LENNOX ROTHSCHILD ► gaspard menier

ELIOT HOUSE.
Ancien Winthrop, Lennox s’est converti en Eliot en septembre dernier. Rothschild, rien que le nom devrait justifier sa présence dans la maison des élites. Célèbre depuis 18e siècle dans le domaine de la banque et de la finance, les Rothschild, selon les derniers recensements, s'avère posséder la 21e plus grande fortune. Et par un heureux hasard, Lennox a été adopté par Philippine Rothschild alias cette héritière sexagénaire sans scrupule, ménopausée, et souhaitant avoir un enfant coûte que coûte. Lennox a alors grandi dans le luxe, le luxe suprême et n'a jamais eu à se soucier de l'argent, tout lui était servi sur un plateau d'argent. Et évidemment, grandir dans un milieu aussi privilégié que celui-ci ouvre un grand nombre de portes, ou mieux, aucune porte ne lui ait fermé. Et il en est fier, trop fier, s'en pavane. Pourquoi s'en cacher ? Il fait incontestablement parti de l'élite et de ces "fils à môman/pôpa", et en profite immanquablement. Les Eliots ? La parfaite maison pour ce "petit fils de riche arrogant et prétentieux" selon les dires - des dires plus que justes soit dit en passant.

WINTHROP HOUSE.
"C'est quoi ton nom déjà ? Oh peu importe Germaine, prends tes cliques et claques et barre-toi !" Alors que certains, en matinée, se contente d"un simple "bonjour, bien dormie ?" en guise de de salutations, Lennox, lui, fait dans l'original. Combien de fois il l'a prononcé cette phrase au réveil ? Un peu trop souvent. Et lorsque l'ont constate le nombre de conquêtes qu'il a déjà additionné dans sa vie, on comprend mieux pourquoi. Lennox est un charmeur, un dragueur né, un beau parleur comme on les appelle si bien. Il a un physique avantageux, des yeux à en faire tomber plus d'une, il est rare qu'il n'attire pas les regards féminins sur son passage, alors pourquoi se priver ?

story of my life

FEBRUARY 2017 / HARVARD. « Monsieur Rothschild, pourquoi Harvard devrait vous reprendre ? Vous comprenez bien que cette école n’est pas un moulin où chacun fait comme bon lui semble et choisit ses allées et venues sans répercussions adéquates. » Annonça le Doyen, d’un ton sévère, qui ne fit même pas sourciller son interlocuteur : Lennox Rothschild, fils adoptif de feu Philippine Rothschild. Au contraire, l’intéressé se permit un sourire en coin de provocation, avant de juger d’un regard lourd de sens l’homme assis derrière le bureau et se racla la gorge avant de rétorquer d’un ton sûr et snob, à son image : « Monsieur Le Doyen, sans vouloir vous manquer de respect, je pense que ma famille a assez contribué dans cette école pour que vous ne puissiez plus remettre ma place au sein de celle-ci en doute. » Le Doyen plissa les yeux, sembla chercher un sous-entendu aux dires de Lennox, soupçonnant sans aucun doute une menace implicite quant à question de la contribution des Rothschild à Harvard. Ils étaient loin d’être les seuls donateurs généreux pour la prestigieuse école qu’était Harvard, mais leur don annuel était non négligeable, ce qui procurait du pouvoir à un simple élève imbu de lui-même, arrogant et insolent, Lennox. Lennox qui, loin d’être arriéré, profitait largement de cette position de pouvoir pour lui et de faiblesse pour le Doyen. « L’argent ne fait pas tout, Monsieur Rothschild. » Cette fois-ci, la remarque fit sourciller Lennox, et même lui provoqua un rire jaune involontaire, qui fit froncer des sourcils le quinquagénaire qui lui fit face. Il semblait être loin d’apprécier la réaction trop insolente du jeune homme, même mieux, il semblait loin de l’apprécier lui, tout court. Ce qui passa outre Lennox, qui après s’être racler la gorge, semblait maintenant chercher une approche plus douce, qui les rassemblerait tous les deux sur un même terrain d’entente. « Bien. Soit. Jouons à ce jeu, si vous le souhaitez. » Il se permit de lever les yeux au ciel, incrédule, et reprit avec plus de détermination. « Alors, veuillez prendre en compte mon score aux SATS qui, je vous le rappelle, était de 2320, mes lettres de recommandations aussi brillantes quantitativement que qualitativement à l’image de mon student’s essay ET mon entretien d’entrée ici il y a cinq ans ; ainsi que mes années d’études précédentes ici qui ont été irréprochables. Je me trompe ? » Question rhétorique. Il n’accorda même pas une once de seconde au Doyen pour pouvoir placer une simple parole. « Dans les dix premiers de ma promotion de première année de médecine, et toujours dans le top 20 depuis ma deuxième année. Mes premiers mois d’internat en septembre dernier, à l’image de mes études, ont été plus que bénéfiques dans cet hôpital ; hôpital qui, je vous le rappelle également, est un généreux récepteur de nos dons familiales. En somme, ma place ici ne devrait même pas être remise en cause, ce second interview ne devrait même pas avoir lieu; mon absence n'a été que de deux mois, je n'imagine pas ce que vous inventez pour ceux qui s’octroient plusieurs années. » Termina Lennox, sérieux et sans aucun doute plus déterminé que jamais. Déterminé à revenir de bons pieds à Harvard, l’école qui l’avait recueilli durant les quatre dernières années, école qu’il avait momentanément et abruptement quittée en novembre dernier, suite à une découverte non sans importance sur l’arbre généalogique de sa famille. Biologique. Et adoptive. Les deux. En Angleterre. Et en Russie. L’histoire était aussi compliquée que les neurones en perpétuels méninge d’Einstein, lui-même s’y était perdu. Mais aujourd’hui, il y voyait plus clair, d’où la raison de son retour. Aujourd’hui. « Vous, hm, avez raison. » En vue de la grimace qui accompagnait ses dires, clairement, le Doyen s’arrachait la bouche d’admettre l’inévitable, quand bien même c’était la simple et pure vérité – Lennox semblait avoir constamment raison, vous le découvrirez assez vite. « Et, hm, vous semblez être déterminé d’achever vos études parmi nous, et passionné, et c’est tout à fait le type d’élève que nous recherchons. » Encore une fois, ce dernier se permit de lever les yeux au ciel, sidéré par tout cet interview, qui avait une drôle de ressemblance au premier qu’il avait déjà subi et auquel ce Doyen-même avait desservi l’exact même discours, après l’exact même monologue que Lennox venait de rétorquer. Sans inclure les années à Harvard, cela va de soi. « Et, si je puis me permettre… » ‘Comme s’il avait réellement besoin de demander la permission’, pensa Lennox, prenant sur lui pour ne pas imploser et partir de ce bureau, au plus vite pour enfin retrouver sa vie d’étudiante et être en paix. « Je vois dans votre lettre de demande de retour que vous avez passé quelques semaines en Russie, début novembre ? Une plongée en profondeur dans vos racines ? » Ses racines ? Qu’est-ce que ? En quoi cela le préoccupait-il ? Lennox était loin de se douter qu’il interpréterait son voyage en Russie de la sorte, le préciser dans cette lettre avait juste été un simple argument de plus pour revenir ici, prouver qu’il n’avait pas passé les deux mois à jouer au chat et à la souris auprès de ces demoiselles. Bien qu’il avait passé une majeure partie des vacances de Noël à y jouer. « Je suis né à Londres, Monsieur. » Répondit-il simplement, d’un ton sans appel qui signifiait qu’il refusait de pousser la conversation plus profondément. S’il tenait tant que ceci à connaître ses affaires de famille, qu’il se débrouille, seul. « Tout est bon, sinon ? Puis-je m’en aller ? » Enchaîna-t-il, ne lui laissant encore une fois pas le temps de rétorquer, et quand celui-ci lui accorda la fin de l’interview avec un bref signe de la tête – non sans hésitation, à chercher la petite bête dans son dossier, Lennox n’attendit pas une seconde de plus et se leva pour quitter ce bureau dont l’ambiance commençait sérieusement à lui pomper le système. A peine un pas dehors, à peine une simple bouffée d’air américain respirée, qu’il s’empressa d’appeler une jolie blonde qui commençait à prendre place petit à petit dans sa vie pour lui annoncer la bonne nouvelle. Il était de retour.

(Invité)