« Je crois qu'on s'est mal compris »

« Non mais j'ai déjà testé » Il n'avait aucune honte à l'avouer. Et d'ailleurs, ça le faisait rire rien que d'y repenser. Sentant le regard interrogateur de Jupiter, il enchaina. « Ben quoi, il faut pas mourir con » Brent était du genre à vouloir tout tester pour ne rien regretter et surtout ne pas passer à côté de sa vie. « Et c'était bien avec Nate mais j'ai vu tout de suite que c'était pas ma came » Regarder un porno avec un pote, commencer à se caresser mais voir le plaisir disparaitre aussi vite lui avait bien fait comprendre qu'il n'aimait pas les hommes. « Mais si ça peut te faire plaisir, un petit baiser, mais juste un » Brent se pencha et furtivement, il déposa un bisou sur les lèvres de Jupiter. Et bien loin d'être gêné après il enchaina « Allez, je te repaye un verre ? »

Tout me semble brouillon. Le bruit lui-même se veut grimé de ces vastes sons aux provenances inconnues. La mélodie d'une rivière cassée par le chant de ces oiseaux malades. Le corps qui ruisselle de toutes les chaleurs qui se rencontrent dans ce four à grandeur excessive, ma main vient balayer avec paresse les goûtes sur mon front. « Et c'était bien avec Nate mais j'ai vu tout de suite que c'était pas ma came » Je reste muet, bouche cousue, la tête plus lourde que de raison, les yeux rivés sur le coin de ses lèvres. Bordel, j'ai envie de lui. J'ai envie de son corps, de le voir se lover dans les draps. J'ai envie de mordre son oreille, de laisser mes doigts glisser le long de sa nuque puis rejoindre ses omoplates. J'ai ces envies animales comme une addiction, comme un fumeur qui se retient de prendre la prochaine clope, peut-être la dernière du paquet ou bien seulement la première. Trop occupé à fantasmer, je manque de remarquer que la distance qui sépare le coin de ses lèvres se réduit jusqu'à devenir néant. La chaleur de ses lèvres se mélange aux miennes pendant quelques secondes, un moment hors du temps où mon corps se transforme en une sorte de nuage, d'objet léger qui flotte, qui ne prend aucunement en compte tout principe de gravité. « Allez, je te repaye un verre ? » Je le détaille, lacère ma lippe comme en manque de cette sensation qu'il vient de me procurer un peu plus tôt. « C'est moi qui paye cette tournée. » Un grand sourire taillé sur le masque auparavant d'acier, je me balance légèrement sur la surface plane où réside mon corps lasse. « Tes lèvres sont agréables à embrasser. J'espère que le 'juste un' était un mensonge. » Un rire niais s'échappe de ma bouche alors que je me tourne à nouveau vers le bar, le laissant à la vue de mon plus beau profil.  

Cela ne semblait pas avoir perturber Brent d'embrasser Jupiter. Cela ne représentait rien aux yeux du jeune homme et il avait fait ça de façon désinvolte comme s'il lui serrait la main ou faisait une bise à une jeune femme. Il n'imaginait pas les pensées qui se tramaient dans l'esprit de Jupiter et lui, il pensait juste à commander sa boisson et )à continuer sa soirée en compagnie du jeune homme. « Si t'insiste » Il commanda alors ça boisson et Jupiter fit de même. Il ne pu s'empêcher de rigoler lorsque Jupiter exprima tout haut ses pensées. « Ah ben après tu t'arrangera avec ma copine, j'suis pas sûr qu'elle soit bien partante » Quelle sera sa réaction lorsqu'elle apprendrait ce qu'il avait fait ! « En plus Malicia est du genre jalouse »

« Ah ben après tu t'arrangera avec ma copine, j'suis pas sûr qu'elle soit bien partante » Qu'importe qu'elle soit partante ou non, qu'elle m'accorde le plaisir de goûter à tes lèvres, qu'elle signe un contrat ou qu'elle le déchire, qu'elle regarde avec le sourire ou avec mépris, qu'elle compte nos aventures dans le creux des oreilles ou qu'elle le taise. Qu'importe toutes ces choses parce que la seule chose sur laquelle je m'attarde vraiment, c'est ce que moi je veux, peut-être trop égoïste, je ne me sens aucunement responsable du caractère malsain de cette relation qui n'est absolument pas la mienne et sur laquelle je ne met aucun espoir ni même intérêt. Je suis loin d'aimer le partage, d'être l'un parmi les autres, pourtant l'embrasser lui tout en sachant qu'il est déjà marqué comme appartenant à la demoiselle brune de ma confrérie ne me fait ni chaud ni froid. Je ne suis pas son bourreau, ni son ennemi, ni son allié, juste un atome voisin qui passe et se frotte, qui active ce champ magnétique, ce stimulus soudain qui vient piquer à la nuque, la réalité. La réalité est là, il vient de m'embrasser et quoi qu'il arrive, ce qui est fait est fait. « Jalouse ? » Il ne sait pas, il ne sait rien, il ne peut pas même sans douter. Malicia n'a plus qu'à choisir le bon côté pour éviter de se faire écraser dans ma conception d'élite de la Lowell House. « Aller, à la tienne beau gosse ! » Je soulève le récipient et le laisse s'écouler d'une traite le long de ma gorge. « C'est pas tous les jours qu'un hétéro m'embrasse mais c'était cool. »

Entre Brent et Malicia la relation était assez complexe et ce depuis leur première rencontre. Mais ce n'était pas le sujet maintenant et Jupiter aurait été trop content de savoir que peut-être, prochainement, Malicia ne serait plus dans les parages d'Harvard. Mais une relation avec Jupiter ne faisait pas vraiment rêver Brent. Le jeune homme était plutôt pas mal dans son genre mais il ne pouvait pas s'imaginer en couple avec un homme. « Oui et quand elle a quelqu'un dans le nez, elle est pas tendre. » Il suffisait de voir comment elle s'en prenait à Beth lorsqu'elle croyait que Brent couchait avec elle et comment elle regardait de travers tous les femmes qui approchait le jeune Keegan de trop près. « Je serais toi, je prendrais pas le risque » Il trinqua avec son nouvel ami avant de boire une petit gorgée. Il rigola à la remarque de Jupiter. « Tu crois que tu vas t'en remettre de ce baiser ou pas ? » Se moquer de lui gentillement.

« Tu crois que tu vas t'en remettre de ce baiser ou pas ? » Je ne sais pas ce que je crois, ni en quoi je crois, ni si croire est une bonne chose ou une mauvaise, peut-être que je crois ne pas savoir, que tout le cheminement de ma pensée est trouble, comme ces eaux qui avoisinent les marées de boue. Ce qui semble sûr cependant à cet instant T de ma vie, c'est que l'alcool parle plus que ma raison, qu'il s'écoule de ma peau comme le liquide des cascades glisse sur les roches abruptes. « Je n'ai pas peur des risques. » Sûr, peut être trop ou pas assez, je laisse ma tête balancer dans un axe vertical comme ces figurines de chien ignobles qui se vendent sur le marché. « J'ai un peu bu... » Un peu, un mot bien trop léger pour définir la quantité qui rend actuellement mon corps comme épave.  « Tu veux bien me raccompagner s'il te plait ? » Hésitant, je lui demande tout de même si il accepte de faire le chemin à mes côtés, non pas pour sa compagnie en réalité, tout simplement car je suis conscient de mon état.

Brent ne pu s'empêcher d'acquiescer lorsque Jupiter se rendit compte par lui même qu'il avait trop bu. C'était déjà un bon début. Si cela se trouve, le lendemain, il ne se souviendra même plus de Brent, même plus de ce baiser. Quoi qu'il en soit, le rouge but son verre alors d'une traite. « Je crois effectivement qu'il est plus sage de rentrer. » Brent l'aida alors à se lever avant de quitter le pub. « En taxi, tu vas t'en sortir ou tu veux que je te raccompagne jusqu'à chez toi ? » L'un comme l'autre, Brent s'en fichait. De toute façon, il rentrerait probablement chez lui, lui aussi alors même s'il devait faire un petit détour, ce n'était pas dramatique.

Ses doigts viennent entourer mes bras comme des bouées de sauvetage. Alors que je me noie dans l'alcool, que mon corps trempé de sueur et de liqueur se fait mou, bancal, loin de son équilibre habituel, je me détache de son emprise et avance d'un pas seul, comme homme sûr et autonome. Mon estomac se retourne, une première remontée me prend, me laisse croire pendant un instant que de ma gorge va s'écouler tout ce que j'ai ingurgité plus tôt. « Je vais rentrer en... » Je souffle, une fois, deux fois. L'air qui s'échappe de mes poumons semble toxique. « En taxi. » Je dépose mes lèvres sur ses joues ardentes et laisse un regard doux sur ses esquisses tout en reculant, laissant l'image qu'il se fait de moi se réduire, encore et toujours jusqu'à devenir néant. Enfoncé dans la nuit noire aux couleurs des néons voisins, je traîne des pieds le long du trottoir et rejoins le véhicule.