(Anja) Rock bottom

Il attrapa tes mains dans les siennes et tu te laissas faire. Son maigre sourire n'arrangea en rien ton esprit préoccupé. Et il reprit la parole. A mesure qu'il avançait dans son récit, tu sentais ton cœur noircir, pourrir. T'avais l'impression qu'il te l'arrachait de ses mains délicates, et qu'il le pressait. Ta respiration t'échappait et tu sentais la panique prendre possession de tes jambes, puis de ton ventre, et de tous tes membres. T'étais paralysée. Paralysée par la peur, l'angoisse, la colère même. Il était là, à te foutre dans les dents cette maladie qu'il t'avait caché tout ce temps, cette même maladie qui le consumait à petit feu, sous tes yeux, sans que tu ne t'en rendes compte. Et tu t'en voulais affreusement. Comment est-ce que ça avait pu t'échapper ? Il devait bien y avoir des signes et ils t'étaient toujours passés sous le nez. Tes yeux se remplissaient de larmes, brouillant ta vue et rendant son visage flou tandis que ton coeur battait si vite et si fort que le bruit qu'il faisait te rendait presque sourde. T'avais arrêté de l'écouter après qu'il t'ait dit qu'il ne lui restait plus longtemps. La pression de tes mains dans les siennes s'était affaiblie parce que tu n'avais tout simplement plus aucune force. Tes pensées se bousculaient dans ton crâne, à tel point que tu pouvais sentir le mal de tête arriver. Puis, le silence. Il avait fini. Et il t'avait achevé. A cet instant, t'en avais plus rien à faire d'Asra, d'Ezio, de Torbjörn et tout le reste, t'étais juste... brisée. Ta poitrine se soulevait difficilement tant ses mots l'avait écrasé. Au bout d'une minute de silence, tu lâchas ses mains, le regard perdu droit devant toi. Tu fixais un point sans importance, tu voulais juste ne plus le regarder, pas maintenant. Tu sentis qu'Andréa voulait te toucher l'épaule, ou même juste se rapprocher de toi mais tu fis un mouvement de bras pour qu'il recule. « Ne me touche pas. » dis-tu, à la fois froide et à la voix tremblotante. T'arrivais pas à savoir comment réagir. Ne rien dire ? Après tout, lui même devait mal vivre sa maladie. Être compatissante ? Non, il avait été bien trop égoïste sur ce coup-là, tu pouvais pas lui pardonner. Tu daignas enfin tourner le regard vers lui, les yeux rougis par les larmes que tu avais retenues et que tu retenais encore. T'avais le regard d'une folle, les yeux presque exorbités par la colère qui grandissait en toi de plus en plus vite. « Tu t'en veux de ne pas me l'avoir dit Andy ? Vraiment ? Alors pourquoi t'as autant tardé ? Tu voulais pas attendre que je te vois sur ton lit de mort pour me l'annoncer aussi ? » demandas-tu, mauvaise. Ta voix tremblait toujours sous le poids de la tristesse, mais de la colère aussi. Putain, tu lui en voulais tellement. Sans que tu ne t'y attendes toi non plus, ton ton monta d'un coup « Ça va faire des mois, des mois Andy, que tu me le caches ! Et il faut que tes parents donnent ta main à je ne sais quelle princesse pour que tu me le dises enfin ?! ». Tu faisais des grands mouvements de bras en même temps que tu t'exprimais et ta main heurta ton verre d'eau posé sur le bar. Celui-ci tomba par terre et se cassa, juste à côté de tes pieds nus, mais tu t'en fichais. Aucune morceau de verre planté dans ta voûte plantaire ne pourrait te faire plus mal que ce qu'il venait de te dire.