Take a chance. Make a change ▬ Bambi.

L’idée m’est venue dans l’espoir de me reconstruire, à la vérité, et rien de mieux que d’investir. J’ai un besoin certain de nouveautés, de trouver dans ma vie, un nouvel intérêt. De casser cette routine dans laquelle je me suis enfermée. J’ai passé des mois à ressasser mon histoire avec Clay, a tenté de trouver à quel moment j’ai pu merdé au point de le faire se sentir obligé d’aller voir ailleurs ce que ça pouvait donner. Mais j’en ai fini de me morfondre, je veux mettre l’amour de côté, celui que malgré moi je continue de lui porter, pathétique à souhaits, dans un coin de mon coeur, de mon âme, à jamais enfermé. Alors après un énième rendez-vous à la banque en matinée, mon budget a été défini, et je suis donc dans la possibilité d’acheter. C’est le Nirvana, et son succès, pour le coup, que je dois remercier.

Lorsque j’allais et venais à New-York, du temps où je régnais, je possédais une galerie d’art, que mon père m’a évidemment retiré, c’est donc pour cette raison qu’aujourd’hui j’envisage d’en avoir une nouvelle, d’évoluer. D’en plus du monde de la nuit, trouver quelque chose qui pourrait briller en journée. Il est vrai que j’aurai pu prendre Tobias avec moi, mais j’ai préféré le laisser, avec l’accord de son père forcément, à ses grands parents. Clay travaillant, et ne pouvant certainement pas le faire garder par les miens … Des mois déjà que le contact entre eux et moi a été coupé, mais le fait est que le manque n’est pas vraiment là, à cause de toutes les fois où ils ont désiré prendre le contrôle sur moi. Alors arrivée dans le centre, j’envoie un message a Bambi, contactée plus tôt, pour lui signifier « Je suis là. » comme prévu, et pour étendre ce nouvel empire – bien plus petit que l’ancien – je n’attends plus que toi.

Bambi et sa bonne humeur, voilà ce que je prends en plein visage lorsque je l’aperçois de loin, me faire un énorme signe de main. Et je ne réalise toujours pas à quel point, la voir, peut me faire du bien. « Ma chérie ! » Qu’elle me chantonne en synonyme de bonjour une fois qu’elle se trouve à mon hauteur. M’embrasse rapidement, lorsque je lui souris pour toute réponse. « T'es radieuse, tu le sais ça ? » Et toi, un peu folle, mais c’est certainement pour cela que nous sommes encore amies, toi et moi. Sa légèreté est maladive, après tout ce qu’elle a vécu, c’est presque un exploit, alors que moi à côté, c’est à peine ce que je sais que de vivre mille et un enfers afin de s’en sortir. « Tu ne peux pas savoir à quel point je suis curieuse de savoir tout ce qui va se passer aujourd'hui ! Je veux tous les détails ! » Le problème c’est que pour le moment, des détails, je n’en ai pas beaucoup. Mais le fait est que je peux lui donner les grandes lignes, ce sera, comme on dit, déjà ça.

Alors en me décalant sur le côté, afin que nous puissions commencer toutes les deux à marcher d’un même pas. Je souris, avant de commencer mon explication qui se veut encore bancale pour le moment. « Je ne sais pas si tu connais mon amie Feldt ? » Peu certaine de lui avoir déjà parlé, mais qu’importe, c’est l’occasion, puis je suis sure qu’elles s’entendraient, dans le fond. Pour avoir toutes les deux la force de me supporter, c’est certainement que leurs caractères pourraient s’accorder. « Peu importe … » Qu’elle la connaisse ou pas, la finalité en sera la même après tout. « On a eu l’envie folle de changer nos quotidiens, d’investir dans quelque chose de nouveau. » Je ne sais pas vraiment si c’est parti d’un délire, mais le fait est que je n’ai jamais été autant sérieuse qu’au moment de lui proposer. Changer des lumières nocturnes du Nirvana, voir autre chose, développer une passion commune et plus grande pour l’art. Me dire qu’il n’est jamais trop tard. Me plonger dans le travail, pour oublier, à quel point c’est le bordel, à côté. « Et c’est là que tu entres en scène. » Parce que même si j’aurai pu dire que je peux me débrouiller seule, que le seul avis qui compte c’est le mien, cette aventure, j’ai l’impression que c’est un tournant, qu’il me faut l’ancrer dans mon quotidien. « Je veux tes conseils, pour le local. » Je veux quelque chose de grand, qui me ressemblera. Un truc qui sera officiellement à moi. Que je n'aurai ni hérité de mon père, ni de l'ancien patron du Nirvana.

« Feldt oui ça me dit quelque chose, il me semble que tu m'en as déjà parlé ! » Au moins, cela prouve que je ne suis pas totalement sénile et qu’au final je ne me trompais pas en pensant que je l’avais déjà fait, bien que dans le fond, j’en doutais, peu expressive sur les gens faisant partis de ma vie, et en règle générale à la vérité. Alors je poursuis mon explication, des plus bancales, parce qu’il est clair que je garde cette part étrange de mystère. Je ne saurai dire pourquoi, parce que dans le fond, je suis on ne peut plus sûre de moi. « D'accord... donc si je te suis bien, ce serait un investissement à deux, avec la fameuse Feldt ? » Exactement. Je ne sais plus vraiment d’où c’est venu, peut-être d’un délire, au fond, mais le fait en reste le même, on va se lancer, coûte que coûte. « Tu me fais plaisir, tu sais ça ? J'espère être à la hauteur par contre... est-ce que tu as déjà plusieurs locaux en vue ou on part de zéro toutes les deux ? » Lui faire plaisir … Je ne pense pas que c’était mon but premier, je crois juste que j’avais besoin d’une alliée, de quelqu’un sur qui compter. Et même si j’ai souvent dit que ce n’était que sur moi que je pouvais le faire, il est clair qu’il n’est jamais trop tard pour changer.

Alors qu’on commence à arpenter la rue, je l’observe sur le côté, prête à avouer la folie de l’instant. « A vrai dire ... » on part de rien, ou de pas beaucoup, pour ce que cela vaut. « J’ai juste aperçu sur des annonces que plusieurs locaux se trouvaient ici. » Et j’ai appelé quelques uns d’entre eux, mais sans trop savoir de quoi parler en premier, le fait est que je voulais voir les lieux de mes propres yeux. « On est attendues pour trois d’entre eux. » Un sourire en coin, avant de lui préciser. « Il faut que ce soit assez grand. » Prestigieux, je dirai même un brin majestueux. « Assez grand pour contenir une galerie d’art. » Il fallait le souligner, parce que sinon ce serait comme la laisser aveugle dans ces recherches alors que je la souhaite opérationnelle. Capable de se projeter, puisque son avis compte. « J’en possédais une ... » avant. Avant la catastrophe Omnicom, avant d’avoir tout foutu en l’air par faiblesse, d’avoir voulu laisser entrer quelqu’un dans ma propre forteresse.

« Trois locaux, ça marche. Quand tu dis qu'il faut que ce soit assez grand pour une galerie, tu attends à peu près quelle grandeur ? » A vrai dire, je n’en sais trop rien, le fait est que j’aimerai avoir le plus grand. Histoire de me sentir aussi puissante qu’avant. Que ma fierté n’en soit que plus étayée. Mais à un moment donné, il faudra se rendre à l’évidence, je prendrai la grandeur que mon porte monnaie et celui de Feldt s’entend pourront nous offrir. Parce que même si nous n’avons pas à nous plaindre de notre compte en banque, le fait est que je ne peux plus faire comme si je roulais sur l’or. Plus comme avant. « Je ne sais pas ... 100 mètres carrés ? » Pour ce que je m'y connais ... Au moins ça me rassure de penser qu'autant elle que moi on ne sait pas vraiment où on met les pieds.

« Tu avais une galerie d'art ? Tu ne me l'avais jamais dit ! C'était il y a longtemps ? » Un regard vers son joli minois, et je me fonds en un sourire malgré la douleur que peut m’apporter ces pensées. Parce que j’ai cette impression incroyable que c’était il y a une éternité. Peut-être même dans un autre monde, qui sait. Je ne m’étais pas vraiment investi, à l’époque, et pourtant cela me tenait à coeur, c’est juste que dans les ambitions de mon père je m’étais perdue, ne voyant qu’Omnicom avant de penser au reste. Une erreur de ma part, évidemment, puisque faute d’entreprise à présent je n’ai plus rien ou plus ce qui compte réellement tout du moins. « Quelques années. » que je lui confie, amusée. « Avant que je ne prenne racine ici. » Parce qu’il est vrai que j’oscillais entre deux mondes avec la volonté suprême de me libérer, au moins à présent c’est ce qui est. « A New York. » dans un quartier animé, dans une vie qui me convenait mais que j’ai envoyé valser. Pour un n’importe quoi, qui n’existe plus vraiment déjà.

Et comme une parfaite assistante elle reprend mes propos, certainement pour se faire dans son esprit une liste des choses qui pourraient m’intéresser ou pas. Elle est parfaite, ma Bambi, n’est-ce pas ? Bien que je le savais déjà. A l’image de Feldt, je sais que pour elles, je ne me suis trompée, ayant eu plus que raison de leur confier mon amitié. Alors je me perds dans mes pensées, dans mon manque New-yorkais, parce qu’il est vrai que même si nous sommes ici dans une grande ville, je ne saurai dire combien la grandeur de New-york peut parfois me manquer. Sa grandeur et le statut que j’y avais, bien évidemment. Annalynne Malcolm dans le monde des géants. Comme c’était dans un univers parallèle, que ce n’était jamais arrivé … Ca me paraît si loin que presque y penser devient une chose encore plus douloureuse que le fait d’évoquer la trahison de Clay. J’avais tout et je l’ai perdu pour rien. « Et tu voudrais faire un peu la même chose ici ou quelque chose de totalement différent ? » Je voudrai pouvoir remonter le temps, changer les choses à ma manière, ne pas faire les mêmes choix, ne pas devenir docilement cette stupide Anna. « Boston ce n'est pas New York c'est clair mais c'est déjà une grande ville, tu auras pas mal d'artistes dans le coin je pense ! » Je le sais, dans le fond, que ce n’est pas si mal Boston, après tout, sinon je n’aurai pas choisi d’y rester. Je n’aurai pas essayé d’ouvrir autre chose ici. D’y construire un brin de ma vie. Mais le fait est que souvent, tout ce que je vois dans ses rues, ce sont les souvenirs et les regrets. Alors on en est là finalement ? D’une journée où je me voyais regarder l’avenir du bon côté, je ressasse à en vomir tout ce que j’ai loupé. Cet un refrain qui semble ne jamais pouvoir changer. « Je veux... » arrêter d’être hésitante, stopper le fait qu’un rien peut me perturber, qu’une phrase peut avoir le pouvoir de me faire changer d’état d’esprit. « Je veux retrouver ma vie. » Pas celle que j’avais avec lui, non, je veux celle que l’on m’a toujours promit. « Laisse tomber ... » Il est des choses que personne au monde ne peut changer.