WYATT COLLINS ► Luke Grimes

Vous savez, j'suis pas né depuis des millénaires, j'en ai conscience, mais je me dis que, quand même,  j’ai compris bien des choses au cours de ces trente années. Je sais aujourd’hui que le temps file trop vite et qu’il ne laisse à personne le temps de rien. Qu’il est insaisissable, qu’il se joue même de nous. Il prévient pas, au fond il s’en fou que tu sois heureux, il s’arrêtera pas pour toi, il est égoïste, et il tournera encore et encore, peu importe que t’es là ou non. Pis si tu regardes bien, c’est une espèce de message qu’on te laisse, ça t’explique qu’il faut profiter de tout et de chaque instant, sans réellement se poser de question, parce que  tu sais jamais si ça va durer, tu sais jamais rien. J'ai aussi compris que ça sert à rien d'être attentionné et gentil parce que on te la mettra à l'envers dès qu'on en aura l'occasion. On peut avoir confiance qu'en soi-même, et encore, bien des gens n'y arrivent même pas. J'ai compris que l'amour c'est des conneries, comme si deux êtres pouvaient réellement s'aimer et finir leurs jours ensembles, vous êtes dans quel film là ? Ça existe pas, c'est de la pur fiction, un truc qu'on veut vous faire avaler pour vous donner, peut-être, une lueur d'espoir dans tout ce merdier. Ouvrez les yeux. Mais je peux rien dire, j'ai pas toujours été ce sale con égocentrique. Non, moi aussi j'y ai cru, à toutes ces conneries un jour ; Mais je pense qu'il faut remonter dans le temps pour s'en apercevoir ...

Bienvenue sur terre bébé.

J’suis venu au monde un dimanche soir d’hiver. J’ai mis bien du temps à arriver, mais j’étais bien là. Prêt à monter dans cette espèce de grosse embarcation qu’est la vie. Premier enfant de la famille Collins, j’étais très attendu. Ma mère, Caroline Collins, était une très belle femme, une belle blonde pulpeuse au sourire d’ange, elle ne travaillait pas et se consacrer corps et âme à son foyer, son mari, et désormais moi. Quant à mon père, il était comptable dans une petite société peu connue de Boston, un travail qui n'était pas réellement passionnant mais qui lui permettait de nourrir sa famille convenablement. Quelques années plus tard, un nouvel enfant fit son arrivée au sein de la famille Collins : Taylor, ma petite soeur.


On a grandit comme des enfants normaux je crois. Enfin j'veux dire, l'école, les diverses activités physiques, les repas du dimanche en famille, et pis les disputes avec ma soeur forcément. Elle était ce genre de petite fille modèle, celle qu'on est fière de présenter à tout le monde, quant à moi, j'étais un peu le cancre, celui qu'on dévalorise devant les gens pour se persuader et convaincre que les autres, qu'au fond, ils n'y sont pour rien si je suis comme ça. Souvent, je me suis retrouvé vexé, et laissé de côté volontairement. Ça n'a fait qu'amplifier les choses, ma haine grandissait au fur et à mesure, ma haine envers ma soeur, ma famille ou encore le monde. J'étais purement jaloux. J'avais deux options : Soit, je décidais de fournir des efforts pour être accepté, soit, j'étais têtu et ne changeais pour quiconque. Eh bien, l'option deux semblait me convenir d'avantage. Echec scolaire, les sorties, la drogue et l'alcool étaient mes meilleurs amis, ô grand désespoir de mes parents : J'étais un boulet.
Mon père et moi ne cessions de nous disputer, il était sans arrêt sur mon dos, à me balancer des pics sans le moindre sens, j'étais pas un exemple pour Taylor, j'en avais conscience, mais comment leur faire comprendre que si j'étais comme ça, c'était avant tout et surtout à cause de leur négligence ?
Puis mon père a perdu son boulot, la société coulait. Il a commencé a développé une sorte de dépression obligeant ma mère à trouver un travail minable pour que l'on puisse continuer à vivre de manière décente. Je crois que c'est depuis ce jour-là, que tout a un peu tourné au cauchemar chez les Collins. Dépression, alcool, et pour finir violence envers notre mère. Il était devenu cet homme pathétique et grotesque, que j'ai finit par détester. Fermé à la moindre discussion, et surtout buté, il était devenu impossible pour nous de le comprendre. De ce fait, les disputes n'ont cessé, une atmosphère invivable s'était installée par la faute d'une seule et unique personne. C'était pesant et très triste. Un jour je suis rentré très tard à la maison, je rentrais d'une soirée bien arrosée comme à mon habitude, j'avais néanmoins les idées très claire, assez pour me souvenir de tout très distinctement. Ma mère était allongée sur le sol, incapable de se relever tant elle avait été battue, son visage avait tourné bleu et elle pleurait, elle pleurait toutes les larmes de son corps. J'avais beau avoir énormément de rancoeur, la voir dans cet état lamentable, je ne l'ai pas supporté. Comment un homme pouvait-il s'en prendre à une femme ? C'était si facile, après tout elles sont vulnérables et n'ont pas énormément de force. Ce soir-là, tout a vrillé. J'me suis approché de cette ordure qui se resservait une vodka dans la cuisine et je l'ai cogné. Peu importe qu'il s'agissait de mon père, peu importe si je lui devais le respect et peu importe les conséquences, à mes yeux, il n'était qu'un lâche, un inconnu, un sale con. Nous nous sommes battus, et insultés, souvent les mots sont bien blessants que n'importe quel coup de poing, et puis j'ai appelé les flics, ça ne pouvait plus durer.


Les flics ont débarqué et n'ont pu que me croire en voyant le visage marqué de ma mère silencieuse. Au début je pensais qu'elle était choquée, et qu'elle était incapable d'avouer les choses aux forces de l'ordre, mais j'étais bien loin de la réalité. Ils l'ont finalement embarqué, il n'allait pas s'en sortir ainsi. Ce soir-là, j'me suis endormi, pensif, mais le devoir accompli néanmoins, je me sentais serein, de savoir que cet homme n'était plus là, à nos côtés. " Tu sais ton père ne méritait pas ça. Il a juste eu un moment d'égarement" avait-elle dit les yeux pleins de larmes, comme si elle m'en voulait d'avoir agis pour elle. Je n'en revenais pas, allait-elle vraiment me reprocher ceci ? " Je veux que tu quittes cette maison Wyatt." Elle ne plaisantait pas, elle voulait réellement me voir partir, elle voulait nier tout ça et faire revenir cet enfoiré dans sa vie, comme si elle était incapable de vivre sans lui, malgré tout. Je ne pouvais plus rester ici, la situation était devenue beaucoup trop difficile et c'était malsain. La seule chose qui m'inquiétait, c'était de laisser Taylor avec eux ; Même si nous n'étions pas réellement proches, c'était ma petite soeur, et je tenais à elle quoi qu'on en dise. J'ai plié bagages, avant même que ma soeur ne rentre et j'ai quitté la maison, j'ai tout quitté, sans savoir où j'allais. J'avais alors 25 ans.


J'ai mis du temps avant de trouver une solution. J'étais à la rue, au sens propre, comme au sens figuré. J'étais paumé, je ne savais pas où allait. Alors j'ai squatté à droite à gauche, heureusement pour moi, j'avais quelques amis. Pas de diplômes, et puis, pas réellement d'ambition, ça tournait assez mal à vrai-dire. J'ai commencé à sévèrement me laisser aller dans l'alcool, pensant que c'était un remède, mais malheureusement, ça ne dure pas, en fait, ça te fait oublier tes problèmes le temps d'une soirée pis au fond, tu te réveilles, et ... Ils sont toujours là. J'avais peur pour Taylor, peur qu'il s'en prenne aussi à elle ; Je l'avais en quelque sorte abandonnée dans ce foutoir et la culpabilité me rongeait peu à peu, je n'avais pas agis en grand frère, j'avais été lâche et je ne voulais pas lui ressembler. C'est régulièrement que je m'étais décidé à l'appeler mais simplement pour lui demander comment ça allait, sans lui expliquer les raisons de tout ça, elle n'avait pas besoin de savoir, elle était si jeune. Je lui avais simplement dit que je m'étais disputé une énième fois avec nos parents, et puis c'était une excuse plausible après tout.



Forcément à un moment donné faut se reprendre en main. Rester comme ça n'était plus possible, et je n'aimais pas être ce mec qui profite de l'hospitalité des autres, j'avais sans doute plus de fierté que ça. Alors j'ai décidé de me bouger un peu, de trouver un travail, un appartement que je louerai sans doute avec des colocataires, à vrai-dire je savais que je n'aurais pas le choix. Heureusement pour moi, un ami venait d'ouvrir un bar sur Boston, un petit pub irlandais qui était très attendu par les jeunes assoiffés de la ville, il m'offrait une place entant que barman. Moi qui aimait l'alcool, je m'y connaissais un peu, et puis, je voulais apprendre, encore une fois : Je n'avais pas le choix. J'me bouge pour m'en sortir, les gens qui ne me connaissent pas diront que je suis un sale con arrogant qui croit tout savoir. Inaccessible et têtu, eh bien, ils disent certainement vrai. Pourtant je ne l'ai pas toujours été, je veux dire, je sais que j'ai un coeur, mais croyez-en mon expérience, moins on en montre, et plus on est tranquilles.