13 avril 2006, KaboulJe souris à ma mère et lève les yeux au ciel lorsque cette dernière me dit de ne pas partir trop loin et de ne pas faire de bêtises. Je vais bientôt avoir seize ans alors franchement, faire des bêtises c'est plus trop de mon âge. Je n'ai jamais été scolarisée mais je suis une des seule jeune fille du village qui sait lire et écrire l'arabe, l'anglais et le français. Ma mère m'a tout appris entre deux opérations et deux voyages humanitaires à travers le pays. Grandir en Afghanistan n'a pas toujours été facile, surtout avec la guerre qui frappe le pays.
" Maman... J'connais Malik depuis quinze ans, il va pas me manger " C'est pas le genre de Malik, loin de là. On est meilleurs amis et tout le village nous voit finir notre vie ensemble mais je sais que c'est faux. Malik est gay mais il ne peut rien dire, il n'a pas envie de se faire lapider en public, exécuter ou il ne sait pas trop quoi. Je sais que c'est ce qui arrivera si quelqu'un le sait, si quelqu'un apprend qu'il aime les garçons. Alors je couvre mon ami du mieux que je le peux. L'embrasser en public ne me gène pas, faire croire à tout le monde qu'on est fou amoureux l'un de l'autre, même tarif. Je pourrais même aller jusqu'au mariage avec lui. Mais là, ça se compliquerait. Parce qu'ils attendraient tous que les draps blancs supposés immaculés soit accroché au petit matin. Mais il n'y aurait pas de sang, aucune goutte rouge pour prouver ma virginité parce que je ne suis pas vierge. J'ai été violée. Je suis encore violée à l'heure actuelle et je ne dis rien, je subis en silence. Pourquoi ? Parce qu'on dirait que je mens et ma mère se mettrait en colère…
" Malik attend moi ! " Hurlais-je à mon ami. Dès qu'on quitte le village, on est enfin libre et on peut faire ce qu'on veut. La majeure partie du temps, on crie et court partout. C'est notre petit moment de liberté mais là, je n'ai pas envie de me fatiguer. Je pense déjà aux heures de travail qui m'attendent une fois à la maison. Ma mère soigne les blessés de guerre et je l'aide aussi, des fois. Ma mère aide aussi bien les civils que les militaires américains alors j'entends de tout. J'adore parler avec les américains, les entendre parler de choses qui ont l'air complètement géniales, comme Harry Potter. L'un des soldat s'est fait envoyer les tomes qui sont déjà parus. Et je dois avouer que j'ai hâte de lire le dernier, l'année prochaine. Mais en même temps… J'espère ne pas le lire. Parce que ça voudra dire qu'il y a toujours des guerres, des familles séparées et la peur qu'une bombe éclate sur le village. Je vois Malik s'approcher d'un groupe de jeunes et souris. Ils sont tous amis depuis des années. J'adore Elisha, la petite soeur de Malik. Elle est géniale mais là, je vois qu'elle a un drôle d'engin dans les mains. Mes yeux glissent sur l'objet et j'ai déjà vu cet objet. Si je ne l'ai pas vu, j'en ai déjà entendu parler.
" Elisha pose ça et fuyez ! " Ils se tournent tous vers moi, m'interrogent du regard et la bombe explose. C'est la dernière fois que j'ai vu Elisha, Malik et tous leurs amis...
14 novembre 2009, Harvard L'université commence enfin. J'ai deux mois de retard. Depuis le début de l'année scolaire, Jules me ramène les cours tous les jours et m'explique les choses que je ne comprends pas. Il me parle aussi d'une certaine Kendall, une amie à lui que je ne sens pas. Forcément, subir une chirurgie cardio-pulmonaire n'était pas un assez gros soucis, voilà qu'il fallait que je me méfie d'une jeune brune. Lorsque j'arrive en cours ce matin là, elle me met à la droite de Jules. Quelques secondes après, une brune s'installe à sa gauche. Kendall est bien plus belle que moi. Et Kendall, elle, n'a jamais a vivre avec une canule dans le nez, elle n'a pas failli mourir sous les yeux de son ami et, encore mieux, elle n'a pas une énorme cicatrice sur la poitrine. Ca va être difficile de se battre contre elle et de gagner la bataille.
" Je suis Andrea, la meilleure amie de Jules. Et tu es...? " Demandais-je comme si je ne savais pas qui était la jeune Quincy alors que je sais tout d'elle. Mais je me demande presque si elle, elle sait qui je suis... Et si Jules ne lui avait jamais parlé de moi ? Pas de crise de panique, pas le premier jour ! Je sens des regards sur moi. Forcément, je suis la petite nouvelle à nouveau. Mais il n'y a plus Jules, son Jules, pour l'aider.
janvier 2013, la bombeAujourd'hui, c'est une drôle de surprise qui arrive. Les étudiants travaillent dans la bibliothèque lorsque de fortes détonations se font entendre et qu'une partie de la bibliothèques tombent en fumée. Avec Jules, on est de ce côté là et je me retrouve au sol. Je perds conscience quelques secondes et lorsque je me réveille, j'entends des cris, des pleurs et tout ce qui va avec. Jules est à côté et ne semble rien avoir.
" Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? " Je grimace en me redressant mais pars rapidement aider les autres, aider ces gens qui sont dans un piteux état. Il y a des morts, je peux le voir rapidement. Tout cela me ramène en Afghanistan, en zone de combat et je frissonne. Deux secondes d'hésitations et je repars aider les gens autour de moi. Lorsque les secours arrivent, je me pose sur une chaise et soupire. J'ai fait son maximum, j'ai mis à exécution ce que j'ai appris pendant ces quelques années de fac et ce que j'ai appris avec ma mère pendant seize longues années. Un ambulancier vient près de moi et lui parle. Je lui assure n'avoir rien mais mes baskets blanches sont rouges sang. Je remonte mon jeans et déglutis quand je le sens collés sur une plaie. Deux coups de ciseaux plus tard, je suis face à une blessure profonde, ouverte et franchement dégueulasse. Je me retiens de vomir parce que je suis forte. L'adrénaline m'a permis de ne pas souffrir mais là, je pleure tellement j'ai mal. C'est l'hôpital directement. Un message à ma mère et je suis en consultation puis en salle d'opération. Résultat de cette session révision à la bibliothèque ? Une jambe en moins.
année universitaire 2015, ici et là Ma vie change du tout au tout. Je rencontre des gens que je n'aurais jamais pensé rencontrer et encore moins apprécier. J'accepte un contrat pour devenir mannequin, le premier mannequin handicapé de la grande marque qui m'embauche. Et cette année, je pardonne à Maxime le coup qu'il m'a fait. Je lui pardonne tout ce qu'il m'a fait vivre au point où on finit ensemble lui et moi. C'est l'amour, le grand Amour. J'ai confiance en lui, je lui fais tellement confiance que je me mets à nue face à lui, sans prothèse. C'est étrange, un peu maladroit au début mais je finis par m'y faire, par l'aimer encore un peu plus. Le voyage en Écosse avec les dunster est une sacré épreuve pour nous puisque je crois être enceinte, ayant un retard monstre dans mes menstruations. Mais ce n'est pas le cas. On va pas se retrouver à élever un enfant tous les deux et dieu merci. Je ne suis pas prête pour ça. Peut être plus tard, quand on sera réellement un couple, que je connaitrais réellement ma famille biologique paternelle. Mais là, y a trop de choses à prendre en compte. Tout ce bonheur ne sera qu'éphémère puisque Maxime me quittera en septembre. Enfin non, je le quitte, complètement hystérique, par textos. Je ne donne plus de nouvelles et je pars en Afghanistan aider les gens dans le besoin. Je voyage là haut. La Syrie, l'Égypte, l'Irak... J'aide les populations et je tombe enceinte d'un militaire. Ce n'est qu'au moment de la fausse couche que je l'apprends. Grosse extra-utérine. Sienna crie alors que je m'évanouie dans mon propre appartement. Je subis une salpingectomie et je n'ai pas le choix que de me rendre à l'évidence. Un enfant à moins d'avoir de l'aide ? Impossible. Un manque qui se fera ressentir sans arrêt. Encore plus quand mes meilleurs amis partent. Je finis même pas partir avec eux, acceptant un programme me formant aux crises types attentats. Oui, rien que ça...
17 juillet 2016, Nouvelle Écosse, chambre de MaximeJ'ai préparé mes valises pendant la soirée. J'ai un avion qui décolle depuis à huit heures pour me ramener à Cambridge histoire de débarrasser au maximum mon appartement. Mais d'abord, il faut que je vois Maxime, que je le prévienne de mon départ et tout ce qui va avec. Je ne suis pas obligée, vraiment pas, mais j'en ai besoin, j'en ai envie. On se reparle à peine et je n'ai pas envie de partir comme une voleuse. Surtout pas alors que je vais dans son pays d'origine. On devait aller en France pour rencontrer ses parents en octobre dernier mais tout a dérapé avant. Face à la porte de sa chambre, une petite robe blanche sur le dos, je frappe. J'attends quelques secondes et quand il ouvre la porte, un large sourire se dessine sur mon visage.
" Hey " Lâchais-je simplement avant d'entrer dans sa chambre. Il a toujours quelque chose qui m'électrise, qui me fait vibrer mais je ne saurais dire quoi. C'est comme ça. Et puis, l'année dernière à ce moment même, en Arizona, on était ensemble, on riait comme des idiots et j'avais l'impression que la vie ne me l'arracherait jamais. J'avais été bien idiote. Mais bon. C'est ainsi. Entre temps, il avait rencontré quelqu'un d'autre et moi je m'étais évertuée à jouer les nanas heureuses et amoureuses au bras de James alors que ce n'était pas le cas. Mais il avait eu besoin de moi alors voilà.
" Je pars demain, je quitte Harvard pour Paris " Pourquoi ? Un nouveau programme de gestion de crises type attentat ? Mon rêve oui. Aider en temps de crise, mon rêve le plus fou… Je filais bientôt mais j'avais quelque chose à lui proposer avant.
" Je te file mon appart. Je sais que le petit va bientôt naître et tu peux pas vivre dans un petit bouiboui comme Priape à l'époque " Ça avait été la catastrophe et je m'en souviens comme si c'était hier.
" Y a deux chambres, tout est neuf et aux normes et voilà… " C'était presque si je ne voulais pas de loyer parce que je n'en voyais pas l'intérêt. Mais il a insisté alors on a convenu que sur la somme du loyer, il me donnait la moitié et l'autre moitié il l'a met de côté pour son fils. Un baiser sur sa joue, une main sur son épaule en guise de dernier contact. D'au revoir. Parce que je ne suis pas sûre de revenir et je ne peux pas le nier. Maxime est important, l'a toujours été et le sera toujours. Il a été mon premier amour, ma première relation consentie et le premier qui m'a brisé le coeur. Deux fois. On dit jamais deux sans trois mais si ce soir j'ai le coeur lourd, ce n'est pas parce que je l'aime. C'est juste parce que je viens de le retrouver et que je le quitte déjà. Un contact un peu trop long. Mes lèvres bloquées sur sa joue. Et dans une parfaite harmonie, ses lèvres sur les miennes, ses mains sous ma robe, nous voilà ensemble, une fois encore. Des soupirs qui me réchauffent le coeur. Ce que je connais. Ce que je connais de mieux c'est lui. Et je file vers la France le coeur léger, enveloppée dans cette couche moelleuse de paix.
31 décembre 2016, une plage de sydney" Je voulais vous annoncer quelque chose… " Soufflais-je alors que je mordais dans une petite bouchée au fromage. La huitième de la soirée et ça ne faisait que commencer. J'avais posé mes valises y a trois semaines et j'avais gardé ma grossesse secrète pour le moment parce que j'attendais l'arrivée de Sienna.
" Je rentre à Harvard début février pour le boulot et… " Les yeux de Priape sur moi, je me décompose. Comment je vais leur dire ça moi ? Talya porte Mila qui ronchonne depuis quelques minutes et je prends la main de Sienna dans la mienne.
" Je suis enceinte " Lâchais-je en évitant le regard de la petite bande. C'est dommage qu'il n'y a pas Nina mais je ne sais même pas où elle est. J'entends rire, des
" Sérieux ? De qui ? " venant de la bouche de Priape parce qu'il est comme ça. C'est mon meilleur ami et il est très protecteur avec moi. Il sait surtout que j'ai couché avec Maxime avant de quitter les États-Unis. Ouai, j'ai replongé. Telle une droguée, j'ai replongé alors que j'avais juré le détester jusqu'à la fin des temps parce qu'il avait couché avec les deux blondes autour de moi. Ouai, toutes mes copines se sont tapés mon premier amour. On partage tout à la Dunster House que voulez vous. Je lève les yeux et retire ma robe, affichant un petit ventre sous mon maillot de bain une pièce. J'ai pu le garder secret jusque là parce qu'ils bossaient souvent mais là… Je regarde Priape et souris.
" Pas de Maxime, t'inquiète pas " Et je savais qu'il était soulagé, d'une certaine manière parce que ça mènerait rien avec Maxime. Il avait déjà un enfant et… voilà. De toute façon, c'était fini et un lien permanent avec lui aurait pu me détruire comme j'avais été détruite quand je l'avais vu embrasser Babylone y a plus d'un an. Les félicitations sont de rigueurs, les câlins les baisers sur la joue.
" Je ne connais pas encore le sexe mais je sais qui je veux en parrain et marraine " Pas la peine de parler du père, que c'est un connard de médecin un peu plus âgé que moi, que visiblement j'ai refais la même erreur que ma mère. Sauf qu'elle a eu l'intelligence de ne pas tomber enceinte, elle.
" Sienna, Priape, voulez-vous être les parrains et marraines ? Mais par contre, je vous interdis de vous battre devant elle ou lui… " Elle. Je sentais que c'était une fille mais incapable de dire pourquoi ou comment, c'était comme ça. Je savais bien que Talya ne m'en tiendrait pas rigueur parce qu'elle était avec Priape et puis, même si on déteste toujours autant l'avouer, on est presque demi-soeur toutes les deux puisque son père et ma mère… Ils acceptent et bientôt, les feux éclatent sur l'Opéra de Sydney. Et c'est dans les bras de mes meilleurs amis que je commence 2017. Heureuse et joyeuse comme jamais.
1e février 2017, cabinet du Dr KyleLes mains sur mon ventre, je souris légèrement au psychologue que ma mère m'a trouvé avant de rentrer. Pour elle, je dois absolument voir un psychologue parce que ma vie part à la dérive. J'ai du mal à comprendre comment ma vie part à la dérive alors que la sienne est sans dessus dessous mais bon.
" Je ne sais pas pourquoi je suis là, il parait que j'ai besoin d'aide mais je n'ai jamais été si bien que là " Lâchais-je simplement. Tout va bien pour moi. Je reviens chez moi, dans la ville qui m'a fait vivre tellement de choses. Je suis enceinte de quatre mois et j'ai passé deux mois chez mes meilleurs amis en Australie alors franchement, qu'est-ce qui pourrait aller mal ? Le fait que le père de mon bébé soit un salop qui m'a joliment menti sur sa vie, sur ce qu'il est ? Un de plus, un de moins, je ne suis plus à ça près pour tout dire. Je lui adresse un sourire et passe une main dans mes cheveux.
" Vous savez, je reviens d'Australie là et je commence doucement à fatiguer. J'ai deux jours de folie qui m'attendent à l'hôpital pour le programme que j'ai lancé depuis la France et… je pars dans quatre jours avec les Dunster donc j'ai autre chose à faire " Soufflais-je doucement en me levant sans difficulté aucune.
" Et votre enfant ? " Je regarde le psychologue en fronçant les sourcils, pas sure de bien comprendre ce dont il me parle.
" Oui, mon enfant ? Qu'y a-t-il ? " Je suis surbookée, j'ai une vie de malade et ? Je ne serai pas capable de m'en occuper quand il viendra au monde ? Je risque d'être fatiguée et à bout de souffle pendant des mois parce qu'il n'y a pas de papa pour m'aider dans ma tâche ?
" Vous savez, vous n'avez pas besoin de vous occuper de moi et de mon enfant. J'ai des amis merveilleux ici qui n'hésiteront pas à m'aider, à mettre la main à la pâte et à venir vivre quelques temps avec moi le temps que je m'habitue à ce nouveau rythme. J'ai longtemps été l'une de ces femmes qui a besoin d'un homme à ses côtés mais ce n'est plus le cas. Je pense que j'ai été trop déçue " Et pourtant je n'ai pas eu tant d'histoires que ça mais ma dernière relation vient de m'anesthésier pour de bons voyez vous.
" Et où vivez vous ? " Je me rassois et soupire fortement.
" Pour le moment, je vais aller à la Dunster House, vous savez là où se trouvent les trois quarts de mes amis " Lâchais-je simplement.
" Je vais d'abord aller poser mon surplus de bagages dans mon ancien appartement, appartement dans lequel mon ex petit ami et premier amour vit " Allez, s'il faut tout lui dire pour qu'il me lâche la grappe, je vais être coopérative et bien comme il faut.
" Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas une manière désespérée de le récupérer. Il est en couple avec une amie et il a eu un fils il y a six mois avec une autre femme. Vous voyez, je sais très bien voir où je peux trouver de la stabilité et où je ne peux pas vraiment la trouver. Il risque d'ailleurs de croire que je suis enceinte de lui " Parce que oui, Maxime et moi ça a capoté en septembre 2015 mais on a recouché ensemble juste avant que je parte en juillet. Il venait d'apprendre que son ex l'avait trompé et moi… bah j'avais envie de remettre le couvert. Le premier amour dure toujours et je crois que c'est bien vrai.
" Bon. Et est-ce que je peux y aller s'il vous plait ? " Lâchais-je en attrapant mon sac à main et me relevant une nouvelle fois. J'avais des gens à aller voir et une valise 'vacances' à faire. Oust, en dehors de mon chemin…