« Divertissement à NY »

Habituée des soirées parisiennes, en arrivant aux USA il y a deux ans et demi, je m’étais promise de me rendre assez régulièrement à New-York. Non seulement pour visiter la Grosse Pomme, mais également pour côtoyer les soirées les plus folles. Vivre comme une new-yorkaise l’espace d’une soirée, profiter des nombreux bars de la ville, voilà mon objectif de la soirée. Je me suis mise sur mon 31, dans une petite robe noire avec un collier à ras du cou et des sandales à talons signés Zanotti. J’avais passé la soirée à boire verre après verre, la majorité offerts par des hommes ci et là. Sur le point de sauter dans un taxi pour me diriger vers le prochain bar, des éclats de voix retiennent mon attention. Un sourire d’amusement s’étend sur mes lèvres et je fixe les énergumènes qui s’affichent en plein milieu de la rue. Notamment un homme, relativement jeune, qui fait face visiblement à une sécurité bien baraquée. Je l’entends gueuler de vagues insultes, en me disant qu’il s’est sûrement fait foutre dehors à coups de pied au cul. Sans en connaître les raisons, je me dirige vers lui d’un pas assuré. « Un problème mon chou ? » Je le regarde d’un air taquin, sans trop savoir si Monsieur va se mettre à me brailler dessus également ou s’il va se calmer.

Je souris à sa réponse, plutôt satisfaite de l’effet que j’ai pu produire avec une simple question. Question qui, en soi, était pas mal ironique. Mon regard s’adoucit lorsque j’entends sa question. A croire qu’il a oublié ce qui vient tout juste de se passer. Je hoche la tête, les yeux plein de malice, ajoutant : « Je suppose que t’as une idée de bar en tête ? » Je lui tends la main, comme si je le connais depuis toujours, comme si je m’adresse à un ami d’enfance. Pourtant, j’ai absolument aucune idée de qui il est. Même sa tête ne me dit rien. Enfin, vous me direz, c’est normal, je viens trop rarement ici pour reconnaître chaque bonhomme qui hurle dans la rue. Qu’importe. Ca se voit que l’alcool commence à faire son effet, sans doute dû à mes allers-retours constants entre la chaleur des bars et la froideur des rues new-yorkaises ; autrement, je me serais davantage méfiée. Et puis, lui non plus n’a pas l’air spécialement sobre. Mais ça, j’en ai pris l’habitude à la Mather et je commence à bien savoir gérer mes potes alcoolos. Ca devrait pas être trop dur dans son cas. « Je te propose de prendre ce taxi, ce sera plus simple que de nous balader en vacillant dans la rue. Puis, peut-être que le type pourra nous donner de bonnes adresses ! » Je le tire sans attendre plus longtemps vers le taxi que j’avais fait arrêter quelques minutes avant et je le pousse à l’intérieur après avoir ouvert la porte. Ca pourrait paraître normal. Si on se connaissait. Mais là…

Je souris, ravie de la situation, un peu comme une gamine à qui on offre une sucette. Moi qui avant ça étais paumée, à me balader seule de bar en bar, Monsieur changeait la donne. Sauf que d’après ses dires, lui non plus n’est pas familier aux lieux. « Ah ouais ? Merde alors, moi non plus je suis pas d’ici ! » Tant pis, faut faire avec et assumer. Je le pousse comme un vulgaire pantin, pas trop consciente de la force que j’y mets, et visiblement il a du mal à s’en remettre. Je regarde mes mains et j’hausse les épaules, je sais pas si je me transforme en Hulk ou si je suis juste un peu trop bourrée, mais c’est fait. Au moins, il m’échappe pas. Je me jette sur la banquette à ses côtés et pouffe de rire quand il prévient le chauffeur du risque qu’il prend s’il décide de rouler à toute vitesse. Il aura l’effet fois deux, le bonhomme, s’il tente le diable. Moi aussi je risque de redécorer la bagnole, surtout à cause de l’odeur de l’autre. « Vaut mieux éviter, ouais, ça risque de mal finir mon grand ! » Je me pose dans le taxi comme si c’était le mien, à demi adossée contre ma portière, je tends mes jambes et les pose sur les cuisses de mon otage. Otage. Ca peut y ressembler. « C’est quoi ton nom ? Et tu viens d’où si t’es pas d’ici ? Je comptais sur toi pour un bon bar, c’est con… » Je le regarde avec de grands yeux, particulièrement intéressée de savoir d’où il vient. Sait-on jamais.