(carmiprad) my world is falling apart, again

Cela fait trois fois que j'appelle Darwin en une heure et toujours aucune réponse. Mes yeux sur l'horloge au dessus de la porte du bureau, je soupire. Ma collègue me dévisage et je lui adresse un léger sourire. " Mon copain avait rendez-vous avec son ex chez la gynéco pour une écho " Lâchais-je vaguement, n'ayant aucunement envie de lui raconter la vie de Darwin et tout ce qui va avec. Autant rester vague sur la question, c'est tout aussi bien. Un nouveau coup d'oeil sur l'horloge et je rappelle. Il va finir par me dire que je l'harcèle ou je ne sais quoi et je crois qu'il aurait raison. Ça va être sympa ce soir à la maison, s'il décide de venir parce que je sais que je suis envahissante mais il répond toujours... " Allô ? " Une voix féminine et je me fige dans ma chaise. " Euh.. Vous êtes ? " Demandais-je simplement, sentant mon coeur se serrer. Pourquoi une femme répond à son téléphone ? Il l'a oublié chez le gynécologue ? " Et vous ? " Je sers les poings et ronchonne légèrement. " Bébé, vous ne savez pas lire ? Je suis la petite amie du propriétaire de ce téléphone " Lâchais-je simplement, quelque peu sur les nerfs. " Oh. Nous pensions que Mlle Heruben était sa petite amie puisque... " " Puisque rien du tout. Qui êtes vous et où est mon petit ami ? " Finis-je par m'énerver, prête à lancer la triangulation de l'appel pour voir où est-ce que se trouve son téléphone. Une vraie folle quand je m'y mets. Je me lève et tourne autour de mon bureau. " Je suis l'infirmière en charge de Monsieur Kamprad, il a eu un accident avec Mlle Heruben et... " Mon monde s'arrête. Un acci-quoi ? C'est pas possible, c'est pas vrai ! L'infirmière me parle mais je n'entends rien. " Est-ce qu'il... est-ce qu'il est mort ? " " Non " C'est tout ce que j'entends. J'attrape ma veste, mon sac et je raccroche au nez de cette infirmière, filant vers ma voiture à vive allure. Et je conduis comme une folle jusqu'à l'hôpital. Je passe par les urgences et questionnent tout le monde de mille et unes manières. Personne n'est capable de me donner une réelle réponse. Je tremble et tombe sur l'infirmière du téléphone, grande rousse qui m'emmène à sa chambre. La main sur la porte, je regarde par la petite lucarne de la porte et le vois allongé, calme, endormi peut être. J'entre, me pose à côté de lui et éclate en sanglot, incapable de me contrôler. Suis-je maudite ? Mes hommes vont tous finir ici ?

Je marche rapidement et me faufile entre les patients et les infirmières pour avoir des réponses à mes questions. Je tremble de la tête aux pieds et je me demande réellement comment je fais pour tenir sur mes talons hauts, pour ne pas vaciller et chuter dans la panique. Je n'entends que quelques mots par ci par là quand la jeune infirmière me dit où me rendre pour voir Darwin. Je peux prendre l'ascenseur mais ça ne va pas assez vite pour moi et c'est comme ça que je me retrouve dans les escaliers, à monter les marches deux à deux en courant presque dans les escaliers. Mon ventre se tord quand je suis devant sa porte. Je ne sais pas ce qu'il a, je ne sais pas ce qu'il s'est passé et je me demande s'il est au courant lui aussi. Peut être qu'il ne se souvient de rien parce que c'est souvent ce qu'il se passe lors d'accidents. Les victimes ne se souviennent pas parce que leur esprit bloque les informations, que leur cerveau traumatisé ne veut pas se souvenir. J'entre doucement et m'approche de lui. Il est amoché mais pas à l'agonie non plus et je suis rassurée. Enfin pas trop non plus parce que j'ai vu des tas d'épisodes de Grey's Anatomy et s'il fait une tamponnade, dû à l'impact avec l'air bag, il peu saigner de l'intérieur sans que ça se voit. Parano ? Oui, peut être bien. À ses côtés, assise sur le fauteuil qui était proche du lit, j'éclate en sanglots. Incapable de me retenir, de relativiser. J'ai peur, tellement peur. Je le sens bouger et redresse le visage, essuyant rapidement mes larmes en le regardant. "Hey... Bébé." Sa main sur ma joue, j'étouffe un sanglot avant de poser ma main sur la sienne. " J'ai tellement eu peur " Soufflais-je en le regardant avec un léger sourire, un sourire teintée d'une peine inqualifiable. " Tellement peur de te perdre... " Lançais-je en le regardant. " Ça va ? T'as mal où ? Qu'est-ce qu'il s'est passé amour ? " Demandais-je à la chaîne en le regardant et glissant ma main sur son visage. C'était la première fois que je me laissais aller à un petit surnom, me retenant toujours de la faire. Mais là, j'avais baissé toutes mes barrières.

J'ai paniqué, j'ai paniqué comme une enfant de six ans, comme une gamine. Dès que j'ai entendu l'infirmière me dire qu'il a eu un accident, j'ai tout abandonné au boulot, j'ai tout laissé en plan et je suis partie le plus rapidement possible pour le retrouver, pour m'assurer de mes propres yeux que tout va bien pour lui, qu'il est réellement en un seul et unique morceau. Je ne pourrai pas me relever s'il venait à mourir, je crois que j'y arriverais pas. Et pour le coup, il n'y a que lui. Les feux rouges, les insultes et klaxons, je n'entends plus rien, absolument plus rien si ce n'est mon coeur qui bat dans mes oreilles. Je déteste ça mais je n'arrive pas à me concentrer. Avec lui, je laisse aller mes larmes parce que je ne suis plus capable de me retenir. C'est bien trop difficile, beaucoup trop difficile. Je souffre, comme si on m'avait arraché le coeur, balancé et piétiné avant de le remettre à sa place. Les hommes ne prennent vraiment pas soin de mon organe vital, même s'il n'y peut rien en fait. Je le vois galérer pour se redresser mais j'évite de trop m'interférer. Je suis encore un peu secouée - alors que j'ai rien eu, c'est le comble - et je sais qu'il va me dire qu'il peut y arriver seul. Darwin est peut être jeune mais il est pire qu'indépendant. "Il en faut plus que ça pour avoir ma peau." Je tente d'esquisser un sourire mais ce n'est clairement pas facile. Je ne suis pas sûre que j'ai envie de rire sur ce sujet. Pas tout de suite du moins. Quand la pilule sera avalée pourquoi pas mais là, c'est trop tôt. "Je vais bien." Je lui souris et lie mes doigts au sien en m'asseyant sur le fauteuil que je tire doucement à l'aide de ma jambe, comme si briser le contact avec lui allait le faire disparaitre. " D'accord… Si tu as mal quelque part plus que de raison, tu me dis d'accord ? Il ne faut pas laisser la douleur s'installer " Dit la fille qui n'a jamais pris de médicaments quand elle s'est retrouvée à l'hôpital. Et pendant quelques secondes, je le regarde, lui sourit et n'arrive pas à sortir de mots de ma bouche, pas alors que je suis une putain de pipelette en temps normal. C'est l'infirmière qui me fait bouger de cet état léthargique. " Alors ? " Alors quoi ? J'ai loupé quelque chose ? Et ça me frappe. Khalilah. Elle va bien. Bon c'est déjà ça. Mais l'enfant. Je déglutis difficilement quand j'entends la sentence. Oh putain. Je déglutis difficilement et je sens la main de Darwin s'ouvrir sous la mienne. Je le regarde et l'infirmière balaye son regard de lui à moi. Pas un bruit. Il se renferme, je le vois très bien de profil. Ces traits doux et enfantins qui se durcissent et font mal. Autant de mal à lui qu'à moi parce que je sais que si je le laisse s'enfermer comme il le fait, c'est fini. " Merci, vous pouvez y aller " Lâchais-je à l'attention de l'infirmière en me redressant pour m'approcher de Darwin. " Je suis désolée Darwin. Je suis terriblement désolée pour le bébé " Soufflais-je en collant mon front à sa tempe, fermant les yeux quelques secondes. " Je suis vraiment désolée " Comme si j'y pouvais quelque chose. Mais semblerait que les épreuves nous attendent et bien comme il faut..

Il se renferme et je le vois rapidement. Je le vois parce que j'ai l'impression de revivre ce moment infernal après l'incendie des maisons, quand il s'est renfermé sur lui même et qu'il a voulu construire un mur pour se protéger. Sauf que je ne l'ai pas franchement laissé faire à l'époque et je ne compte pas le faire maintenant. Enfin, c'est ce que je voudrais mais quand je le sens se tourner légèrement et donner de légers coups d'épaules pour que je me détache de lui, je déglutis difficilement. Anéantie, brisée, cassée en deux, je suis encore le dommage collatéral d'une crise qui risque de ne pas être contrôlée de si tôt. Je le regarde et ne bouge pas. C'est comme si on m'avait mis sur pause, qu'on m'avait interdit de bouger. " Bouges pas ou je tire " et bien c'était pareil mais en un peu moins violent. Enfin, selon le point de vue où on se place. Je le regarde et me laisse tomber sur la chaise. Je ne peux pas imaginer ce qu'il ressent. Je sais bien que cet enfant ne faisait clairement pas parti de ses plans mais au final, il avait du s'y habituer. Dans ma tête, je tentais de faire le calcul. Le bébé n'était pas viable ? Ils n'ont pas été pris à temps par les secours ? J'étais perdue et je ne pouvais poser aucune question. Je pose ma main sur son genou et ne parle pas. Ça ne sert à rien de parler de toute façon. Et puis, pour dire quoi ? " Je suis désolée, ça va aller " Oui bien sur que je le pense mais je sais très bien qu'il s'effondre et je ne sais juste pas quoi faire. Le secouer, lui dire que ce n'est pas sa faute ? Je le pense, vraiment, mais je ne sais rien en fait. Pour moi, les choses qui arrivent sont prévues bien à l'avance par des forces surnaturelles. Si on est dans un accident c'est qu'on doit l'être... Mais après ? " Darwin, qu'est-ce qu'il s'est passé ? " Demandais-je doucement. Je ne savais rien. Je voyais qu'il allait bien physiquement mais après ? Que s'était-il passé bordel ? Comment est-ce que l'homme avec qui je partageais mes nuits depuis quelques mois avaient pu passer d'un homme fort au jeune homme qu'il était à ce moment là ? Il y avait plus sous cette histoire que je ne pouvais le savoir. Et peut être même que je ne voulais le savoir. " Je suis là chéri, t'es pas tout seul " Soufflais-je pour lui comme pour moi. On était pas seul tous les deux, on était ensemble.

"Ma faute." Je déglutis difficilement. Sa faute ? Mais ce n'est pas sa faute, en aucun cas. Ils ont eu un accident, il conduisait mais il ne les a pas planté volontairement. Les accidents ça existe. Il s'agit d'un accident, un ACCIDENT. C'est la faute de personne et je refuse qu'il se culpabilise pour ce qu'il s'est passé mais comment lui dire sans qu'il pète un plomb, sans qu'il devienne fou ? Parce que pendant que j'ouvre la bouche et qu'aucun son ne sort, je me fais le constat suivant : à sa place, je me sentirais coupable aussi. Je me sens déjà fautive pour trois fois moins alors là... Je déglutis difficilement et préfère rester à ses côtés plutôt que de dire des mots qui seraient faux, des mots qu'il verra comme une attaque. Du grand Darwin en quelque sorte. Il est le Roi dans la catégorie 'auto-flagellation' et je vois déjà des semaines de difficultés accrues pour nous, pour notre couple, mais ce n'est pas bien grave parce qu'on est deux et qu'à deux on est plus fort. C'est bien ce qu'on dit non ? Et j'en suis persuadée. Des moments sombres nous attendent mais je suis là pour lui, il n'est pas seul. Je me demande presque s'il y a quelqu'un avec Khalilah à l'heure actuelle. Je l'espère pour elle parce que ça ne doit pas être facile à vivre. "Laisse moi." Je pense à cette pauvre fille qui aurait tout fait pour mettre la corde autour du cou de Darwin et qui se retrouve sans rien aujourd'hui. La fin d'une triste histoire. Perdue dans mes pensées, je n'entends pas ses premiers mots. Ce n'est que lorsqu'il envoie balancer ma main que je le regarde. "Laisse moi !" Mon sang se glace. Il est froid, dur et je ne suis pas habituée à ça. Je me redresse dans le siège, ouvre la bouche mais il tourne le visage rapidement, lâchant des mots que je ne veux pas entendre. "Je veux être seul !" Je déglutis difficilement, me lève du siège et le regarde. " Darwin s'il te plait... Te renferme pas, parle moi " Mais les machines auxquelles il est branché s'affolent. Pourquoi est-il branché d'ailleurs ? Ah, il a eu un accident, il peut faire une tamponnade ou je ne sais quoi. Rapidement, deux infirmières entrent dans la chambre et l'une me guide vers la sortie avec un sourire, s'excusant. " C'est bon, je sors " Soufflais-je, le regardant, marchant à reculons, me prenant le tour de la porte dans le dos. Et la porte se ferme sur moi. Il doit se calmer pour son bien, pour le bien de son corps et de ses organes qui ont pris un coup... Mon dieu. Mon Darwin...

rp terminé.