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BRUNO & JEAN
►JAM SESSION
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On pouvait qualifier de rares les moments où Jean se préoccupait sincèrement de quoi que ce soit dans sa vie. Mais pas le 26 février 2017. Enfin plutôt ce que cette date, surlignée en rose pétant dans son agenda de fortune, signifiait. A partir du 26 février, peut-être bien que Jean ne chanterait plus que pour ses brosses à dents, ses potes et les quelques types à moitié bourrés qui traînaient dans les bars où elle se produisait jusqu'à l'ivresse la plus totale. A partir du 26 février, peut-être qu'elle ouvrirait sa voix vers de nouveaux horizons. En effet, par un terrible jeu d'hasard, alors qu'elle chantait en jouant de sa guitare comme une manouche dans les rues de Boston, un type âgé lui avait filé une adresse et une date et lui avait clairement fait comprendre qu'il lui lançait une des seules perches pour avancer dans sa carrière rêvée de chanteuse : le 26 février, dans la petite salle de concert qu'il lui avait indiqué, seraient réunis quelques gros bonnets de la distribution de musique à la recherche d'une nouvelle voix avec ne "belle histoire" : la gamine qui chantait dans les rues et qui finit par vendre des disques ça sonnait plutôt pas mal. Et à l'approche de cette date butoire, Jean était partagée entre une excitation folle et une angoisse grandissante.
La petite répétait nuit et jour dans ce petit local abandonné de Boston dans lequel elle avait déménagé sa batterie, sa sono et sa guitare et où elle squattait désormais à longueur de journée à répéter sans relâche pour le grand jour. Mais peu importe l'entrain qu'elle y mettait, les effets sonors qu'elle travaillait toujours plus à la guitare et à la batterie et les notes extrêmes vers lesquelles elle poussait sa voix, Jean sentait qu'il manquait quelque chose à sa performance. Le petit plus qui la différencierait de tous ce que l'on aurait déjà pu entendre et qui la ferait briller.
Et ce fut au hasard d'une pirouette pour marquer la fin d'un morceau, qu'un morceau de papier vola de ses poches. Dessus était griffonné le numéro de téléphone d'un type qu'elle avait brièvement rencontré dans la rue et à qui elle avait demandé son téléphone spontanément sans aucune idée lubrique derrière la tête. C'était un violoniste qu'elle avait entendu jouer dans Boston, sur le trottoir avec un entrain communicatif. Et le type était très doué : tous les passants s'étaient arrêtés pour l'écouter jouer et sentir les notes qu'il faisait virevolter dans l'air. Alors Jean avait pris son numéro à tous les hasards. En revoyant les chiffres gribouillés là, et en ressentant ce sentiment de frustration au terme de cette répétition peu fructueuse, la blondinette avait composé rapidement le numéro et passé un coup de fil au gars, sans avoir prévenu et lui avait donné rendez-vous dans ce même local le lendemain. Presque à sa surprise, il avait tout de suite accepté et lui avait promis de ramener son violon pour une répétition d'enfer.
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FICHE BY LAVENDER J. TREVENA
@Bruno C. de Suède
(Invité)