La vengeance est un plat qui se mange froid. Faisons la déguster (Jona)

Je venais d’avoir un échange intéressant avec cette petite blonde au bar, naïvement. Un décolleté un peu plongeant, un regard un peu trop appuyé, un sourire charmeur, et hop on me perdait… Il allait falloir que je travaille sérieusement sur cette tendance à me laisser distraire et j’allais l’apprendre ce soir à mes dépends. L’échange avec Léo m’avait en effet laissé plus léger. Mes mains parcoururent mes poches, les tâtonnant, et je réalisais avec horreur qu’il me manquait mon téléphone portable. Je ne m’en séparais jamais. Je scrutais quand même la table, me penchais pour regarder au dessous, mais rien… Pas de smartphone ici. Et puis, je n’étais pas non plus complètement idiot, et comme le seul échange que j’avais eu ici ce soir c’était avec elle, j’en conclus que blondie était la coupable. « La salo… » soufflai-je en grinçant des dents, me repassant notre discussion en tête. Je me levai d’un bond, prêt à fuir ce bar pour aller la retrouver, la poursuivre dans la rue. Sauf qu’elle était partie depuis dix bonnes minutes, c’était vain. Je me précipitai quand même vers la sortie, au moment où la porte s’ouvrait et je bousculai alors le garçon qui venait d’entrer dans l’établissement… « Excusez-m… » Je me stoppai en reconnaissant alors celui que je venais de percuter : ce n’était pas un inconnu, c’était un ami de la Eliot, un ami qui avait été même un précieux conseiller lors de mes délires rageux contre les winthrops. « Jona… Excuse moi. Ca va ? » m’inquiétai-je avant d’expliquer mon empressement : « Je suis désolé, je crois que je viens de me faire… racketter? On vient de me voler mon téléphone… » Et comme pour m’assurer que ce n’était pas une récidive de ma tumeur et un nouveau délire parano, mes mains retournèrent à nouveau faire mes poches pour constater qu’elles étaient bien vides, air contrarié sur le visage. « C’est cette garce de blondasse qui est venue me draguer là… » Et je me figeai soudain, me décomposant un peu en réalisant tout ce que la demoiselle allait pouvoir entreprendre avec mon téléphone…

 Préoccupé en réalisant soudain l’objet absent de mes poches, la scène que je venais de vivre se rejouant dans ma tête, l’évidence que je venais d’être la victime d’un sale larcin me parut évidente. Trop blonde pour être honnête cette petite Léo, trop mielleuse aussi. La garce. Dans mon empressement vain pour essayer de la poursuivre et la retrouver, je fonçais dans quelqu’un… Sans savoir que c’était peut être mon sauveur que je venais de bousculer. Il s’agissait de Jona, qui m’assurait bien aller. « Ouais ouais… » répondis-je vaguement lorsqu’il me retourna la question, pas convaincu ni convaincant, me livrant vite quant à la raison de mon trouble : on venait de me racketter.  Je parlais d’une blonde, cherchant à la repérer aux alentours en lançant quelques coups d’œil rageur autour de nous. « Blonde, pas épaisse, une étudiante d’Harvard qui participe au spring break. Léo quelque chose. La cousine de Lennox. » expliquai-je avec un air contrarié en repensant à la façon dont la demoiselle m’avait berné. « C’est une mather à coup sûr. P’tain faut vraiment se méfier de tout le monde c’est pas vrai, ils sont partout. » Je pestais, je rageais, je fulminais.  Et puis je flippais un peu, même si je lançais désinvolte : « Je ne vais plus pouvoir jouer à candy crush sur la plage… » Fais style tu t’en fous c’est bien. Enfin Jona était pas dupe, et il devinait surement mes craintes quant à l’utilisation que la voleuse allait faire de mon portable. En effet, il me demandait si je l’avais bloqué. « Bloqué ? Non… J’ai rien fait encore, je me disais que j’allais commencer par la retrouver et l’étrangler… » lançai-je en serrant des dents, le regard sombre. Enfin clairement, pour la retrouver c’était cuit, elle était loin maintenant et la ville et l’hôtel étaient grands, à coup sûr elle allait prendre soin de m’éviter. Et là, mon ami attira toute mon attention : j’avais l’option course poursuite, perdu d’avance, ou l’option : traceur GPS. Mon regard se fit soudain captivé, intéressé par les paroles du jeune homme. J’étais complètement nul en matière de technologie. « Non, non, attends… Tu peux pister cette garce c’est ce que tu es en train de me dire ? » Ma main se posa sur l’épaule de Jona, l’entrainant vers le bar à nouveau et vers l’une des tables libre, abandonnant l’idée d’un footing dans les rues jamaïquaines. « Le dernier iphone. » annonçai-je pour répondre à sa question en me posant sur une chaise. « Qu’est-ce que tu peux faire d’autre avec ton ordi ? » Ayé, Jojo, tu avais toute mon attention. Et la lueur qui s’allumait dans mes yeux laissait déjà présagé mon envie de passer de victime à bourreau. La petite Léo s’était attaquée au mauvais pigeon.

  « Lennox est ton bizut ? » m’étonnai-je. Allo Cole, le VP qui s’occupait de rien. Au courant de la couleur de petite culotte de sa bizut mais même pas au jus de qui bizute qui parmi les autres membres. C’était du propre… J’hochai donc vivement la tête : « Appelle le, annonce lui le décès prochain de sa cousine, de mes mains… » rageai-je, humour noir, regard sombre. Je supposais, sans en avoir la confirmation que l’horrible blondasse était forcément une mather et Jona souligna un fait très probable : un bizutage… Je me rappelais encore qu’Ash s’en était prise à moi à l’anniversaire d’Harvard, et c’était à l’époque un bizutage, un défi donné par Wade. « T’as raison, si ça se trouve c’est le bâtard de la famille qui sévie encore en m’envoyant un de ses soldats bizuts… » Je jouais le détaché, vaguement, mais au fond de moi je n’en menais pas large. Dans mon iphone, y’avait ma vie. Du compromettant en long en large et en travers donc.  On se posait à table et mon ami avait de très bonnes idées. Il piquait ma curiosité et avait toute mon attention. Il m’expliqua le béaba, mieux que la notice de mon portable, tout en pianotant sur son ordi. Le bloquer ? La logique voudrait que je le fasse, mais quelque chose me disait que cette Léo avait déjà lu tous les sms compromettants à l’intérieur. Alors lorsque Jona poursuivit en qualifiant ce qu’il venait d’énumérer comme possibilités –légales- je saisis le sou entendu aussitôt. Sourire diabolique aux lèvres, je demandai : « Parle moi des possibilités illégales… » Je veux qu’elle morfle cette garce. Est-ce qu’on pouvait lui faire exploser l’iphone à la figure pendant qu’elle l’utilisait ? Je n'osais l'espérer...

Je ne réalisais même pas que ma question risquait de révéler mon inutilité à la tête de la confrérie. Pour Oksanna, j’avais surtout était le boulet qui faisait échouer tout ce qu’elle entreprenait. Pour moi, j’étais le bras droit indispensable de la blonde, j’étais celui qui allais sauver la Eliot House de la dérive, j’étais le meilleur VP de l’histoire de la confrérie… Allez on en reparle dans quelques semaines ? En attenant, je ne remarquais même pas le coup d’œil sceptique de Jona, qui de toute façon repartait bien vite à pianoter sur son clavier.  Il s’occupa ensuite de contacter Lennox, missionné donc de retrouver mon bien. C’était un cadeau d’Abé, il me fallait retrouver mon portable intact et en bon état. C’était sentimental. Et puis mon interlocuteur me fit la réflexion que blondie avait peut être agi sous le coup d’un bizutage. « M’en fous, ça ne la rend pas moins coupable, elle paiera quand même. » soufflai-je, intransigeant. Mais si j’apprenais que Wade était derrière tout ça, il prendrait cher également… En fait non, même si je ne l’apprenais pas, c’était décidé dans ma tête qu’il était aussi coupable le bougre.  Jona semblait concentré, évoquant à voix haute l’ensemble des possibilités qui s’offraient à nous, ou comment tourner ce vol à mon avantage. Sourire diabolique aux lèvres, je voulais en savoir plus. « Cette application, il nous la faut… » Un mouchard pour espionner cette garce, ça y est, j’étais conquis. Même qu’en fait, c’était une aubaine qu’elle m’ait piqué l’objet. Ou pas, parce que j’allais avoir de gros soucis avec Lucky, et de gros soucis avec ma bizut, mais pour l’heure je n’y pensais déjà plus à ces deux là. « Jonathan t’es un géni. Je sens qu’on va en apprendre des belles sur cette cleptomane. »