ALEXANDER F. MOSELEY ► Jake Cooper

Il fallait que je parte. Je suis désolé. Il fallait absolument que je parte... Je ne pouvais pas supporter être encore tout près de l'endroit où c'est arrivé. Newcastle n'est plus l'endroit où je me sens en sécurité...

Des excuses, et encore des excuses bidons pour expliquer le pourquoi de mon départ. En même temps, il fallait bien que je le fasse. Cet événement est resté gravé dans ma mémoire pendant si longtemps qu'il m'est devenu presque insupportable de rester ici. Je laisse derrière moi tellement de choses, je le sais, mais je crois que ce que je laisse derrière n'est rien à comparer avec les nouvelles histoires que je vais pouvoir forger.

De toute façon, ce salopard ne méritait pas moins. Il ne mérite pas moins que je m'efface complètement de sa vie. Après la connerie qu'il a fait, je ne pouvais pas rester là.

Mon enfance à Newcastle n'a pas vraiment été des plus faciles, déjà. Mes parents étaient constamment en train de se chamailler, pour tout et pour rien. Parfois, je me réveillais le matin et je voyais l'un des rares moments où notre famille pouvait rester soudée. Je m'extasiais devant le regard attendrit que mes parents échangeaient, et je croyais bien qu'ils allaient rester ensemble encore longtemps. D'autres jours, cependant, je les voyais presque à la gorge l'un de l'autre, avec le regard injecté de sang. Loin d'être le genre de parents très aimants... J'avais besoin très souvent de me retrouver hors de chez moi, question de ne pas les voir s'entre-tuer. Mon échappatoire principal se révéla aussitôt sous la forme d'un petit groupe d'improvisation de quartier.

Je ne me suis jamais senti aussi vivant que lorsque j'étais avec eux. J'avais l'impression de pouvoir vraiment prendre un peu d'énergie quand j'étais entouré de ces gens qui partageaient la même passion que moi : le théâtre. Ça m'a motivé à vouloir de plus en plus de cours pour améliorer mon jeu. J'allais devenir un grand comédien dans mon petit coin de Newcastle, et j'allais me propulser au sommet. J'ai connu des gens absolument formidables dans cette petite troupe, et j'y ai rencontré deux personnes qui allaient changer ma vie à jamais.

Linda Sullivan et Joshua Monhagan...

Nous sommes devenus amis assez rapidement. Linda était américaine, et sa famille avait déménagé en Australie pour pouvoir un peu changer d'air. La majorité de la famille de la jeune femme avait aménagé très près de ma propre maison, alors je la voyais très souvent dans mon quartier. Elle avait une passion pour l'improvisation qui dépassait la mienne. C'en était parfois surprenant. Joshua, quant à lui, était un mec qui aimait beaucoup faire la fête et faire plusieurs conneries. Il m'a fait découvrir un peu le monde nocturne de Newcastle. J'y ai découvert plusieurs drogues, les joies de l'alcool, et aussi les terribles dangers de la vie de minuit. Le nombre de mecs avec qui j'ai couchés lors de nos folles soirées, je dois avouer que je ne puis plus les compter. Mais bon, il m'a permit de découvrir un pan de la vie que j'avoue avoir beaucoup aimé.

Mais, comme toute bonne histoire, tout ça ne pouvait pas durer... Je ne me serais cependant jamais douté que tout ça arriverait de cette manière...

2011, devant un tribunal, je me retrouvais devant mon meilleur ami, Joshua, accusé de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort... Je le regarde, mon regard fumant de colère, avec l'envie de lui étamper mon poing dans la figure. Il avait trop bu ce soir-là. On était avec Linda dans un club très proche de Newcastle, et j'avais décidé de rentrer en taxi un peu plus tôt. J'avais un terrible mal de crâne ce soir-là, et je n'avais pas trop envie de rester trop longtemps. Joshua m'a promit de ne pas trop boire et de ramener Linda chez elle. Linda avait accepté de rester un peu plus longtemps, et comme je voyais le genre de regard qu'elle lançait à Joshua, je savais très bien qu'elle avait des idées derrière la tête. Je les ai donc laissés seuls...

Quelle bêtise...

Maintenant, Linda était morte, et lui s'en était sorti presque intact. Il était le principal responsable de la mort de ma meilleure amie, et je lui en voulait... Atrocement...

Il a été condamné à plusieurs années de prison, et moi, je suis resté là, à regarder ma vie défiler. Je suis allé plusieurs fois visiter la tombe de Linda, et je lui ai fait la promesse de partir de Newcastle et de faire ma vie ailleurs. Avec mes parents divorcés, ça allait sûrement être plus simple...

Pendant un temps, j'ai pris beaucoup de drogues, beaucoup d'alcool, et je me suis perdu dans les soirées endiablées... J'ai été extrêmement dépendant à mes différents plaisirs... Je crois que si je n'avais pas pris la décision de partir, je n'aurais sûrement pas réussi à me calmer, à finalement réussir à me contrôler... Dans mes dernières semaines à Newcastle, j'étais dans un piètre état...

Donc me voilà. Dans un avion pour Boston. J'allais commencer mes études à Harvard, dans l'État de Boston... J'avais besoin de changer d'air...

Mais surtout, je n'allais jamais oublier le pan de ma vie qui m'a été arraché...

Me voilà dans mon petit appartement dans les environs d'Harvard. J'ai décidé de pouvoir mettre un peu d'ordre dans ma nouvelle vie aux États-Unis. J'ai laissé tomber tout l'histoire avec Joshua et Linda, pour pouvoir me concentrer sur mes études en théâtre. Je suis maintenant acteur professionnel dans les environs de Boston, pour pouvoir réussir à gagner un peu d'argent. Je suis encore étudiant, certes, en troisième année. J'ai commencé également à apprendre un peu le français, même si je ne suis pas le plus doué dans le domaine. Au moins, je fais le plus d'efforts possibles.

Je vis maintenant une nouvelle vie. Une vie normale, sans le moindre drame. Je vis au jour le jour, comme je me le suis promis depuis que je suis parti. Je fais la fête quand je le peux, je visite les galeries d'art dès que j'ai un peu de monnaie, et je fréquente quelques clubs de quartier, question de devenir sauvage le temps de quelques soirées. J'ai laissé tomber une bonne partie de ma vie d'avant. Les drogues, j'utilise de moins en moins, même si un joint parfois, loin du campus, ne me fait aucun mal. L'alcool, j'ai décidé de me modérer, même si les quelques soirées de beuverie que je peux passer dans les clubs peuvent me sustenter. Quand aux plaisirs charnels, c'est le seul plaisir que je n'ai pas abandonné... J'ai simplement tempéré mes ardeurs.
Je commence à apprécier l'Amérique de plus en plus...

Et ce pays risque de devenir le théâtre de plusieurs événements plutôt... intenses dans les prochains jours.