Trop de talent!

Le matin est sûrement le moment de la journée le plus difficile, nos corps encore endormis errant dans les couloirs à la recherche de la bonne salle, les yeux bouffis, les dos courbés.. On pourrait presque entendre les parents de chaque personne de l'université crier de se tenir correctement. Certains en auraient bien besoins. Je chasse une mèche de mes cheveux se trouvant devant mes yeux et après un rapide coup d’œil dans le miroir je pars de mon petit appartement en n'oubliant pas de fermer la porte, je n'oublierai pas deux fois. Le campus n'est pas très loin de chez moi, j'avais eu le choix de venir m'y installer mais j'avais préféré avoir un petit appartement dans la ville, j'aime voir les gens se ruaient dans les transports en communs ou râlaient dans leur voiture, je me sens un peu comme chez moi, mon vrai chez moi, à New York.

Une fois arrivée à l'Université je me dépêche de rentrer dans le bon bâtiment, en première heure aujourd'hui j'ai littérature. Je n'ai rien contre la littérature mais c'est loin d'être ma matière préférée, je n'aime pas qu'on me donne un thème sur lequel je dois écrire, j'aime laisser place à mon imagination pour écrire les scénarios les plus tordus aux plus classiques.. Et c'est justement pour cette raison que je me dois d'être encore plus attentive lors de ce cours, je suis dans l'idée que mes lacunes ne doivent pas se voir même si ça m'engage à un travail supplémentaire. Il faut comprendre la littérature pour comprendre l'Histoire.

Après une heure de ce que j'appellerai de la souffrance intellectuelle je sors de la salle, aujourd'hui j'ai commencé à neuf heures donc il est en ce moment dix heures précises et j'ai un trou dans mon emplois du temps! Je pousse un soupir, mélangé de soulagement et d’ennuis, je ne sais pas vraiment où aller pendant cette heure de repos, ce n'est pas comme si j'avais des amis avec lesquels je pouvais rester.. Je continue à marcher dans ce couloir quand je vois une porte ouverte, à première vue, la salle est vide. Je souris simplement en guise de victoire et je m'assois dans un coin, je pense que c'est la salle de théâtre. Pourquoi? Le décor et le livre de Roméo et Juliette me laisse imaginer ce qui a pu se passer dans cette salle. Pour faire mon bonheur c'est très simple, il suffit de me trouver un endroit calme, un stylo ou un crayon et une feuille. Ensuite je peux rester des heures là, assise sur une chaise ou à même le sol. Inconsciemment je me mets à dessiner Alice aux Pays des Merveilles et tout ses amis de ce monde enfantin, dans mon esprit tout est possible, l'absurde à toute sa place. Mais celui qui a écrit ce livre doit être sacrément fou. Un lapin en retard, une petite fille qui rétrécit et grandit, un chapelier fou, une reine étrangement détraquée.. Et puis une chenille qui fume! On pourrait presque croire que c'est moi qui est écrit ce conte, c'est fou!

Je fais craquer mon dos en me grandissant quelques secondes puis je continues mon croquis, je dessine les personnages de tête étant donné que ça fait des années que je n'ai pas regardé ce film.

▬ C'est magnifique.

Je sursaute et relève la tête de mon dessin, quand on regarde derrière mon épaule j'ai cette horrible impression de vulnérabilité, j'ai l'impression qu'elle a franchi la limite de mon esprit, qu'elle a l'autorisation de rentrer dans mon monde comme ça lui plait. Qu'elle sait maintenant tout de moi. Pourtant qu'a-t-elle fait? Elle a simplement regardé un de mes dessins, peut-être l'a-t-elle déjà interprété à sa manière, qu'elle y voit des choses difficiles alors que j'ai juste suivit mon crayon. Je n'aime pas le regard des autres, j'en ai peur. Alors quand elle me fixe tranquillement et sans gène, je ne sais pas quoi faire à part refermer rapidement mon cahier et rougir à son commentaire plus tôt gentil.