Khalin ► Running the real life

Encore un rendez-vous à l’hôpital qui se termine, cela devient presque une habitude d’avoir affaire à ce gynéco, qui continue de nous prendre pour un couple, ayant eu un petit accident de préservatif. C’est mieux comme ça, je ne tenais pas à ce qu’on me prenne pour une fille facile, ou que Darwin passe pour un profiteur… même si ça a été un peu le cas, mais bon, détériorer son image n’est pas vraiment mon objectif, loin de là. J’ai tout fait pour que cette grossesse ne complique pas la relation déjà tumultueuse que nous avions. J’adresse un dernier sourire aux médecins, avant de suivre Darwin, en silence. Aucun de nous ne parle jusqu’au parking. Une fois sortie du cabinet, la comédie est finie. Je le suis un peu en retrait, resserrant mon manteau autour de moi. Je vois bien qu’il est de mauvaise humeur, mais je n’y peux rien moi, c’est comme ça. La prochaine fois il pensera à ne pas coucher avec une fille en étant aussi saoul qu’elle. Je monte du côté passager, le remerciant pour la porte qu’il ferme derrière moi, me tournant rapidement pour attacher ma ceinture, passant une main dans mes cheveux, avant de poser cette dernière sur mon ventre. Un léger sourire aux lèvres en sentant ce dernier réagir au contact de ma main, comme s’il venait se blottir contre cette dernière. Dire que ça ne me fait pas mal au cœur de l’abandonner, serait faux, mais je n’ai pas d’autre choix.

Je grimace légèrement lorsqu’il ouvre finalement la bouche pour sortir 3 petits mots que je connais déjà. Ce n’est pas la première fois que nous en parlons, et la conversation va se finir comme tous les autres fois : il va me redéposer chez moi en rage, redémarrer comme un fou et je n’aurai plus de nouvelles pendant un moment. « Je sais, mais c’était ce que tu voulais au début. Alors c’est comme ça, je changerais pas d’avis » en gros, trouve un autre sujet de conversation ou ferme là.

Un soupir s’échappe de mes lèvres lorsque je comprends qu’il n’a pas l’intention de renoncer… encore, comme si ses dires vont changer quoi que ce soit. De toute façon, quoiqu'il pense la décision finale me reviendra, ce pouvoir m’appartient, appartient aux femmes, et pour une fois c’est aux hommes de se soumettre… Et dire que ça ne me plaît pas serait mentir bien sûr. « Non, tu voulais pas du tout qu’il naisse, c’est tellement mieux. » dis-je en levant les yeux au ciel. Sincèrement, il est mal placé pour me faire une petite crise en cet instant, de vouloir passer pour le futur parent soucieux, alors qu’il n’y a quelques mois, son seul souhait était que cet être ne voit jamais le jour. Comment st-ce que je pourrai lui faire confiance pour élever un enfant. Il est même pas majeur dans certains États des États-Unis ! Si mes parents le voyaient, ils lui riraient certainement au nez, mais cette réflexion je préfère la garder pour moi, posant mon coude pour le rebord de la vitre passager, regardant le paysage défiler sous mes yeux, laissant de nouveau un soupir s’échapper de mes lèvres en l’écoutant. « Ok alors, qu’est-ce que t’es prêt à faire ? Vas’y je t’écoute ? Tu vas trouver un petit appart pour nous accueillir, un petit job aussi, parce qu’un bébé ça coûte cher, et que moi, j’aurais pu un sou, je ne pourrai même pas terminer mes études et réaliser mon rêve. Alors en même temps que foutre mon avenir en l’air, je ferai foirer le tien en même temps. Ta copine sera ravie de savoir que tu vis avec moi et que tu n’as plus une seule minute pour t’occuper d’elle… Ou encore mieux : pourquoi tu m’épouserais pas, qu’on finisse nos jours ensemble et qu’on lui fasse d’autres petits frères et sœur ! »» dis-je avec un sourire sans joie aux lèvres, il se fout pas de la gueule du monde. Tout ça, ce ne sont que des paroles. La preuve, son « tout » c’est vite résumé aux visites chez le gynéco. Ce n’est pas lui qui a les désagréments de la grossesse, qui ne rentre plus dans aucun vêtement, qui se promène avec l’impression d’être énorme, qui se réveille en pleine nuit avec l’envie de manger une pizza, et n’avoir personne pour m’en commander une. Ni lui qui doit expliquer aux professeurs qu’il ne pourra pas passer les examens de fin d’année, alors qu’il se la ferme un peu avec ses solutions sans solution. « Ils ne vont pas le confier à n’importe qui merde ! Il y a des enquêtes, une adoption ça prend du temps, pourquoi à ton avis ? Ses parents l’auront désiré au moins et ils l’aimeront... » Pas comme nous, ai-je envie de rajoutai, mais encore une fois ce serait un mensonge, car s’il croit que c’est facile pour moi… il se trompe. Je le porte dans mon ventre moi, ça fait plus de 5 mois que je vis tous les jours avec, qu’il subit mes émotions, que je subis ses coups de pied et ses agitations en pleine nuit. Ce n’est pas lui qui rêve de le voir et de le prendre dans ses bras et qui ne le pourra même pas.

Il ne comprend absolument pas la situation ou quoi . Je tourne mon visage vers lui, laissant ma main sur mon ventre en sentant mon bébé bouger, car oui pour le moment il est encore à moi, et tant qu’il sera dans mon ventre je pourrai le considérer comme étant mon fils. Je sais que ça ne durera pas, que ça ne sera que plus difficile lorsqu’il faudra que je le donne aux infirmières, mais je n’ai pas le choix et ça Elis ne veut absolument pas l’entendre. La situation semble si simple pour lui, selon ses mots, pourtant c’est bien différent. Dans une histoire il y a toujours deux versions. « Ce n'est pas toi qui à de l’argent c’est tes parents Darwin… » dis-je en levant les yeux au ciel. Et maman et papa ne seront pas toujours là, faut pas confondre la chose. Darwin au fond, il n’a rien, pas même un diplôme et même pas la majorité. Sans ses parents il n’est rien et qu’est-ce qu'il veut ? Que je laisse ma famille me renier pour un enfant que je n’ai pas demandé à la base, que j’abandonne la vie que j’ai pour vivre avec lui . Pour dépendre d’un homme, alors que je me bats pour que les femmes de mon pays puissent vivre par elle-même . Ce qu’il me dit par la suite, me fait détourner les yeux vers la fenêtre, sentant les larmes montaient, je me mords légèrement la lèvre, continuant de caresser doucement mon ventre. Finalement je tourne mon visage vers lui, défiguré par les larmes qui coule et la colère. « LA FERME ! Tu n'as pas le droit de me dire ça . bien sûr que si que ça me tue, qu’est-ce-que tu crois . Je l’aime ce bébé, je l’aime plus que tout. Ce n’est pas toi non plus qui te couche le soir en lui parlant. Ce n'est pas toi qui sens ses coups, qui le sens bouger, qui le sens grandir dans ton ventre, en sachant qu’il y passe 9 mois et que je ne le verrai que quelques secondes. Alors la ferme, tu sais absolument pas ce que je ressens ! »mes larmes coulent et je m’en fiche totalement, il n’a pas le droit de dire ça , de me faire culpabiliser avec ses dires, alors que je souffre également de cette situation. « On te retire ta famille, t’es plus qu’une merde Darwin… et c’est la même chose pour moi. Et je tiens pas à ce que ce soit le cas. » dis-je en essuyant rapidement mes joues et mes yeux. Ma famille, elle représente tout pour moi… Et garder ce bébé c’est faire une croix dessus également. Pourquoi Darwin aurait le droit à la sienne et à son bébé , et pas moi ? « Tu veux pas que je l’abandonne ? Ok alors épouse moi !! » dis-je finalement en haussant les épaules. S’il veut que je prenne une autre décision, on va prendre celle-là, après tout c’est une très bonne solution également. Je garde mon bébé, personne ne souffre et je peux renouer avec ma famille. Bizarrement là, je sens que ça ne va plus être du tout le même discours qu’il va tenir.

Mes yeux se lèvent légèrement au ciel. Je n’ai même pas envie d’argumenter à cela. C’est dans ces moments-là que je vois que Darwin, même si certains pensent qu’il est mature… bah il l’est tout simplement pas ! Je ne vais pas dire que je suis mieux. À 21 ans, je ne vais pas proclamer que j’ai tout vu et tout fait, mais je fais la différence entre le parcours de mes parents, et le mien. Je profite de leur argent : Harvard ne se paye pas tout seul, l’appartement que j’habite à Boston appartient à ma famille, et mes cartes de crédit ne s’alimentent pas toutes seules non plus. Mais… je ne dirai jamais que cet argent m’appartient pour autant. Si du jour au lendemain, mes parents décident de couper les ponts – ce qui arrivera s’ils apprennent ma grossesse – je n’ai plus rien. Plus d’endroits où vivre, plus de ressources. Je me retrouve tout simplement à la rue. Et ce serait également le cas de Darwin., mais évidemment il n’est pas dans ma situation.

Son ta gueule n’a finalement pas l’effet escompté pour lui, n'ayant aucune influence sur moi, tandis que je continue d’exprimer ce que je ressens, après tout, c’est ce qu’il voulait non . Il voulait que je lui dise à quel point je souffre à l’idée de devoir abandonner ce bébé, et le fait de ne pas avoir le droit de l’aimer. Tout ça de sa faute, car monsieur n’a pas accepté que je l’embarre, qu’il est revenu à la charge à un moment où j’étais faible, qu’il a simplement profité de moi… Oui tout est de sa faute. « T’as pas entendu ce que je t’ai dit ou quoi . J’aime ma famille, si pour toi c’est juste un porte-monnaie ambulant, c’est loin d’être mon cas. Tu sais pas ce que ça fait d’être loin de sa famille ! De vivre un moment important dans la vie d’une femme, et de ne même pas en pouvoir en parler à sa mère, de ne pas pouvoir lui demander de conseils. Si toi tu es égoïste, c’est ton problème. Mais moi j’ai des petites- sœurs qui ont besoin de moi, autant que moi j’ai besoin de mon frère. Tu comprends pas que je suis malheureuse comme un chien ? T’as sécurité je n'en ai rien à foutre si j’ai pas le droit au bonheur ! » criai-je pour me faire bien entendre, malgré le bruit du moteur. Ma famille me manque atrocement, je ne tiens pas à être privé d’eux pour le reste de ma vie. J’ai toujours rêvé d’avoir des enfants, et si j’ai la possibilité d’en avoir d’autres un jour, je ne veux pas que ce soit dans les mêmes conditions, loin d’eux, loin de ma mère… La religion détruit tout en cet instant précis, si les enfants hors mariages étaient accepté dans ma famille, tout serait plus simple. Mais le seul moyen de remédier à ce que cet enfant soit accepté dans la famille Heruben, c’est que j’épouse Darwin. « C’est vrai ? Tu veux bien m’épouser ? Juste pour qu’on puisse garder le bébé ? » dis-je, on ne va pas se cacher que c’est juste pour ça, entre lui et moi, il n’y a pas d’amour... enfin je crois ? Je ne cache pas non plus un léger sourire sur mes lèvres, tandis que ma main est toujours posé sur mon ventre, l'idée de pouvoir garder ce bébé, sans pour autant devoir faire un trait sur ma famille est quelque chose auquel je ne crois plus depuis longtemps, et pourtant... je vais pouvoir voir mon garçon.