Let you know a part of my hell

Le mot « amour » sonnait étrangement aux oreilles de Lisbeth. Les seuls « je t’aime » qu’elle avait entendu étaient ceux de sa défunte mère. Et elle n’était encore qu’une fillette quand elle entendit ces mots pour la dernière fois. Depuis le jour où elle avait été internée de force dans un institut psychiatrique à l’âge de 12 ans, tout ce qui était de l’ordre de la tendresse, de l’amour, de la confiance et de tout autre émotion positive avait complètement disparu de sa vie. La jeune femme avait de la peine à se rappeler ce qu’était un environnement sécure, sans crainte ni méfiance. Elle a presque toujours vécu dans la peur : peur quand son père rentrait à la maison et battait leur mère, peur de ne plus jamais revoir la lumière du jour quand elle était internée, peur d’être une outsider une fois libérée de cet asile de fous, peur de demander de l’argent à son tuteur alors qu’elle y avait droit, peur que ce dernier lui fasse encore du mal… Alors elle avait appris à riposter et à faire mal à ceux qui le méritaient. Quand Maverick lui avouait l’aimer, elle ne savait pas que dire ou faire. Restant dans ses bras, un petit havre de paix, elle se laissa bercer par ses paroles, l’oreille collée contre sa poitrine pour écouter les battements de son cœur. Ce son l’apaisait énormément. Mais encore une fois, ce contact si réconfortant fut coupé. Le jeune homme semblait en colère et de nouvelles larmes coulaient sur ses joues. Lisbeth l’écouta attentivement et malgré qu’elle cherchait, elle ne trouvait pas de prétexte pour le fuir malgré tous ces aveux. Elle lui laissa un peu d’espace le temps qu’il se reprenne et elle l’accueillit volontiers quand il revint vers elle. Elle accepta ce nouveau contact, signe que Maverick ne lui faisait pas plus peur qu’il y a quelques minutes.

« Pourquoi je dirais ça ? Tu es là, ça prouve que tu n’es pas un lâche. »

Elle comprenait mieux cette cicatrice qu’il avait sur son dos : elle ignorait ce qu’était d’être élevé au sein d’un gang mais ça ne devait pas être de tout repos. Quant au fait qu’il ait tué sa mère, elle était presque certaine qu’il l’avait fait par obligation. Peu importe laquelle, il avait dû avoir une bonne raison. Pour son frère, par contre, elle n’osa pas poser de questions car Maverick semblait très affecté par ce décès. Lisbeth passa une main dans ses cheveux noirs et s’approcha du jeune slovaque.

« Je… Mon cauchemar d’avant… J’ai passé presque six ans dans un asile de fous quand j’étais adolescente… »

Les mots avaient du mal à sortir et elle détourna un regard troublé. Elle n’abordait qu’une petite partie de sa vie et par le biais de son cauchemar d’avant. La jeune suédoise ferma les yeux et prit une grande inspiration pour se donner du courage.

« J’ai rêvé à ce que mon psy me faisait subir : j’ai passé presque la moitié de mon internement attachée à un lit. A chaque fois que je me débattais, j’avais droit à une injection de sédatif. Quand tu m’as touché le bras, je voyais cette aiguille s’approcher de mon bras… »

Ce qui expliquait le coup qu’elle lui avait envoyé. Instinctivement, Lisbeth posa sa main sur son bras, comme pour se protéger. Tout à coup, elle avait l’air bien frêle dans son sweat trop large pour elle. Elle évitait le regard de Maverick et fixait un arbre non loin de là. Sans s’en rendre compte, elle retenait son souffle. Quelle serait la réaction du jeune homme ? Jamais elle n’avait raconté à qui que ce soit ne serait-ce qu’une parcelle de sa vie. Alors rien que de parler de son internement la perturbait fortement. Et encore, elle avait évité les détails sordides !

Déballer une partie de son passé n’était pas chose facile pour Lisbeth. Elle se sentait mise à nue, complètement découverte. Pourtant, son sweat la couvrait à merveille. Mais qu’est-ce qui lui a pris de lui dire ça ? Maintenant, il allait la prendre pour une folle. Tous les fous ne disent-ils pas ne pas l’être ? Pourtant, Lisbeth n’avait rien d’une déséquilibrée. Au contraire, on pouvait remarquer qu’une intelligence hors du commun brillait dans son regard. Encore fallait-il prendre la peine de l’examiner de près, chose pas très aisée quand elle vous fusillait du regard. La jeune femme profita de l’abri que lui procurait Maverick pour éviter de le regarder.

« C’est ce qui fait de moi ce que je suis aujourd’hui. »

Son passé était certes triste, horrible et tout ce que vous voulez mais c’était lui qui l’avait forgée. Lisbeth Larsson ne serait pas elle-même sans toutes ces épreuves. Peut-être aurait-elle fini dans les rues de Stockholm ou pire, dans un caniveau si elle ne s’était pas battue pour survivre. Elle en est ressortie avec des séquelles, c’est sûr, mais le meilleur restait à venir, elle en était certaine. Pour le moment, elle ignorait comment mais pourquoi ne pas se laisser porter par le courant ? Généralement, elle le guidait mais lâcher prise une fois ne lui ferait pas de mal. En tout cas, Maverick ne semblait pas vouloir fuir, ce qui rassura grandement notre jeune suédoise. Presque timidement, elle leva la tête et plongea ses yeux dans ceux du bel « presqu’inconnu ». Elle le vit pencher la tête vers elle pour ensuite poser ses lèvres contre les siennes. Un long frisson remonta le long de son échine, la faisant presque trembler. Si Maverick était rouge, elle l’était tout autant. Qu’est-ce qui s’était passé, là ? Son cœur battait la chamade et elle avait l’impression de manquer d’air. Jamais un baiser ne lui avait fait cet effet. Était-ce la preuve que leur relation allait être particulière ? Lisbeth passa une main dans les cheveux du jeune homme quand il posa sa tête contre son épaule. Ils restèrent un moment dans cette position avant que le portable de jeune slovaque ne sonne, faisant sursauter notre jeune hackeuse. Elle le laissa répondre et passa nerveusement une main dans ses cheveux.

« Viens. »

Il fallait à tout prix casser cette ambiance qui devenait plus que gênante pour Lisbeth. Tout comme Maverick, elle devait bouger. Alors elle ramassa son sac qui était à nouveau au sol et saisit sa main pour l’entraîner hors des sentiers, en direction de la ville.