JAMES THOMPSTON ► Louis Rogé (Brodinski)

J'rentre pas chez moi c'est plus grand dehors

Je ne pense pas vous étonner en vous alertant que mes premières années sur cette planète n'ont pas été particulièrement intéressantes. Moi-même j'ai énormément de mal à m'en souvenir, et mes vagues souvenirs de cette période sont principalement construits sur les récits de mes parents, parfois un peu exagérés il faut l'avouer mais selon eux ce sont les meilleurs moments que j'ai pu leurs offrir. A croire que j'ai fini par les décevoir...

Mon histoire débute le 11 Juin 1992 en Pennsylvanie, une ville plutôt sympathique pour ceux qui savent l'apprécier mais ce ne fut jamais vraiment mon cas. Mes parents ont tout deux grandis là bas et se connaissent depuis leur plus jeune âge. J'ai toujours un peu envié leur belle histoire d'amour, ces deux là ont toujours été ensemble et ne se sont jamais lassés l'un de l'autre. A ma naissance, leur situation était déjà stable, tout les deux avaient leur job de Comptable dans la même boite. Mon enfance fût plutôt paisible grâce a eux, les vagues souvenirs que j'en ai semblent plutôt heureux et remplis de bonheurs. Pour citer mes parents, j'étais un gosse plein de vie mais très calme, assez timide avec mes camarades, toujours là pour aider les autres... comme dirait ma mère: "Un amour de petit ange". Mais les années ont passées et j'ai fini par grandir, et par la même occasion j'ai aussi changé de comportement.

Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain, il faut dire que plusieurs événements en sont la cause, mais hé, ne sautons pas les étapes et laisse moi te raconter ça progressivement, d'accord?


Sans trop rentrer dans les détails de mes premières années scolaires, nous allons faire un petit saut dans le temps pour débarquer dans ce qui sont sans doute mes meilleurs et pires années. A ce moment de ma vie je venais d'avoir à peine 18 ans, et comme un peu tout le monde à cet âge là c'est une période un peu difficile et synonyme de changements. Pour moi cela signifiait plutôt la liberté, les premières soirées entre amis, les filles... Et en parlant de filles, il y en avait une en particulier... Elizabeth...

J'ai jamais trouvé les mots pour la décrire, un flot de sensations agréables me submergent quand je pense à elle, une beauté sans pareil, un regard magnifique sur un visage d'ange, cette chevelure brune lui retombant sur ses épaules...
Ces mots lui auraient certainement redonné le sourire mais l'idiot que je suis n'a jamais pu les sortir.

A l'époque, je traînais avec une bande de potes, on était tous très proches, oai franchement c'étais le bon vieux temps, je les considérais comme ma deuxième famille. Ensemble on a vécu des moments de folies et surtout notre première plongée dans les conneries. C'est un peu eux qui m'ont entraînés dans tout ça, le gentil James qui était si calme n'aurait jamais pu se jeter là-dedans tout seul, et la vrai raison à tout ça c'était sans doute Elizabeth.

Nous étions trois mecs et une fille...

Sullyvan, le plus vieux de la bande, c'étais lui le fouteur de merde par excellence. Il avait commencé les conneries il y a quelques années en commençant la consommation de drogues diverses et variées tandis que sa réputation auprès des filles ne faisait que rajouter de l'huile sur le feu de sa légende (hé, ca se dit vraiment ce truc? Enfin bref). C'est simple, ce gars passait son temps à fumer de la weed et se taper toutes les filles qu'il pouvait, son plaisir se résumant bien sûr à pratiquer les deux simultanément. C'est bien évidemment lui qui nous a initié petit à petit aux drogues, une consommation que j'ai su tenir certes à un stage raisonnable mais qu'il m'a fallu cacher auprès de mes parents.

Tony, la "voix de la raison" comme j'aimai le définir. Le seul capable de retenir Sullyvan dans ses conneries, et même si il n'a pas toujours réussi à nous éviter les conneries on ne serait sans doute plus là sans ses interventions. Ses relations avec les gens, ca c'était le plus incroyable, ce gars était capable de corrompre les enseignants et même le proviseur, ce qui a sans doute sauvé plus d'une fois notre scolarité. Tony nous a même aidé à plusieurs reprises avec la police, au travers de longues et pénibles négociations mais toujours avec succès.

Le troisième pilier du groupe, c'est moi! Inutile de vous décrire avec précision qui je suis, après tout le mieux serait d'apprendre à me connaitre pour pouvoir vous en faire une petite idée. Je peux seulement vous dire qu'à cette période, j'étais déjà devenu quelqu’un d'impulsif, fêtard, ayant plutôt tendance à suivre mes amis qu'imposer mes propres décisions. Loin d'être comme Sullyvan, je n'étais pas non plus suffisamment raisonnable pour être un Tony, mais je suffisait à consolider l'équilibre du groupe et ça c'étais plutôt une bonne chose.

Et finalement, la seule fille du groupe, vous l'aurez sans doute deviné mais c'était elle, Elizabeth.

Notre rencontre est un peu particulière et découle de plusieurs événements sur lesquels je ne vais pas trop m'attarder sous peine de vous ennuyer inutilement.
C'est au cours d'une soirée fortement arrosée entre potes que Sullyvan nous à proposé de rejoindre un projet qu'il avait toujours eu en tête, celui de créer un groupe et de rapper ses propres textes. Bien évidemment Tony et moi l'avons suivis et ce groupe a fini par voir le jour. Nos études dans le multimédia et la création nous ont rapidement permis de nous lancer sur internet au travers plusieurs clips tournés par nos soins. Tony avait fini par se tourner vers la production et Sullyvan et moi posions nos voix sur des textes principalement écrits lui-même.
Très vite notre groupe à réussi à trouver son public, ce projet qui à la base n'était qu'un délire entre amis avait finit par prendre de l'ampleur. A ce moment là je venais d'avoir 20 ans, et j'étais plutôt fier et heureux de ce qu'étais mon présent.

Et c'est à ce moment qu'Elizabeth a débarquée dans nos vies...



Entre les roses, les fleurs du mal débordent du vase

Sullyvan nous à présenté Elizabeth lors d'une soirée étudiante qu'il avait organisé pour fêter la fin de l'année scolaire. "Eli", comme on la surnommait suivait des études dans le domaine de l'Art dans le même établissement que nous. Je n'avais jamais eu l'occasion de la croiser mais cette première rencontre fût un véritable coup de foudre pour moi. Malheureusement pour moi cette rencontre se révéla être plutôt douloureuse, Sully et Eli se révélant être plutôt proches l'un de l'autre. Celui-ci nous raconta qu'ils avaient fait connaissance plusieurs semaine auparavant et Elizabeth se révéla être une très grande fan de nos morceaux et particulièrement de nos textes.

De fil en aiguille (faut vraiment que j'arrête avec ces expressions) Elizabeth a fini par rejoindre notre cercle d'amis, participant même a nos productions en rejoignant le tournage de nos clips.
En quelques mois elle avait réussie à corriger les nombreux défauts du groupe, et moi de mon coté je m'étais enfermé dans une cercle vicieux nommé "la jalousie".

Ma relation avec Sullyvan n'était plus réellement comme avant, notre amitié était devenu distante et celui-ci avait fini par remarquer mon comportement. Moi, de mon coté, j'assistai à un spectacle insoutenable: cette fille dont j'étais follement secrètement amoureux qui s'obstinait à s'accrocher à un mec qui ne tenait absolument pas a elle. A croire que ses mauvaises habitudes reprenaient vite le dessus, Sully n'hésitait pas à fréquenter tout un tas d'autre filles. J'avais appris à supporter cette situation, de me faire à l'idée que cette fille était la copine d'un ami que j'étais en train de perdre et qu'il valait mieux pour moi de renouer les liens avec lui.

Notre groupe avait l'avantage de posséder un petit studio, en réalité un petit trois pièces appartenant aux parents de Tony dans lequel nous squattions régulièrement et tout cela gratuitement. J'aimai me réfugier là-bas, seul, perdu dans l'écriture de divers textes qui ne finiraient malheureusement jamais par être rappés. Dans le groupe c'était Sullyvan qui était au commande, c'était SON projet et donc SES textes, j'avais plutôt tendance a être mis à l'écart sur l'écriture. Me retrouver ici dans ce studio a écrire, c'était mon unique défouloir, le meilleur moyen de faire exploser ma créativité.

Mais ce soir là rien ne se passa comme prévu.
La chute de la rose entraîna l'éclosion des fleurs du mal.


Un bruit sourd me tira de ma rêverie, le stylo me glissa des doigts pour finir au sol, je m'étais retourné et réalisa au bout de 5 bonnes minutes que ce son étouffé provenait de la porte de l'appartement. La notion du temps à partir de ce moment me semblait plutôt abstrait, en ouvrant la porte je fût surpris de découvrir Elizabeth en larmes. Son regard humide me transperça, c'était douloureux, je ne supportais pas de la découvrir comme ça.
Des secondes, des minutes, des heures? Mes yeux restèrent plongés dans les siens un long moment, elle et moi incapables de prononcer le moindre mot, nos regards communiquaient à notre place.

Et elle céda, sans un bruit elle vint se blottir contre moi, un geste suivi par mes bras qui l’enlaçait.
Cette situation inattendue s’imprégna en moi comme un moment magnifique malgré la tristesse omniprésente ce soir là. Elizabeth me raconta qu'elle avait découvert les multiples relations qu’enchaînait Sullyvan, schéma classique, celle-ci avait décidé de mettre fin a leur relation dans l'indifférence total de celui-ci.
Notre discussion s'étendit sur toute la nuit, elle me déballa tout ce qu'elle avait sur le cœur, et je fis de même, lui avouant par la même occasion mes sentiments.

Quoi? Vous pensez que c'est plutôt stupide? Il faut avouer que c'étais également mon avis, mais parfois il nous arrive de faire des choses stupides, c'est comme ça. Et finalement, ce choix ne fût pas si mauvais.

Elizabeth se blottit de nouveau contre moi, leva la tête et plongea son regard dans le mien tout en souriant. Je n'ai bien évidemment pas pu résister, mes lèvres rencontrèrent les siennes, nos corps se rapprochèrent, et bien entendu nous avons fini par faire l'amour. J'étais follement amoureux de cette fille, beaucoup trop, et mon envie de la protéger finit par rencontre un nouveau sentiment en moi: une soif de vengeance et de pouvoir.



C'est normal d'avoir peur pas d'être lâche

Du coup, je vous fait pas un dessin, ma relation avec Elizabeth entraîna le début d'une guerre avec Sullyvan. Celui-ci n'accepta pas ce qui semblait pour lui être un "vol de petite amie". Ma décision fût de couper les ponts avec lui, mais comme si cela ne suffisait pas, celui-ci réussit à convaincre Tony que tout était de ma faute et il le retourna contre moi. J'avais fini par perdre, en quelques jours, mes deux meilleurs amis. Ceux que je considéraient comme ma propre famille, tout ça, partit en fumée... mais avec Elizabeth à mes cotés cela n'avait plus d'importance.

Elle et moi, c'étais fusionnel, un rêve éveillé, j'étais folle d'elle, elle était folle de moi, rien ne pouvait décrire cette relation quasi parfaite. Mais vous savez, les belles histoires ne durent jamais très longtemps et les emmerdes reviennent vite faire surface.
Sullyvan avait finit par refaire surface décidé à nous mettre des bâtons dans les roues. Celui-ci était tombé sur mes textes et s'était décidé à les utiliser comme moyen de pression pour me soutirer de l'argent. Le deal? Je lui fournissais un bon pactole, celui-ci s’arrangeait pour que mon nom soit à tout jamais effacé de tout ce qui avait été fait par rapport au groupe, et en échange celui-ci s'engageait à me rendre mes textes et surtout à ne pas les utiliser.

Je saute un peu tout les détails, mais cette histoire s'est très mal terminé, en particulier pour lui. Ce chantage nous a mené tout droit dans le mur, une bagarre à très vite éclatée et tout les deux nous avons pris des coups. Lui et moi, on s'est retrouvé ce soir là à l'hôpital. Bilan, plusieurs côtes cassées, certainement le même résultat pour lui.

Les jours qui suivirent, un étrange colis fût livré devant ma porte avec a l'intérieur l'ensemble des textes que j'avais écris. Sur ce colis, je pouvais apercevoir une signature au feutre noir: Tony.
Sa décision de m'aider, malgré son choix de suivre Sullyvan me toucha, mais son choix de ne pas venir me voir en disait long, ma décision avait séparé nos chemins définitivement.

La perte de mes amis m'affecta plus que je ne pensais. Elizabeth et moi décidons d'emmenager ensembe dans un petit appartement afin de m'éloigner un peu de mes parents et malgré la relation parfaite que je mène je ressent un vide a combler au fond de moi. Pour pallier à cette perte, je prend la décision de monter mon propre projet musical, seul, ou du moins avec le soutien d'Elizabeth.
Mes textes avaient changés, tout était devenus plus sombre, loin des productions satyriques, légères et comiques que j'avais pu produire par le passé.

Pour combler mes manques d'inspirations, je me suis remis à la consommation de drogues que je m'étais promis d’arrêter. J'avais la promesse de changer... au lieu de ça, j'ai fini par entraîner celle que j'aimais le plus dans ma chute. Comme l'avait Sullyvan avec moi, j'ai initié Elizabeth aux drogues. Bon, je ne parle pas non plus de "drogues durs", mais plutôt de cannabis, de LSD, et plusieurs hallucinogènes.

C'est comme ça qu'elle plongea, se noya, dans un monde qui ne devait pas être le sien, ni le mien. Mes idées noirs m'ont rendu aveugles et je ne me suis jamais réellement rendu compte de le connerie que j'avais pu faire. Mais je fini par ouvrir les yeux, douloureusement.


Une lame qui vous transperce le cœur, un cauchemar qui se déroule sous mes yeux.
Elizabeth inerte à coté de moi, une douleur au crâne, l'impossibilité de me souvenir de quoi que ce soit. A coté d'elle, un petit sachet contenant encore quelques pilules, probablement une drogue, la douleur m'empêche de réfléchir mais les larmes se mettent à couler d'elle même de mon visage.
J'attrape le téléphone, compose le numéro des secours, balbutie quelques mots, luttant à plusieurs reprises afin de donner l'adresse de mon appartement. Quelques minutes plus tard, ces hommes viennent embarquer Elizabeth, mon instinct m'ayant poussé à me débarrasser de toutes drogues que contenait l'appart ceux-ci ne trouveront rien. Mon état de choc me pousse à nier la moindre accusation, les secours me relâchent sans prévenir la police.

La spirale infernale s'abat sur moi. Je suis seul, isolé, dans cet appartement que je ne quitte plus, et je vois les jours défiler. Je ne réalise pas ce qui est arrivé, je ne comprend pas, je ne sais pas.
Mon état de choc me retient de prendre quelconques nouvelles d'Elizabeth.
Après de longues semaines, je décide de rentrer chez mes parents et de rendre l'appartement.
Je ne leur ai rien dit, personne n'est au courant pour Elizabeth, et de nombreux cauchemars m'envahissent l'esprit.

Je décide de déménager, contre l'avis de mes parents, pour poursuivre mes études ailleurs, New York. Je prend également la décision de voir un psy suite à un diagnostic de dépression aggravé. Je tente tant bien que mal de remonter la pente, d'assurer mes études.
Je me ressaisit, petit à petit, mes résultats scolaires sont excellents mais de nombreux problèmes de disciplines par rapport à mes camarades et les enseignants vont me pousser à abandonner.

Quelques mois plus tard, je reçois un mail d'un de mes anciens enseignants, le seul m'ayant soutenu malgré mes différends avec tous les autres. Celui-ci m'offre une deuxième chance, ou plutôt une très grosse opportunité. Celui-ci possède des contacts a Harvard, mes résultats me permettraient peut-être de réussir les SAT's et d'obtenir une place en 6eme année, de rejoindre cette promotion en cours d'année.

Je saisi cette chance, passe les épreuves, et.... me voilà aujourd’hui, dans un bureau au sein d'Harvard, attendant le retour de son proviseur et de sa décision concernant mes résultats.
Mon téléphone portable vibre dans ma poche, je viens de recevoir un nouveau message.
Je décide de le lire en attendant le retour du proviseur.

Alors que je termine la lecture de ce message, celui-ci revient, avec un grand sourire,  me féliciter pour mes résultats. Tremblant, je me retiens pour ne pas me laisser me submerger par mes émotions. Est-ce ma réussite aux SAT's qui me rend si ému?

Sur le téléphone, le message suivant:

"James, je ne t'en veux pas. Je suis désolé. Elizabeth"