Way down we go (REAGAN)

Une soirée assez particulière est sur le point de démarrer. Particulière, elle n’a dans les faits rien de très original, je ne m’apprête pas à rejoindre une fête S&M ou une maison échangiste, rien de ce genre-là non… Non, je ne vais pas rejoindre un groupe d’adorateurs de Satan qui souhaitent boire du sang humain et effectuer des sacrifices rituels, ce n’est pas trop mon genre non plus. A vrai dire je reçois juste une personne qui compte, difficile de mettre des mots là-dessus. Reagan est une de ces personnes qui ne laissent jamais personne indifférent, elle a une prestance, un charisme naturel qui ne tarde jamais à agir quand elle entre dans une pièce. A bien y repenser, je ne sais même pas comment je suis parvenu à aller lui adresser la parole la première fois, était-ce par besoin ? Ah non, j’ai eu un coup de chance en retrouvant sa carte étudiante sur le campus. Il m’était arrivé plusieurs fois de croiser son regard et de perdre toute confiance en moi, baisser les yeux c’est tellement plus facile que d’affronter de si beaux yeux. J’ai saisi l’opportunité, à défaut d’avoir son numéro de téléphone j’ai choisi de l’ajouter sur les réseaux sociaux pour la prévenir que j’avais récupéré sa carte. Nous avons énormément discuté ce soir-là, les mots écrits sur internet sont tellement plus simples à prononcer qu’en vrai, j’ai pris la confiance à cet instant précis, plus rien n’a jamais été comme avant avec elle après cette soirée. Tout est différent mais toujours aussi compliqué. Il n’est peut-être plus question de réserve, de timidité, mais de son caractère, elle a parfois ce petit truc qui m’insupporte, une arrogance, une facilité à prononcer ces mots qui te détruisent un être humain. J’ignore si elle s’en rend compte, je ne peux pas m’empêcher de lui rentrer dedans à chaque fois et cela ne nous a jamais rendu service. La situation est plus ou moins tendue aux dernières nouvelles, la dernière fois qu’on s’est vu elle m’a abandonné en milieu de soirée parce qu’une remarque de ce genre m’avais mis en colère. Pourquoi tout compliquer, tout pourrait tellement être simple entre nous… Enfin simple… Peut-on appeler ce que nous sommes « simple » ? Ce soir je suis fermement décidé à me faire pardonner, espérons qu’elle ne me relance pas encore sur le sujet. J’ai fait un effort vestimentaire, une petite chemise avec un pantalon bien ajusté noir, je me trouverais presque canon, je dis bien presque. Le vin est au frais, la nourriture prête depuis quelques minutes et simplement en train de mijoter sur mes plaques… Il ne manque plus qu’elle et les films qu’elle doit apporter avec elle. Le silence pourrait être pesant mais mon cœur fait tellement de bruit que je n’y prête même pas attention, il bat à vive allure, ça me le fait à chaque fois que j’attends Reagan.

Ce soir, j'ai rendez-vous avec Jahir. Il m'a proposé de passer à la maison en me précisant d'apporter des films. Je sais qu'on va surement se prendre la tête pour des conneries comme à chaque fois qu'on passe du temps ensemble. Faut dire que j'ai un caractère de merde et qu'il n'est pas rare que je lui en fasse voir de toutes les couleurs. De plus, comme il n'hésite pas à me dire mes quatre vérités et à me remettre à ma place lorsque cela lui semble nécessaire alors, ça part forcément en couille car je prends la mouche. Il n'est pas rare que je lui balance des choses que je regrette par la suite mais, je suis assez impulsive comme fille, j'arrive pas à tenir ma langue, c'est plus fort que moi, faut toujours que je dise haut et fort ce que je ne pense pas forcément mais ce qui me traverse l'esprit lorsque je suis énervée. Je crois que ça ne sera jamais facile entre nous. Y en a toujours un qui dit quelque chose qu'il ne devrait pas et on part en vrille. La dernière fois, c'est moi qui l'ai abandonné et ce soir, si on doit se prendre la tête, ça sera encore surement le cas puisqu'il m'invite chez lui. Je ne vais tout de même pas le mettre dehors alors qu'il se trouve chez lui aha. Bref, j'ai enfilé une robe noire assez simple. Le genre de robe qu'on a forcément dans son placard. Mi-courte, légèrement évasée, col en v bref, rien d'extraordinaire. J'ai décidé de l'accompagner d'une paire d'escarpins argenté et d'un petit sac basique dans lequel j'ai fourré un pile de dvd et de jeux vidéos pour me faire pardonner. Quelques minutes plus tard, je me retrouve à prendre une grande inspiration tandis que je viens de frapper à la porte de Jahir.

Cette soirée peut être une véritable surprise comme elle peut se transformer en catastrophe cataclysmique. Difficile de prédire ce genre de choses, d’autant plus qu’à chaque fois ou presque l’un de nous balance une connerie qui fait monter l’autre au créneau. Il n’y a pas d’échappatoires, nous sommes tous les deux d’un tempérament très franc, l’impulsivité n’aide pas et nos efforts sont souvent réduits par une simple petite remarque qui pourrait être pardonnée, voire même carrément pas remarquée, si nous n’étions pas aussi bornés et du genre à prendre la mouche au premier petit désagrément. Ce soir je suis bien décidé à faire de mon mieux pour éviter d’en arriver là, impossible de garantir que tout se passera bien mais mes intentions sont pures en tout cas. Je suis celui qui a relancé la machine, elle m’ignorait royalement et je déteste cela, oh que oui… Vous n’avez pas idée d’à quel point cela me met en colère, d’à quel point j’aimerais exploser de rage et lui hurler de me donner quelques nouvelles de temps en temps pour prouver qu’elle en a quelque chose à foutre de nous. Nous… Une amitié ? J’sais tellement pas comment nous catégoriser que je préfère m’abstenir à chaque fois et me reprendre et utiliser un bon vieux pronom personnel égoïste : « quelque chose à foutre de moi ! » La sonnerie se met à retentir dans toute la maison, elle est probablement arrivée. Mon cœur loupe un battement et tout fout le camp, vive l’irrégularité. Il fait chaud ici ? Ou froid ? Je ne sais plus trop, je me sens perdu, à découvert. Mes jambes continuent néanmoins de me porter et elles me portent jusqu’à la porte que j’ouvre, un sourire timide se dessinant sur mes lèvres. « A l’heure, comme toujours. » Je marque une pause, entrouvre la porte pour qu’elle puisse passer. « Entre ! »

Jahir m'a proposé de passer à l'appartement et j'avoue que je ne sais pas trop à quoi m'attendre. Avec lui, c'est tout ou rien. Soit on passe une bonne soirée, soit on finit par s'engueuler et ça, c'est vraiment pas le bon plan. Je préfère partir sur du positif. Je veux partir sur du positif. Je veux que cette soirée se déroule comme sur des roulettes. Qu'on rigole pour rien, qu'on discute tranquillement bref, que les choses s'arrangent entre nous.
Je pars donc de chez moi dans les temps, vêtue d'une petite robe noire, mes cheveux ondulés tombant en cascade le long de mon dos, mon sac rempli de dvd et jeux vidéos à la main. Je me me gare en bas et sonne à sa porte. J'avoue qu'à ce moment précis, mon coeur bat un peu plus vite et j'appréhende. Finalement, il vient m'ouvrir la porte, léger sourire au visage et je ne peux m'empêcher de faire de même en baissant légèrement la tête. Comme quoi, je peux le faire quand je veux ! C'est vrai qu'il m'arrive très, très souvent d'être en retard pourtant ou plutôt bizarrement, à chaque fois que j'ai rendez-vous avec Jahir, j'arrive à arriver dans les temps. Je rentre en déposant un baiser sur sa joue lorsque je passe devant lui. T'es tout beau ce soir ! Je voudrais réussir à commencer par m'excuser mais, je préfère retarder un petit peu le moment en le complimentant sur sa tenue.