Welcome to the Bright Hockey Center (Jessie)

Alekseï était arrivé au Bright Hockey Center légèrement en colère. Plus tôt dans la semaine, une erreur de freinage de l’un de ses collègues lui avait déboité l’épaule. Ce n’était pas une grosse blessure, mais les médecins et les kinés du staff avaient préféré ne pas prendre de risques, le mettant au repos pour le match contre Cornell. Toutefois, il n’était pas du genre à être rancunier, et il était venu encourager ses collègues, accompagné des deux autres blessés de l’équipe.

Il ne les connaissait pas depuis longtemps, mais il appréciait leur compagnie. Il avait légèrement sympathisé avec eux avant d’aller au stade, et, au moins, il ne serait pas le seul exclu de la partie. Le jeune russe aurait tout de même bien aimé aider ses camarades un peu plus qu’en les encourageant depuis les tribunes. Et encore, il avait échappé de peu à une convalescence plus longue, bien aidé par la rééducation intensive des médecins de l’équipe, qui pouvaient s’occuper au cas par cas des blessures des uns et des autres.

Comme toujours, le Bright Hockey Center bouillonnait. Ce n’était pas la plus grande arène de la ligue, mais elle compensait largement par l’ambiance que mettaient les supporters des Crimson. Leur équipe avait eu sa grande heure de gloire dans le passé, et n’était jamais redescendue dans le classement, accrochant presque chaque année la deuxième ou la troisième place, sans arriver à gagner de nouveaux titres. Alekseï voulait les aider à atteindre de nouveau le sommet du championnat, mais, aujourd’hui, ça allait être compliqué. Il était d’autant plus frustré qu’Harvard était actuellement en 3ème position au classement, et que chaque match comptait dans la course au titre.

Comme si c’était annoncé, la rencontre contre Cornell s’avéra plutôt rude. Un jeu rapide, mais costaud. Les joueurs se mettaient de solides charges, s’envoyant valser au sol, et la tension était palpable. Personne n’était épargné, pas même le remplacement d’Alekseï dans les cages, qui était victime de violentes collisions avec les joueurs adverses. Les camarades du jeune Russe ne semblaient d’ailleurs pas apprécier la manœuvre, repoussant violemment les fautifs. Les arbitres avaient du mal à tenir tout ce beau monde, et le public ajoutait à la pression ambiante en se levant et en hurlant à chacun des impacts.

Alekseï n’était pas en reste. Il encourageait ses coéquipiers, mais sans toutefois entrer dans l’excès. Ceux qui connaissaient l’équipe savait qui il était, mais le laissaient tranquille durant le match, trop occupés à supporter les Crimson. Il ignorait son bras en écharpe, semblant ne pas se souvenir qu’il était en convalescence.

Welcome to the Bright Hockey Center
— with Alekseï

De tous les côtés, c'était l'effervescence. Les étudiants se pressaient pour passer les portes du Bright-Landry Hockey Center. Jessie se retrouvait coincée entre un brun au T-shirt clamant haut et fort son amour du hockey et un autre, qui avait prévu toutes les victuailles "nécessaires" pour supporter les joueurs, avec la bouche pleine. Elle sourit malgré tout à son amie, qui avait tenu absolument à l'emmener aujourd'hui. Sans déconner, t'as jamais vu un match de hockey ? lui avait-elle lancé entre deux sujets. Et voilà comment on atterrissait dans un stade plein à craquer, en touriste. Rester trois heures à regarder des étudiants marteler la glace et balancer des palets dans des buts, elle n'aurait jamais imaginé vivre ça un jour. Peut-être que si son père avait daigné l'emmener, elle et ses frères, à quelques matchs ; elle aurait pu s'y faire. Sans aller jusqu'à apprécier, au moins, ne pas fuir en attendant la combinaison des mots match et assister. Les murmures fusaient dans les gradins et Jessie se laissait volontiers guider par Anna et slalomait entre des étudiants surexcités. Elle priait pour ne pas finir assise à côté d'un fanatique absolu. A tous les coups, elle allait avoir droit aux mêmes hymnes pendant tout le match. Un moment de réjouissance en perspective, mais elle n'avait pas eu le courage de refuser l'invitation d'Anna. Pendant que celle-ci essayait de lui expliquer les règles de base, la foule assistait à des échanges assez peu cordiaux entre les joueurs des équipes adverses. C'était aussi ce qu'elle reprochait au sport, le manque de fair-play. Dans les tous cas, elle ne manquait habituellement pas d'arguments lorsqu'il s'agissait d'éviter un événement sportif. Prise en sandwich entre une Anna survoltée et un brun avec un bras en écharpe, Jessie participait du mieux qu'elle pouvait, esquissant les mêmes gestes que ses voisins. Mimétisme pur.
- En fait, c'est comme le football sur le principe ? Ils passent plus de temps à se mettre dessus qu'à toucher au palet ? lança Jessie en riant. Anna lui lança un regard à moitié amusé et à moitié désespéré.

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Alekseï, bien qu’encourageant bien volontairement son équipe, semblait plutôt occupé à calmer les ardeurs de ses camarades. D’un naturel généralement plutôt calme dans ce genre de situation, il tachait d’éviter les débordements de ses virulents collègues, amusé par certaines situations de jeu. Il faut dire que, malgré l’ambiance électrique, Harvard menait à présent de deux longueurs pour le plus grand plaisir des supporters. Mais le match n’en était qu’à sa moitié, et rien n’était joué.

C’est alors qu’il entendit les propos de sa voisine, qui ne semblait pas apprécier le spectacle autant que les autres. Il est vrai que, pour un néophyte, les échanges entre les joueurs pouvaient paraitre peu cordiaux, mais ils restaient dans la norme concernant ce sport. Ce n’était pas des performances que tout le monde pouvait apprécier. Il se tourna alors vers la fille en question, lui touchant l’épaule pour avoir son attention. En effet, au vu de la cohue ambiante, il était peu probable qu’elle puisse l’entendre à travers le vacarme.

« Vous n’avez pas totalement tort. Mais ça fait partie du jeu, ils s’empêchent de se placer efficacement. C’est de la stratégie, mais ça peut sembler assez violent. » Il marqua une courte pause, tachant de conserver son ton amical tout en se faisant entendre.

Il ne voulait aucunement lui faire la leçon, simplement essayer de l’éclairer sur certaines choses pour qu’elle puisse passer un moins mauvais moment. Il poursuivit.

« Après, il ne faut pas oublier qu’ils sont sur des patins, ce n’est pas aussi facile de s’arrêter que quand vous courrez en basket. » Dit-il, amusé. C’était une éternelle excuse pour justifier les violents contacts qui caractérisaient le hockey, mais il fallait avouer que tous les joueurs y allaient aussi de bon cœur. « Mais vous ne semblez pas vraiment apprécier le spectacle, vous êtes venue pour faire plaisir à quelqu’un non ? » Finit-il, sur le même ton, son très léger accent trahissant un peu ses origines.

Welcome to the Bright Hockey Center
— with Alekseï

Le commentateur s'égosillait à chaque mouvement décisif. Tout se jouait à une de ces vitesses, il était quasiment impossible de suivre des yeux le minuscule palet. D'accord, il y avait de l'action mais le genre d'action dont se passait volontiers Jessie. Le panneau d'affichage des scores indiquait que l'avantage était à l'équipe d'Harvard. Et plus les minutes s'égrenaient, plus les joueurs se montraient agressifs sur la glace, faisant virevolter le palet et traversant les défenses des équipes adverses comme s'il s'agissait d'un gruyère. Son amie Anna était en transe. Prise dans le jeu, elle ne regardait plus que la glace et semblait indifférente à tout ce qui l'entourait. C'est à dire à tous les cris d'encouragement, de colère, les hymnes entamés ça et là... Jessie sentit une légère pression sur son épaule, son voisin tentait de lui parler malgré le bruit ambiant. Elle eut une moue dubitative en entendant les propos de celui-ci. ça ressemblait presque à de la baston en direct quand même. Si c'était stratégique de se taper dessus, elle comprenait maintenant pourquoi elle avait autant de mal avec le sport.
- J'espère seulement qu'ils ont une bonne assurance, lui confia Jessie en souriant. Elle voulait bien entendre que côté freinage, ça ne devait pas être facile de piler une fois monté sur patins. Mais quand même. Je plaide coupable. Je suis venue avec une amie. Enfin, plus exactement pour une amie...Et vous, vous avez l'air de bien vous y connaître. Vous venez à chaque match j'imagine ?

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