HARPER ELEANOR VANDERBILT ► Ali Michael

JEUDI 16 SEPTEMBRE 1993

L'opulence. Je venais à peine de naître mais déjà j'avais tout, sans n'avoir rien donné.

C'est à Paris à l'hôtel Dieu dans le quatrième arrondissement de la capitale que j'ai vu mon premier soleil. Ma mère, Isabelle d'Harcourt une aristocrate française belle comme le jour avait épousé très jeune un Vanderbilt qu'elle avait rencontré lors d'un gala donné par l'ambassadeur de France à New York, mon père, Harold Vanderbilt, un magnat des affaires. Ils étaient venus s'installer à Paris avant notre naissance pour les affaires de mon père. Avant moi, il y avait mon frère, Archibald, né trois ans plus tôt. Il a toujours été protecteur envers moi. Nos parents nous aimaient évidemment, mais trop pudiques pour le dire, il préféraient plutôt nous le montrer à leur manière. Meilleures écoles privées de la ville, meilleurs précepteurs, actions cotées en bourse... Voilà à quoi se résumait mon enfance, et mon avenir, aussi. Mon frère et moi avions pris l'habitude de jouer à cache-cache dans l'immense hôtel particulier qui nous servait de demeure dans le 16ème arrondissement parisien avec pour seule véritable figure maternelle, notre charmante nourrisse Hélène. Ma mère ne travaillait pas, mais elle était une mondaine, et préférait refourguer notre éducation à des jeunes femmes plus à même de donner de la tendresse qu'elle n'avait elle-même jamais reçu de ses parents, et passait le plus clair de son temps à organiser de somptueuses réceptions et galas de charité en tout genre. Et nous, enfants que nous étions ne nous plaignions pas, évoluant normalement dans ce monde, presque livrés à nous même.


4 AVRIL 2003

A dix ans, je parlais déjà cinq langues, le français, l'anglais, l'allemand, le russe et l'italien. J'avais déjà une passion pour tout ce qui se passait au delà de notre planète et les mathématiques. Je n'avais en revanche pas beaucoup de copines. Introvertie, je passais mon temps à lire, étudier ou à jouer avec Archi. J'étais loin d'être un garçon manqué, cependant, mes robes Baby Dior et mes serres-tête en perles ne m'empêchait pas d'aller jouer dehors et de m'égratigner les joues ou les genoux afin de tâcher mes vêtements de sang rien que dans le but d'attirer l'attention de ma mère. C'était souvent la seule raison pour laquelle elle venait me gronder, mais au moins, elle me voyait.
Mon père, lui était encore moins présent avec son travail, et pourtant, nous étions déjà plus proches. Nous finîmes par déménager à New York pour ses affaires, bien plus juteuses là-bas. J'avais 10 ans lorsque je quitta Paris pour l'Upper East Side. Archi et moi étions enchantés de ce changement, notre mère moins de quitter sa ville natale.


27 Aout 2011




Je n'avais rien demandé. A vrai dire je n'avais pas spécialement envie de sortir ce soir là, et je ne savais pas encore que cette soirée allait probablement être la pire de ma vie. Mais c'était l'été, et mes copines en avaient marre de rester enfermées dans notre demeure des Hamptons, bien qu'elle soit assez immense pour qu'on aie pas à s'y ennuyer. Et puis il faut dire que je n'avais jamais réellement eu l'occasion de vivre pleinement mon adolescence. Mon frère lui était parti s'amuser avec des copains d'université sur la plage, et mes copines de dix-sept ans rêvaient de sortir avec ces gars-là. Ce qui était totalement compréhensible. Nous décidâmes donc de nous boire quelques petits cocktails tout en nous préparant en musique pour rejoindre tout le monde sur la plage au lieu de rester faire une énième partie de badminton ou jouer aux jeux de société comme des gamines de huit ans. Je me mettais alors du crayon autour des yeux pour avoir l'air plus âgé ainsi qu'une légère robe Ralph Lauren par dessus mon maillot de bain, ainsi qu'un peu de gloss. Les cheveux détachés de façon négligée, je fut fin prête à sortir avec les filles sur la plage.

Arrivées, je fis un signe de la main à mon frère, qui protecteur, fit un léger rictus en signe de préoccupation. Il n'aimait pas tellement voir ses amis roder autour de moi, et pour cause, l'un deux, Flynn, m'invita à danser. Timide, je me laissa prendre au jeu. Il était gentil au début ... Mais je ne compris que plus tard pourquoi il avait tant insisté pour me faire boire, si bien que je ne me souvint plus exactement pourquoi je me retrouvais dans le noir, dans une chambre qui n'était pas la mienne.

Il était juste là, à me dire de ne pas m'en faire, qu'il allait s'occuper de moi, qu'il avait prévenu mon frère et qu'il me ramènerait le lendemain chez moi. Trop fatiguée, et trop saoul pour dire quoi que ce soit, je fermais les yeux, naïve, pressée d'arriver au lendemain. J'entendis juste la porte se refermer, et un bruit de ceinture tombant au sol avant de me rendre compte que son acte de me ramener de la soirée n'étais absolument pas altruiste. Il s'allongea sur moi et commence à me toucher en me demandant de me détendre. J'eu à peine la force de me débattre qu'il était trop tard. Et voici comment se passa ma première fois. Le lendemain, vers cinq heures du matin je rentrais seule chez moi, et les filles me regardèrent avec émerveillement, comme si j'avais décrocher le saint graal en perdant ma virginité avec le gars qu'elles convoitaient toutes. Je mentis, fis mine d'avoir apprécié, mais que ce n'avait pas été si génial qu'on me l'avait raconté, me jurant intérieurement de garder ce secret horrible pour moi, puis feins une grosse fatigue pour monter me coucher. Je me dirigea ensuite vers ma salle de bain, me coula un bain, et pleura des heures durant.


28 Septembre 2016



Un nouveau chapitre pour moi s'ouvrait. Après Yale, j'entrais enfin à Harvard pour le plus grand bonheur de mes parents. Ils allaient être fiers, et je me rapprochais aussi de mon frère. Mais les années passant depuis mon viol, je m'étais renfermée, et n'avais jamais parlé de ce qui s'était réellement passé à qui que ce soit. J'étais d'ailleurs persuadée que ce n'était pas une bonne idée pour ma famille, qui était très amie avec celle de mon violeur. Je le croisais d'ailleurs de temps à autres aux réceptions New-Yorkaises, et me forçais à rester courtoise, écourtant au maximum nos conversations.

Au final, je n'étais même plus totalement sûre de ce que je voulais faire. Je savais déjà que ma vie était déjà toute tracée. Un immense appartement sur la 5e avenue, un mari qui me tromperait avec sa secrétaire, deux beaux enfants, un travail prenant et des mondanités. Et je m'exécutais malgré tout de façon machinale, je faisais ce que j'avais à faire, point. J'étais devenue un véritable glaçon avec les gens, laissant paraitre mes réelles émotions qu'une fois seule. Cependant, je m'interdisais de me conforter pas dans le chagrin, et vivais ainsi ma vie d'adulte, seulement mes traumatismes, m'empêchaient désormais de boire de l'alcool, et me forçaient à être une véritable teigne avec les garçons. J'avais construit un immense barrage autour de moi, même avec ma famille. Je devenais l'opposée totale de mon frère qui lui était aimé de tous, extrêmement sociable.

Totalement installée dans mon appartement de Cambridge, je menais ma nouvelle petite vie, le plus loin possible de mon passé d'adolescente...