu’il lui en parlait, il se rendait bien compte que soupçonner les parents de la jeune fille de ne pas être ceux qu’ils prétendent être pouvait même à mal leur amitié d’une certaine manière. Oscar a entendu les sirènes de la police dans la rue sans vraiment s’inquiéter. C’est rare que leur quartier soit pris d’assaut par les forces de police mais pas inquiétant pour autant. Sa curiosité est attisée par la discussion de ses parents, de la porte d’entrée ouverte d’un coup. Un pressentiment d’un coup, que ce n’est pas anodin. Il se penche alors à la fenêtre mais il ne voit pas grand-chose que son père en uniforme militaire traverser vers le perron d’à côté. La porte qui claque dans l’autre sens. Cette fois-ci il n’hésite plus et lâche ses cahiers pour descendre quatre à quatre les marches et il ouvre la porte à la volée. Il voit les deux silhouettes des parents de sa meilleure amie de toujours qui entrent dans une voiture du FBI avant de reporter son regard sur Nolita qui regarde dans sa direction. Il avait raison quelque part, il n’arrive pas à savoir ce qu’il s’est passé réellement, mais il y avait bien un truc louche chez les Thomspers. Mais ça lui fait mal aussi quelque part qu’elle ait pu lui mentir, lui dissimuler la vérité et utiliser leur amitié pour lui cacher. Si elle lui avait menti tout ce temps, il ne voyait pas trop sur quoi reposait leur amitié. Il se rappelait de cette fois où elle lui avait demandé s’ils se connaissaient vraiment. Il s’était moqué d’elle, il avait tourné ça en dérision. Mais maintenant il a la réponse. Non, ils ne se connaissaient pas vraiment. Et maintenant, elle part avec ces flics et il ne sait pas où, ni si elle reviendra. Ses parents n’en ont jamais trop parlé devant lui, choqués de la trahison de leurs voisins qu’ils appréciaient malgré tout. Une histoire d’espionnage russe, il n’en saura jamais vraiment plus.

Il n’en revient pas, il serre la lettre dans ses mains, la relit encore une fois, puis deux. Une scolarité exemplaire enfin récompensée. Oscar court presque maintenant, il s’est mis en retard mais il veut lui annoncer la bonne nouvelle à elle, à leurs amis. Ils seront tous déçus, qu’il ne reste pas avec eux sur la côté Ouest. C’est vrai que le jeune homme aurait pu rejoindre l’Université de Californie comme l’ensemble de ses camarades. Mais il a voulu viser plus loin Oscar, il a postulé dans les universités de la Ivy League et à Harvard. C’est le soir du bal de promo, sa mère l’arrête dans l’escalier avant qu’il s’en aille chercher sa cavalière. Elle prend une photo, le cœur serré et encore les yeux qui brillent. La maison se dépeuple, son père n’est presque pas là encore. D’autres missions, d’autres responsabilités et la perspective de déménager à Hawai. Ses deux aînés ont déjà pris leur envol. Famille parfaite, sans secrets et sans surprises. Et finalement la peur qu’il a Oscar de partir, il craint les surprises à l’autre bout du pays. Il aime le cocon doré dans lequel il évolue, et il n’a pas vraiment envie de le quitter. Et pourtant dans deux mois, c’est une nouvelle vie qui s’offre à lui. Une rupture avec son passé, un pas vers l’avenir, une vie qu’il veut se construire.