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Alors qu’Evie mastiquait négligemment une barre chocolatée sur son canapé, son téléphone portable sonna. Elle leva les yeux au ciel : s’il s’agissait encore d’Edgar, elle jurait qu’elle allait l’étrangler de ses propres mains. Il l’avait appelée environ quarante minutes plus tôt pour lui dire qu’il avait terminé ses cours et qu’il allait passer chercher Arlo… Oui… Arlo, leur fille. Aujourd’hui était un jour spécial : aujourd’hui ils entamaient la garde alternée pour l’enfant. Evie avait souhaité que cela se passe sans encombre, elle était fatiguée de se battre et même si elle en voulait encore à son ancien compagnon, elle avait clairement conscience que le bébé avait besoin de la présence de son père… Elle ne pouvait plus continuer à faire la pluie et le beau temps en lui imposant les jours de visite. Et d'ailleurs, pourquoi n'était-il toujours pas là ? Il y avait autant d'embouteillages que cela sur la route ? Peut-être qu'il l'appelait justement pour lui dire qu'il allait être en retard.
La rouquine haussa les épaules et se rendit d'un pas lourd jusqu'au plan de travail de la cuisine où reposait son mobile infernal. Elle eut un regard légèrement surpris lorsqu'elle constata qu'il s'agissait d'un numéro qui n'était pas enregistré dans son répertoire et choisit finalement de décrocher:
- Allo ?, prononça-t-elle simplement.
- Madame Bradshaw ?
- Oui c'est bien moi, de quoi s'agit-il ?
- Ici le Massachussetts General Hospital... Je vous appelle parce que Monsieur Corleonesi a eu un accident et comme vous êtes le dernier numéro qu'il a composé...
-UN QUOI ??!!, hurla Evie derrière le combiné alors que ses yeux s'agrandissaient d'horreur et d'inquiétude.
- Ne vous en faites pas, rien de grave, nous le gardons cependant quelques heures en observation...
- Je m'en fou complètement de ça !! J'arrive tout de suite !!
Et elle raccrocha sans attendre plus de détails. Elle héla Vicky, sa soeur, au passage pour lui dire de garder Arlo, que c'était urgent et ne se donna pas la peine de lui expliquer. Elle enfila des chaussures de ville confortable (à vrai dire, les premières qui lui passèrent sous la main), attrapa sa veste en jean et fonça jusqu'à sa voiture. Sur le trajet, ces mots n'arrêtaient pas de tourner en boucle dans sa tête: "Edgar a eu un accident, il aurait pu y rester..." Bordel de merde !! Alors qu'elle jetait un coup d'oeil dans le rétro intérieur quand elle était coincée à un feu rouge, elle laissa couler les larmes, éclatant littéralement en sanglots. Elle avait la peur au ventre; la secrétaire lui avait dit que cela n'était pas grave... Mais s'ils avaient manqué quelque chose et que cela devenait grave. Et puis soudain Evie fut face à la réalité... Jamais elle ne s'était posé la question à savoir comment serait sa vie sans la présence d'Edgar. Elle resta un instant dans le vague et eu soudain une forte envie de vomir. C'était inimaginable... Et elle se rendit peu à peu compte de l'énorme erreur qu'elle avait pu commettre. Pourquoi devait-elle être toujours aussi exigeante, aussi fière et aussi étroite d'esprit ? Et si elle l'avait vraiment perdu aujourd'hui ? Elle ferma les yeux et secoua la tête de droite à gauche. Alors qu'elle poirotait derrière quelqu'un qui n'avait toujours pas démarré alors que le feu était vert, elle appuya avec frénésie sur le klaxon de sa voiture en sortant un:
- Mais tu vas la bouger ta caisse, oui ??!!
En temps normal elle s'énervait très rarement en voiture mais là, c'était si différent... Elle ne pouvait pas attendre. Elle devait aller le voir.
Lorsqu'elle arriva sur le parking de l'hôpital, elle se gara sur la première place qu'elle trouva et sortit en trombe. Tout était suspendu, comme si elle s'attendait à recevoir un nouveau coup de fil pour lui dire que tout était terminé, que sa vie était foutue et qu'elle ne verrait plus jamais ce sourire qui l'avait si souvent fait fondre. Elle ravala un nouveau flot de larmes et passa l'entrée d'un pas décidé. Elle demanda donc d'une voix pressée où se trouver Edgar Corleonesi. Elle s'énerva même devant la secrétaire qui comprenait mal le nom de son ex:
- Non mais Corleonesi !!! Vous n'allez jamais au cinéma ou quoi ?! Parce qu'en général on voit son nom un peu partout !!
Après quelques minutes qui semblèrent une éternité pour la rousse (et pendant lesquelles elle faillit sauter sur la pauvre femme qui lui faisait face pour lui coller son poing dans la figure), elle finit par obtenir l'information qu'elle voulait. Elle emprunta un escalier aux murs couleur crème et parvint au troisième étage. Elle traversa un couloir immaculé et parvint enfin devant un boxe vitré. Elle s'accorda une pause de quelques secondes lorsqu'elle l'aperçu: la respiration d'Evie était saccadée, sa poitrine se levait à un rythme effréné et ses joues étaient rosies par le sprint qu'elle venait de se frapper dans les escaliers.
Puis elle poussa la porte et entra dans la pièce telle la tornade qu'elle pouvait bien souvent être:
- EDGAR !! Ne me refait plus jamais ça !!!
Elle s'avança vers le petit lit sur lequel il était assis:
- Poussez-vous, vous !!, balança-t-elle à l'infirmière qui était non loin et qui l'empêchait de toucher actuellement au but.
Elle oublia tout, tout ce qui s'était passé depuis ces derniers mois et ses yeux se remplirent de nouveau de larmes alors qu'elle était planté devant lui. C'est d'une voix à moitié cassée qu'elle lui dit:
- Je te jure que si tu y étais resté, je ne t'aurais jamais pardonné de nous avoir abandonnées Arlo et moi !!
Prise par un élan si soudain et incontrôlé, elle attrapa le visage de l'homme qui se trouvait face à elle entre ses mains et ses lèvres vinrent s'écraser contre celles de son ancien comapgnon, celles qu'elle avait tant convoitées en secret... Retrouver ce contact lui donnait comme un nouveau souffle. Elle retrouva une respiration plus ou moins normal alors qu'elle se détacha de lui et qu'elle finit par scruter son regard alors qu'elle était toujours aussi proche:
- Et merde..., finit-elle par murmurer alors qu'elle venait de se rendre compte de son geste.
Pour le coup oui, on pouvait dire qu'elle l'était, dans la merde ! Elle allait devoir en assumer les conséquences... A moins qu'il ne lui restait plus qu'à admettre ce qui crevait encore aux yeux pour beaucoup de monde: elle tenait toujours autant à lui, même si elle avait voulu le réfréner et l'enfouir au plus profond d'elle depuis... Un long moment.
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