Jayden J. Bevis ► Brandon Flynn

Winthrop House
Avant même d'intégrer l'université, Jayden savait qu'il était fait pour la Winthrop House. Et pour cause, son profil correspond totalement à la fraternité. Adepte lui-même du Bro' Code, ce sportif a tendance charmeur ne pourrait que se sentir à sa place dans cette maison qui accueille chaque année des étudiants dans son genre. Des étudiants qui, comme lui, font passer la solidarité entre frères avant presque tout. Avant même les filles. De toute façon, quel aspirant Winthrop voudrait être lié d'une manière ou d'une autre à une Cabot ? Uhm.

Eliot House
Juste parce que c'est un "fils de", la fraternité se devrait de l'accueillir à bras ouvert. En effet, son père était un membre de la Eliot House en son temps. Et les fraternité à l'université, c'est presque héréditaire. Après tout, quand le paternel oblige presque son fils à suivre ses pas dans le monde du droit en dépit de son envie d'être dans le sport, alors ce dernier s'exécute non ? Voilà pourquoi cette candidature à la Eliot House. Parce qu'il faut toujours un choix du coeur, et un choix de raison.

This is your story

tell us everything

CHAPTER ONE

Une dissertation à faire sur son choix, sur son avenir… Sur ce qui l’avait poussé à vouloir intégrer la prestigieuse université d’Harvard. Par où commencer ? Comment exprimer un souhait qui n’est même pas le sien ? Comment l’expliquer sans paraître détaché ? Il souffla, se retenant de balancer le stylo noir qu’il tenait dans sa main à l’autre bout de la pièce. Malgré son incapacité à expliquer ce choix, il se lança. L’audace paierait peut-être.

« Je m’appelle Jayden James Bevis. Si vous regardez dans vos registres ou même dans de vieilles photos de classe, vous verrez que ce nom ne vous ai pas inconnu. Je suis un fils de. L’héritier d’un trône, le seul capable de suivre ses traces. J’aurais presque dût m’en douter. C’est vrai, mon père n’a toujours été qu’un… qu’un avocat à succès. Avant d’être un père. Avant même d’être un mari. Il était Maitre Bevis, l’avocat le plus talentueux de Boston. Ma mère l’adulait, bien trop pour réaliser qu’elle était la première à souffrir de cette situation. J’étais le deuxième.

Ma mère n’était qu’une femme au foyer. Elle n’a toujours été que ça. Ce n’est pas réducteur, je n’essaie pas de la rendre moins importante ou je ne sais quoi. Je veux juste dire qu’elle n’a jamais voulu être plus que ça. Elle n’a jamais voulu utiliser ce droit pour lequel des femmes s’étaient battues avant elle. Elle était la digne femme de son mari, la mère de son unique enfant. À l’époque, ça m’arrangeait plutôt bien. Je veux dire, avoir sa mère qui est là pour vous amener à l’école (privée, ça va de soi), c’était… plutôt cool. Surtout comparé à presque tous les autres enfants dont les deux parents travaillaient. Ma mère, elle, était là. Elle faisait les repas, nettoyait la maison et trouvait encore le temps de me faire ce câlin avant d’aller dormir. Je n’ai pas manqué d’amour de sa part, et à vrai dire, elle en avait bien assez à m’offrir pour deux. L’absence de mon père ne m’a pas vraiment semblé étrange, au début. Comment souffrir de quelque chose qu’on ne connaît pas ? Je n’étais pas entouré d’enfant dont les parents étaient super aimant. Dans ma situation, et comparé à d’autres, je me considérais même comme chanceux. À l’époque, c’était… Ouais, c’était bien. »

Il fit une pause dans sa lettre, réalisant alors qu’il passait totalement à côté de la consigne. Continuer ? Ou rattraper sa bêtise ? Sans trop réfléchir, il continua.

« Puis j’ai grandis. Toujours aussi protégé par ma mère, toujours aussi délaissé par le reste. Je n’étais pas capable de voir la vie telle qu’elle était, surtout parce que j’étais dans un cocon. Je ne voyais pas la misère du monde. J’étais formaté, prêt à tracer une vie de fils de riches parents. J’ai commencé à m’intéresser au sport durant mon adolescence. Presque en même temps, mon père tentait de m’intéresser au droit, à son métier. Moi, l’enfant dont il ne s’était presque pas occupé, allait devoir suivre ses pas. Vivre sa vie d’adulte. Est-ce-que je voulais d’une vie où on ne voit ni sa femme, si on fils ? Non. Pas si j’avais le choix. Et à priori, je l’avais. En rejoignant l’équipe de basket de mon école, je me suis découvert un talent. Je n’étais pas le meilleur. J’étais un peu gringalet, pas épais pour 3 sous. Alors j’ai fait des efforts. Je me suis entrainé, j’ai fait en sorte d’être meilleur. En le cachant à mon père, et par conséquent à ma mère aussi. Je comprenais à ce moment-là qu’elle n’était pas une mère avant tout. Elle était une femme, la femme de mon père. Elle n’était pas serviable et dévouée. Elle était soumise. Et peu importe mes choix, je savais qu’elle n’allait pas être d’accord si mon père ne l’était pas. C’est dans cette optique que j’ai grandis. En mentant. En apprenant à me construire moi-même, et en feintant d’être un autre. Sur plusieurs points. »

Il arrêta à nouveau, prenant une profonde inspiration. Cette lettre d’admission n’était pas sérieuse. Il ne voulait même pas intégrer Harvard. Mais pour autant, voulait-il dire toute la vérité ?

« Je suis attiré par les garçons. Enfin, j’imagine. Je crois. Non, j’en suis sûr. Je veux dire, quand on ne l’est pas, on le sait forcément. Et là je le suis clairement. Bien évidemment, personne ne le sait. Comment rester le digne fils de mon père dans ces conditions ? Comment être crédible en tant que sportif ? Il en a peu qui ont fait leur coming-out récemment. Je sais que je mens au monde entier, comme je me mens à moi-même. Mais ma vie est basé sur un mensonge donc… pourquoi pas. En attendant, je continue de sortir avec des filles pour donner l’illusion que je suis un tombeur. Bien sûr, je ne fais rien avec ces filles. J’ai juste à prétendre que je l’ai fait. Je ne veux pas être rejeté, et si ça veut dire devoir porter un masque constamment, alors allons-y. Après tout, j’ai fait ça toute ma vie. Faire semblant.

Alors pourquoi devrais-je être accepté ? Et bien, pour pouvoir continuer à faire semblant. Je dois être crédible. Auprès de mes parents essentiellement, mais également auprès de mes amis. Tous voient en moi le futur avocat, et c’est ce que je compte faire. Des études de droit. Cependant, je vais également faire une option sport. Je vais continuer à m’entrainer, je vais rejoindre l’équipe de Basket et quand j’en aurais le courage alors je… j’enlèverais le masque. J’oserais dire qui je suis et ce que je veux. En attendant, je serais celui que j’ai toujours été : populaire, riche, doué pour les relations sociales et peut-être un peu tête-à-claque. Loin de celui que je suis vraiment mais beaucoup plus conventionnel. Qu’en pensez-vous ? »

Sur cette dernière question, il posa son stylo. Avec un sourire en coin, il plia soigneusement sa feuille comme pour la mettre dans une enveloppe. Et alors que, dans un geste presque machinal, il allait mettre cette fameuse lettre dans son étui… il la réduisit en boule de papier. Non. Ce n’était pas sa dissertation, son devoir d’entrée. Il jeta la boule en arrière, avant de prendre une nouvelle feuille. Et il recommença à écrire. Mais cette fois… en portant son masque.

(Invité)