lawrie & lily & plus si affinités.
A en juger par son accent, cet « Armand » devait être français d’origine, elle en mettrait sa main à couper. Son anglais était en revanche très bon, et particulièrement soigné, si bien qu’ironiquement Lily se demanda s’il pouvait avoir la moindre faille. Tout devait filer droit avec lui, mais n’avait-il rien de particulier à faire d’autre un week-end comme celui-ci ? N’avait-il donc aucune famille à voir, ou d’amis, qui lui permettraient de se changer les idées et de voir autre chose que l’intérieur sans défaut aucun de cette immense demeure ? Apparemment non. «
Parfait … Merci mons- … Armand. » Elle avait failli l’appeler « monsieur Armand » mais s’était ravisée au dernier moment, se disant que cela sonnait très naïf et qu’à défaut de son nom de famille qu’elle avait oublié, elle pouvait bien faire usage de son prénom. Ce n’était pas inconvenant de le faire, si ? Le peu de fois où elle s’était rendue chez Lenore, à New-York, elle avait eu l’occasion de faire la connaissance de leur « majordome », ou du moins, de celui qui veillait à la bonne marche de la maison et notamment du personnel de cuisine qui intervenait chaque fois qu’ils invitaient du monde pour le dîner. Anglais quant à lui, il se prénommait « Carl ». Juste Carl. Il ne lui avait jamais décliné son identité en entier. «
La chambre ? » L’air distrait, parcourant du regard les tableaux qui ornaient certains murs ici et là, lorsqu’ils furent plantés tous deux devant la porte en question, la jeune femme sourcilla quelque peu, incrédule. «
Vous êtes entrain de me dire qu’il dort encore à … 15h30 passées ? » Un coup d’œil sur la petite montre qui ornait son poignet, et il lui fallut quelques secondes pour réaliser l’invraisemblable. «
S’accorde-t-il une sieste ? » ironisa-t-elle, comme s’il s’agissait là de la seule résolution à peu près plausible qui expliquerait que Lawrence Austen soit toujours calfeutré dans son lit à des heures indues. Mais aux vues de l’expression qu’arbora alors Armand, elle dû se rendre à l’évidence : monsieur ne s’octroyait pas un petit somme, monsieur se laissait aller considérablement.
Nerveuse du spectacle qui se dévoilerait sous ses yeux une fois la porte ouverte, Lily fit quelques pas prudents en avant, s’avançant vers la pénombre dans laquelle filtrait malgré tout quelques rayons de lumière. En l’espace d’une fraction de secondes, tous les scénarios possibles et imaginables avaient défilé dans sa tête : de l’homme retranché derrière son bureau entrain de disparaître derrière la paperasse administrative, à celui qui passe sa journée au lit avec une demoiselle en se servant de la courbe de ses reins comme pupitre (oui, il fallait qu’elle cesse de vouer un culte à Choderlos de Laclos). Mais elle ne s’attendait pas à … ça. Ou du moins, à l’observer dans un tel état de fatigue, de tension, mais aussi de négligence. Laissant glisser son sac le long de son épaule, Lily le posa calmement sur le sol en jaugeant la situation d’un regard critique. Intriguée d’abord face à ce spectacle surprenant quand on connaissait le personnage ; inquiète ensuite en découvrant son laisser-aller, ses côtes plus saillantes qu’auparavant et sa mine défaite ; se fut bientôt la colère qui s’empara de son caractère. Croyait-il qu’elle pouvait se laisser aller de cette manière de son côté ? Qu’elle avait le privilège d’avoir le choix ? Bien sûr que non. Et il n’était pas question qu’elle le laissa en faire autant. «
Oui, vous avez raison. Ce qui va suivre ne va sans doute pas lui plaire. » plaisanta-t-elle avec pourtant un air sérieux, les sourcils froncés, retroussant ses manches de chaque côté comme si elle s’apprêtait à aller affronter une tâche de gras sur un chemisier en soie. Elle avait hésité au départ entre employer la manière douce et la manière forte. Mais elle commençait à connaître suffisamment la bête pour savoir que la manière douce ne fonctionnait jamais vraiment avec lui. Pas dans une situation aussi extrême en tout cas.
Prenant son courage à deux mains, prête à affronter la tempête, Lily contourna l’immense lit jusqu’à la fenêtre principale. Là, elle prit chaque pan de rideau dans une main, les rejetant avec vigueur sur le côté pour que la lumière du jour rentre pleinement dans la pièce. «
Allez, on se lève ! Tu crois vraiment que c’est une heure pour traîner au lit ?! Tu auras tout le temps de dormir plus tard, comme par exemple, la nuit, comme tout être normal ! » s’insurgea-t-elle, devenant tout d’un coup une fée du logis, ou au contraire, une sorte de maman dragon terrifiante qui s’emploie à tirer du lit son adolescent de fils. Une fois les rideaux tirés et les lampes éteintes, elle se rapprocha du lit, consciente du réveil violent qu’elle venait de lui faire subir. S’asseyant sur le rebord, elle put enfin juger de son apparence générale sans avoir à plisser des yeux. Et pour sûr, elle ne fut pas ravie par le spectacle. «
Bon sang, tu as décidé de cultiver le style « ermite » ou quoi ?! » Pour la barbe naissante, elle ne dirait rien. Elle mériterait d’être taillée compte-tenu de la broussaille qu’elle représentait à l’heure actuelle, mais elle lui allait plutôt bien. Il avait un visage à porter une barbe. Ses cheveux en revanche … «
La mode « nid d’oiseau » est passée depuis l’ère des cavernes au cas où tu l’ignorerais. » l’assaillit-elle, rendant sans doutes le réveil plus désagréable encore. Ils en avaient connu des meilleurs, notamment lorsqu’elle avait l’habitude de se lover dans son dos en posant ses lèvres sur l’arrière de sa nuque, ou dans le creux de son cou. Mais ce temps-là était révolu malheureusement. Pour aujourd’hui au moins. «
Bon sang, en plus de ça … Tu sens … Le renfermé ! » A mi-chemin entre l’indignation et l’exaspération, il ne sentait en effet pas ce parfum si agréable qu’elle se plaisait à humer d’habitude, et dont le souvenir la grisait. «
Aller viens, tu vas me faire le plaisir d’aller prendre un bain, et de manger, comme ça après on ira faire un tour dehors, histoire que tu prennes la lumière un peu, avant de devenir translucide. » pesta-t-elle encore, se redressant d’un bond pour tirer d’un coup sec sur les couvertures. Au moins, si désagréable soit son apparition, elle prouvait implicitement qu’elle se souciait de son sort. Assez en tout cas pour que le voir dans cet état la touche au point de la mettre en colère.
Lily >
#426fdb .