Prenant un air légèrement offusqué, elle répondit :
- Mon cher, il est parfaitement outrageux pour un individu quelconque de faire des lectures en public lorsque celui ci n'est pas dans un amphithéâtre. En effet, l'homme qui fait une lecture en public dans un amphithéâtre a l'excuse d'avoir envie de faire croire au reste du monde qu'il est intelligent ; celui qui la fait dans un lieu quelconque n'a pas d'excuse pour cette épreuve des plus humiliantes.
Du pur Camille : c'était bien elle, après tout, celle qui voulait toujours avoir l'air d'être intelligente ... Maline. Elle avait toujours le dernier mot, avait toujours la bonne réplique satirique ou condescendante à sortir à son auditoire - aussi grand, ou, en l'occurrence, petit qu'il puisse être. Cela relevait peut être de son envie constante de se faire remarquer, ou alors, de celle de se démarquer des autres. Et en général ? Eh bien, ça marchait presque tout le temps.
Le suivant en silence, elle sourit mystérieusement face à la remarque disant qu'elle le connaissait bien.
- Monsieur Hogdson, je n'étudie pas la psychologie pour rien.
Elle s'installa, confortablement dans cet endroit dont l'atmosphère ne lui donnait qu'une envie : celle de se détendre. Et puis, Camille se recoiffa d'un geste de main avant d'écouter ce que Sam pouvait bien avoir à lui dire. L'écoutant attentivement jusqu'au dernier mot, elle se racla légèrement et très discrètement la gorge quelques secondes après son 'discours' afin de marquer un certain professionnalisme, et ainsi, une élégance de l'ordre adulte.
- Monsieur Hogdson, il me suffisait de consulter le yearbook de l'année précédente, ou encore, de demander à l'une de mes soeurs Cabots pour connaître votre nom. Et évidemment, je l'ai déjà fait ; vous m'y avez contrainte après toutes les rencontres furtives que nous avions eues par le passé. Il ne suffit que de regarder le regard d'un certain 'Anatole Jones' lorsque la mention de votre nom est évoquée pour en savoir plus sur vos penchants - et permettez moi de dire en toute honnêteté qu'il s'agit là du plus haut gâchis que j'ai pu voir de ma vie entière. Vous possédez des gênes destinés à procréer, si je puis me permettre de parler en toute candeur.
Après une brève pause, elle se permit de rajouter :
- Ceci étant dit, vous venez de soulever un lourd poids de mon coeur : j'ai enfin de quoi certifier à Jennifer qu'elle n'a, bel et bien, aucune chance avec vous, et qu'elle se devra de passer ses nuits avec un bel inconnu ou une boite de kleenex pendant les dures heures qu'il lui faudra pour vous oublier. Ces présentations ont été très satisfaisantes : il est toujours recommandé de ne pas se présenter lors du premier échange, voir même, d'attendre jusqu'au douzième, afin de s'assurer que l'on ne fera pas fuir notre interlocuteur pour l'éternité.
Souriant à nouveau avant de s'éventer doucement de la main, elle répondit avec un ton des plus sérieux :
- Je pense que vous en savez déjà bien trop sur ma personne, monsieur Hogdson. Me demander mon âge relèverait d'un manque d'élégance et de dignité étonnant pour votre part ; quant à mon occupation dans la vie de tout les jours, il me semble que vous venez d'apprendre que j'étudie dans le domaine de la psychologie. Je dois vous avouer ne pas avoir peur que l'on me saute dessus pour la simple bonne raison que cela m'est déjà arrivé par le passé et que l'expérience est beaucoup moins désagréable que l'on ne pourrait le croire ... à condition que la personne 'sautée' soit consentante, évidemment.
Le serveur venant d'arriver, elle prit commande :
- Un café s'il vous plait.
Puis, se tournant vers le professeur Hogdson, elle déclara :
- J'espère que cela ne vous dérange pas si je n'ai pas attendu que vous preniez commande. C'est que ... Il m'arrive souvent d'avoir soif lorsque je n'ai pas parlé pendant un long moment.