Lolita marshall ► Adriana Lima

Bon, eh bien commençons par le commencement. Je suis née de deux parents (non, vrai ?! Pas possible !), Tina et Tyler Marshall. Je suis leur seule fille, au milieu d’une fratrie de garçons. En fait, j’ai cinq grands frères. Je suis la petite dernière, la princesse.

Petite, nous avons déménagé dans le Montana : les grands espaces et les folles chevauchées ont bercé mon enfance. Mes parents tenaient un ranch. Tout allait bien dans le meilleur des mondes possibles, jusqu’à l’accident. J’avais neuf ans quand mon père s’est fait piétiner par un jeune poulain qu’il essayait de débourrer. Il est mort dans l’ambulance.

Mes frères ont essayé de trouver du travail en ville, mais ils n’étaient pas bien payés. Ma mère entretenait comme elle le pouvait le ranch. Moi, je me trouvais au milieu de tout ça, trop jeune pour travailler, mais trop âgée pour ne pas me rendre compte de ce qu’il se passait. Nous allions perdre le ranch, les chevaux, les vaches,… Et c’est bien ce qui finit par arriver. Mais à ce moment, j’avais déjà choisi de prendre en main mon destin : j’allais devenir vétérinaire, gagner ma vie correctement et offrir une belle vie à ma mère et à mes frères. Si seulement c’était aussi simple…

Ça, c’était ma vie avant. Depuis, je suis rentrée à Harvard avec une bourse et en accumulant les petits boulots pour financer mes études. J’ai une petite chambre dans le campus, rien d’extraordinaire, mais suffisant pour réviser. Cependant, tout à bien changé depuis mes rêves de petite fille. Même moi, j’ai changé.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille et parfois, le sort nous réserve de bien tristes surprises. A peine entrée à Harvard, j’ai appris qu’un de mes frères avait mis fin à ses jours. Cet événement m’a profondément secoué. J’ai commencé à me poser des questions, à me demander à quoi bon continuer et poursuivre ? je me suis isolée, j’ai pleuré, j’ai hurlé. Mais j’ai continué, j’ai avancé, durement. Et là, il s’est produit quelque chose que je ne pensais pas envisageable : je suis tombée amoureuse. Il s’appelle Nicolas. Je le connaissais depuis plus d’un an, on se voyait de temps à autres par l’intermédiaire d’amis communs. A chaque fois, il me disait que je lui plaisais, mais d’une façon qui ne me flattait pas du tout. J’avais l’impression d’être un morceau de viande à ses yeux.

Et puis un jour, sa petite-amie est partie, emportant leurs deux filles avec elle. Nicolas m’a appelé ; il avait organisé une petite soirée entre amis. Plutôt que de rester seule dans ma chambre, j’ai décidé d’y aller. Et à vrai dire, je l’ai découvert sous un nouveau jour : il n’était pas celui que je pensais. Je devais rentrer le soir, mais j’étais fatiguée, et il m’a proposé de rester. Par contre, il n’avait que deux lits, et j’avais le choix entre dormir avec un parfait inconnu et lui. J’ai préféré dormir avec lui, je savais qu’il ne tenterait rien sans mon accord. Pour l’autre, c’était moins sûr.

Je ne suis jamais repartie. J’ai appris à le connaître, j’ai séché les cours pour lui, je lui tout donné : mon amour, mon attention, mon argent aussi. Je ne suis pas très riche, mais à ce moment, j’avais un peu de sous de côté, et comme lui s’était retrouvé au chômage, je faisais tourner la baraque. Mais son ex est revenue, elle l’a supplié de revenir, pour les filles. Cette… vachette (elle a un regard bovin), appelons-la comme ça pour ne pas dire autre chose, l’a manipulé, et lui, il y est retourné, avec autant de discernement qu’un lapin de trois semaines ! J’ai essayé de lui ouvrir les yeux, de lui dire de se méfier, mais il est parti, me laissant seule et au désespoir. Je ne m’en suis jamais remise. Depuis, je survis plus que je ne vis, je me sens comme morte de l’intérieur. Ça ne m’empêche pas de poursuivre mes études, de faire de mon mieux, et de m’amuser, mais au fond, il y a cette blessure qui ne cicatrise pas. Je la cache, et je ne laisserai plus jamais personne s’approcher suffisamment de moi pour voir à quel point je me sens fragile.