JEAN&LOUVE | all good things are wild & free (jours 7 & 8)

(JOURS 7 & 8 - 9 & 10 MARS) Décidée à explorer le plus profond de la Jamaïque, j’ai loué un 4x4 sans penser plus loin. On dispose de deux jours. Deux jours pour découvrir l’île de fond en comble, à condition de ne pas se paumer. Avec Jean, on s’est mises d’accord : on profitera de tout. C’est NOS jours, comme pour fêter notre belle amitié. J’ai pris soin de réserver un hôtel pour la nuit à venir, histoire de ne pas pousser le bouchon trop loin en dormant à la belle étoile. On crèverait sûrement bouffés par des animaux. Y a moyen que l’île regorgent de trucs fous prêts à nous sucer le sang et la moelle. « T’es prête mon cœur ? » Je lance ces quelques mots à travers la porte de la chambre de Jean tout en toquant. Je suis là, dans le couloir, avec un simple sac à dos. Exploration. Aventure. On se l’est promis, on va dépasser nos limites. « Je t’attends en bas, y a le type pour la voiture qui devrait pas tarder à arriver, tu me rejoins ! » Ni une ni deux, je file à l’entrée et récupère ainsi les clés du véhicule contre quelques billets. Je finis par me poser dans un fauteuil en attendant la meilleure d’entre tous.

(JOURS 7 & 8 - 9 & 10 MARS) Un bikini sous un vieux short délavé, un petit débardeur au dos nu sur lequel trônait une jolie tâche du cocktail qu'elle avait siroté la veille -oh tant pis-, ses lunettes de soleil vissées au nez et son vieil eastpack bleu pâle dans lequel Jean avait glissé le nécessaire de survie à savoir une bonne crème solaire, une bouteille d'eau et une serviette de plage, oh et il devait bien lui rester quelques dollars dans le fond de son sac mais encore faudrait-il qu'elle en sage quelque chose au change local. Elle laissait Louve s'occupait du reste, pas sûr que ça soit le meilleur plan. Les deux partenaires dans le crime partaient à l'aventure et pour de bout ! "Et toi mon chou ?" Je lui lançai à travers la porte. Et en un bond je me glissai hors de ma chambre d'hôtel, fermant rapidement la porte derrière moi avec la clef que je fourrai dans la poche de mon short. Ouais bon sympa d'attendre cinq secondes Louve ! Et la voilà qui ronchonnait déjà, ahlala c'était vraiment bon les vacances ! La blondinette descend les marches quatre à quatre, manquant de se vautrer monumentalement dans la cage d'escaliers et la voilà dans l'entrée de l'hôtel, glacée par la climatisation qui tourne à fond. A travers la baie vitrée, il ne lui faut qu'un clin d’œil pour apercevoir le gros 4x4 qui stationne devant le bâtiment et court à l'extérieur, manquant le choc thermique alors qu'elle s'engouffre dans l'océan aride. "Ma chérie j'arrive !" Et Jean saute maladroitement dans la voiture, sans ouvrir la porte en se contorsionnant pour passer par les fenêtres ouvertes du 4x4. "Eh ouais j'ai travaillé mon entrée !" Et elle s'installe au volant de la voiture, ce sera elle la pilote, même si Louve risquait de râler un moment ! Après tout ça faisait un p'tit bail qu'elle conduisait elle, à voler la voiture du beau-papa depuis ses 14 ans pour des petites escapades nocturnes. "Eh en voiture Simone !"

Jean, cet énergumène, déboule comme une fusée dans le hall de l’immeuble. Pas même le temps de me lever de mon fauteuil que Madame se ruait déjà sur le 4x4 garé près de l’entrée. Je secoue la tête et lève les yeux au ciel en la voyant se contorsionner pour prendre la place du conducteur. Malgré sa vitesse, je finis par la rattraper, mon sac à la main, et décide de la rejoindre dans le véhicule de manière un  peu plus conventionnelle. Bah, faudrait pas non plus que le type de la location capte déjà qu’il a filé une caisse à des folles et qu’il risque de pas retrouver son bien en entier. « T’es bien excitée toi ! L’homme de tes rêves t’a promise en mariage ? » Je souris d’un air con, et me mets à taper sur le tableau de bord. « Quand tu veux pour démarrer ma grande, allons pas perdre de temps ! » Je finis par me poser de manière à être plus à l’aise, retirant mes godasses, prête à laisser mes pieds s’aérer à travers la vitre de la voiture durant le trajet. « J’espère que t’as rien oublié ! » Bon, en soi, il nous faut pas grand-chose. On rentre demain soir, on passe la nuit dans un hôtel plutôt pas mal et on va visiter les alentours. Le tout dans la bonne humeur… et visiblement, celle-là, elle l’a pas laissée dans sa chambre.

Louve la rejoint au pas de course, mins exubérante mais Jean pouvait le dire, pas moins excitée. "Qu'est-ce que tu racontes toi, tu sais bien que tu es l'unique, la seule femme de ma vie." Elle balança légèrement la tête en arrière en ricanant, puis tourna la clé et mit le contact : "Eh c'est parti mon kiki !" C'est que des expressions nulles à cher, Jean elle en avait un petit paquet à ressortir, elle savait que Louve apprécierait. Le moteur se mit à vrombir, un peu comme un tracteur, en même temps elles avaient demandé le 4x4 low cost, les filles riches aiment jouer aux bohèmes c'est le grand classique. "Rien de rien, enfin je crois pas." Enfin Jean elle savait bien que leur sens de l'improvisation les sauverait de toute situation inattendue, pas sans faire d'étincelles bien sûr. Et elle appuya sur la pédale et quitta le parking de l'hôtel en avant pour l'aventure. Et hop, en un virage serré sur les chapeaux de roues, elle propulsa le 4x4 sur la route. Elle conduisait depuis longtemps, elle n'avait jamais mentionné qu'elle conduisait bien.

Je peux pas retenir mon rire alors que Jean clame haut et fort que je suis la seule et l’unique femme de sa vie. « Ah ouais ? T’es sûre ? Pff, quelle mytho ! Tu m’aurais déjà demandé ma main si c’était le cas ! » Ou pas. C’est bon enfant, évidemment, de toute façon si j’acceptais sa demande ce serait uniquement pour le fun. Et faire rager le paternel. Mais ça, c’est une autre histoire encore. Je m’excite un peu plus dès que j’ai le cul posé dans le siège, et étrangement j’ai déjà mal. Manque de confort. On a voulu faire les hippies, on en aura sûrement plein le cul. « Je pense que mon cul rendra l’âme avant la prochaine heure donc la prochaine fois, fais-moi penser à éviter de jouer la hippie ratée ! » Ratée, de A à Z. C’est pas pour moi ce genre de choses, je suis un peu trop habituée à poser mon postérieur dans des fauteuils hors de prix. Enfin, vous me direz, à la Mather, on en raffole pas trop. On s’en fout. Mais ailleurs… l’histoire est toute autre ! « Au pire, on jouera les nudistes et on fera la manche comme ça, ça doit être pas mal comme expérience ! Y a moyen qu’on nous propose du taff en plus. » Je vais éviter de dire quel genre, mais je suppose qu’elle sait de quoi je parle. On peut se faire pas mal, hein. Mais je préfère pas tenter l’aventure. Pas ici en tout cas. Ma Bubush semble suffisamment excitée vu comme elle part sur les chapeaux de roue, je vais sûrement être servie. J’espère juste pas avoir à payer trois mille balles en rendant la bagnoles, je vais devoir taxer Colin sinon. Ce serait con. Et dommage. Et ça me vaudra une fessée déculottée. « Tu sais quoi ? » Je souris comme une débile. « J’ai oublié le billet de réservation pour l’hôtel ! » Et je m’esclaffe. C’est con mais on fera pas demi-tour. On fera avec. Et puis, je suppose que malgré tout la réservation est bonne du moment qu’on a nos papiers. Ca va le faire.

Presque outrée que Louve puisse remettre en question cette déclaration d'amour sincère, Jean se contenta de lever les yeux au ciel (quoique sous les lunettes de soleil ça marchait moins bien) histoire de faire signe à Louve qu'elle ne savait pas ce qu'elle ratait. Elles se seraient acheté une baraque en France, le coin paumé d'où venait les p'tits Perol, et adopteraient des triplés auxquels ils donneraient des noms absolument improbables, en demandant conseil aux parents de sa meilleure amie, ils étaient quelque peu spécialistes. "J'ai failli mais j'ai pas osé, j'me disais que j'interviendrai quand tu te mettrais à chanter Eurythmics." Jean avait dit ça en cherchant une auto-radio sur le tableau de bord, avec un peu de chance ils passeraient autre chose que la musique jamaïcaine qui menaçait de leur exploser la tête au bout d'une semaine non-stop. Ouais bon y en avait pas, pas la peine de chercher, il ne reviendrait plus qu'à elles d'eux d'improviser l'ambiance musicale et Jean pouvait prédire le désastre. Du taff ? Ouais elle avait pas trop envie de savoir qu'elle genre de boulot on pourrait proposer à deux jeunes filles en détresse sur les routes jamaïcaines. "Quoiqu'on trouve j'suis pas sûre que ça sera du meilleur effet sur le CV. Mais je suis pour les nudistes, t'as jamais rêvé d'aller draguer les papis qui se trimballent les bijoux de famille à l'air ?" Allez savoir pourquoi les nudistes c'étaient assez rarement des athlètes bronzés mais plutôt des vieux, toujours des vieux, avec la peau qui ballotait jusqu'aux pieds. Et ils étaient allemands. Ou espagnols. Toujours. Louve avait l'air plutôt sereine malgré le chauffard qu'était Jean, enfin plus sereine pour sa vie que pour l'état de la voiture d'ici la fin de leur périple. Au pire, c'est pas comme si on avait deux nénettes sans le sou, elles trouveraient bien quelqu'un pour signer le chèque. "Tu sais que certaines personnes ont été abandonné sur le bas-côté de l'autoroute pour moins que ça ?" La blondinette s'esclaffe en riant. Misère, malheur et désespoir. Jean s'était vraiment trouvé la pire acolyte qui soit. Et la carte ? Elle avait la carte ? Parce que l'hôtel, si elles arrivaient à y dormir, Jean elle avait aucune idée d'où il était. En une dizaine de minutes à filer tout droit après avoir quitté la station balnéaire où était établi les Summer Camp, les deux jeunes filles se retrouvaient sur l'autoroute jamaïcaine sous le soleil qui cognait et la chaleur qui faisait onduler le paysage devant elle. Au loin Jean apercevait le premier grand embranchement. "Ouais euuuuh Louve tu me guides hein ? Moi je sais pas où on va." Belle organisation, toujours. Enfin en attendant Jean elle était vraiment paumée et Louve allait devoir jouer les guides où elles allaient faire le tour de l'île sans jamais trouver leur hôtel sans résa.

« Ah ben forcément… je chante si bien que même eux me jalouseraient, je vais commencer tout de suite même ! » Je tente deux-trois notes hautes, sur les quelques paroles de ‘hold your head up, keep your head up, move it on’ ; et là, c’est le drame. J’éclate de rire tant ma voix est horrible. « Alors, t’en penses quoi ? Je fais un album demain ? » C’est mal parti à moins qu’on les vende à des sourds. Là, ça fonctionnerait pas mal mais faudrait jouer sur de belles paroles histoire qu’ils lisent des trucs top sur mes lèvres. En voyant Jean trifouiller l’auto-radio, je me dis qu’il vaut mieux y aller franco. Et pour rester sur ses vieux sons, j’attrape mon téléphone et mets Spotify – qui finira sans doute par se couper pour mauvais réseau. Je lui offre la meilleure musique de tous les temps : Take on me. Parfait. Je me mets à gigoter sur le siège passager, mimant une transe intense digne des plus grands chtarbés des festivals. D’ailleurs, de mes doigts, je reproduis machinalement le son du clavier sur le tableau de bord. Pas mal, non ? « Pas mal, ouais ! Ca me rappellera le service trois pièces de mon grand-père, tiens, ça m’a toujours excitée de pouvoir les toucher ! Tu penses qu’ils arrivent aux chevilles passé un certain âge ou le record reste aux genoux ? » Ok, un peu bizarre comme question mais la bonne humeur fait que… voilà. Les musiques s’enchaînent automatiquement, je m’acharne dans ma danse assise et j’avoue à mon acolyte que j’ai zappé de prendre les feuilles de réservation pour la nuit. Bah, tant pis, de toute façon on est bien parties pour une bonne excursion alors c’est pas ça qui nous cassera notre délire ! « T’inquièèèèèèèètes, Mamie Lucette gère tout. De toute façon, si tu m’abandonnes, tu seras perdue ! Tu m’as dit que j’étais la femme de ta vie tout à l’heure, t’as déjà oublié ? » J’attrape la carte qui traîne dans la portière, vas savoir pourquoi mais même après avoir testé trois fois, impossible pour le GPS du téléphone de repérer où on se trouve. Faudra que j’en change en rentrant, sans doute. Je regarde, je trace le chemin de mon doigt, ou du moins j’essaye. Et là, c’est le drame. Girls just want to have fun, Cyndi Lauper. Je lâche la carte, deux de mes doigts se mettent à claquer machinalement ensemble alors que je remue tête et épaules. Et tout ça, sans trop capter qu’on finit par dépasser le premier embranchement. Tant pis. C’est pas comme si on pouvait faire demi-tour et puis, je suis trop aspirée dans la musique pour me concentrer sur la carte. « Girls just wanna have fu-uuuun ! » Mes index finissent par taper sur le tableau de bord au rythme de la musique sans plus prêter attention à la route. Oups.

Un cri suraigu s'échappe de la bouche de Louve, manquant de faire déraper Jean sur le bas côté. Elle donne un grand coup de volant sous l'effet de la surprise avant de redresser sur les chapeaux de roues. "Wowowowowow préviens avant d'attaquer un concerto !" Doucement la blondinette tourne la tête vers sa meilleure amie, toujours pas remise de ses émotions. Oh la p'tite Louve elle lui ferait presque de la peine mais c'est vrai que c'était décidément pas elle la chanteuse du duo. "Pas que j'remette ton talent en question, j'ai juste été frappée par tant de talent d'un coup." Ouais bon à moitié tordue de rire, la crédibilité : 0. Enfin bon, on comptait toujours sur l'ambiance musicale avec Louve en DJ. Take on me.[/b] ça c'est du bon son, clairement les années 80 qu'elle n'avait pas connues manquer cruellement dans la vie de Jeanette. Et Jean suit Louve dans sa danse absolument spectaculaire, les mains trop peu souvent sur le volant pour assurer une totale sécurité surtout que clairement, la blondinette secouait tellement la tête sur le rythme de la musique qu'elle ne voyait plus la route devant elle. Un clip. "Take on meeeeeeeee" Petite envolée aiguë, ouais bon à l'entendre chanter là tout de suite, y aurait certainement pas grand monde qui se serait pointé à un de ses concerts. M'enfin les conditions étaient pas optimales non plus pour livrer une performance de dingue. "Ce sujet mérite profonde méditation, y a pas une catégorie spéciale dans le Guiness Record ? Après y a des spectacles que les yeux ne peuvent plus supporter. Question de santé publique, c'est une sujet grave tu sais : les papis nudistes sauvages." Les musiques des années 80 défilent sur le portable de Louve, toujours avec leur lot de synthé, disco et ambiance un peu rock. Les petites gesticulades de Jean leur valent des arrêts un peu brusques sur la route pour éviter des collisions de justesse et certainement quelques excès de vitesse alors que la blondinette appuie sur la pédale au rythme de U2. Bon heureusement que Mamie Lucette était pas d'humeur a faire la gueule aujourd'hui enfin surtout qu'elle ne saisissait pas encore l'ampleur de la catastrophe Louve. "Merdeeee. Ça veut dire que je vais être obligée de te supporter pendant... Pendant combien de temps déjà ?" Ouais Jean elle était vraiment partie à l'improviste la plus totale, c'était à deux ou dix heures de route cet hôtel paumé où elles allaient se fourrer ? "Tiens toi bien au moins jusqu'à ce que je te passe la bague au doigt alors." Bon pareil, elle était assez morte de rire donc niveau engueulade et remontage de bretelles, Jean était assez merdique. Mais elle avait bien l'impression que Louve s'était décidée à devenir une co-pilote d'élite, munie de sa vraie carte d'exploratrice, elle avait l'air de s'être résolue à les guider à travers la Jamaïque. Ahlala Jean en aurait presque eu envie de l'épouser sur le chant. Mais bien sûr, alors que la route bifurquait, Cyndi Lauper et ses ferraris roses bonbons déboulent dans la voiture avec le cultissime hit qui ne manqua pas de faire lâcher la carte à Louve pour repartir dans ses folies musicales. Alors pour faire un bref résumé de pourquoi c'était actuellement la catastrophe : 1. Louve allait se remettre à chanter et 2. Jean voyait l'embranchement s'éloignait au loin alors qu'elles l'aient dépassé et ne pouvait qu'espérer qu'elle avait pris la bonne direction. Oh et puis merde hein : "Tutututu Girls just wanna have fuu-uu-uun." En braillant, la blondinette avait rejoint sa meilleure amie dans la cacophonie qui faisait vibrer la voiture sur la route. Et elle se trémoussait, certainement filant vers nul part, sur un air un peu vieillot mais beaucoup trop entraînant.

Ça faisait quoi maintenant ? Une bonne heure et demi qu'elles roulaient dans la mauvaise direction, Louve ayant reconnu a posteriori qu'il était possible qu'elle est loupée le croisement crucial dans leur voyage. La bonne ambiance régnait toujours mais comme par magie quand les deux étaient réunies, les problèmes ne faisaient que commencer... Pour la première fois depuis le début du périple, Jean glissa presque par hasard un œil au compteur. "Deux barres d'essence ! Putain Louve c'est la merde là !" Non mais ils se foutaient de qui là de leur filer une bagnole pas remplie ! Oh et puis Jean venait de se rappeler qu'est-ce qu'elle auraient bien pu oublier : son porte-monnaie ! "T'as du blé ? Parce qu'à la prochaine station on fait le plein !" Allez il suffisait de prier pour que Louve, certainement la plus responsable des deux (bien sûûûûûr) ait de quoi remplier le réservoir de ce tacot !