CHANG JAE-SUN ►min yoongi

Tu étais assis sur une chaise, devant un homme, qui devait facilement avoir la quarantaine, voir la cinquantaine. Il avait un carnet dans les mains et te regardait à travers les lunettes qui tombait sans cesse sur son nez. Tu n'avais guère eu le choix d'aller à ton rendez-vous hebdomadaire, car ta tante te poussait toujours à y aller. En échange, elle continuait de te donner l'argent mensuel de l'héritage que tu avais de tes parents. Depuis que tu étais arrivé au Canada, elle te poussait à voir un psychologue, mais tu n'as jamais réellement parlé de ce que tu avais sur le coeur. Depuis des années, tu gardais tout pour toi, tu n'aimais pas réveler tes émotions, tu n'avais jamais aimé, pour être franc. Tu étais quelqu'un de très secret, la seule personne qui connaissait tout de toi était ta tante, parce qu'elle était la seule qui avait été là avec toi pendant toute ta vie. « Alors, Jaesun, qu'as-tu à me dire aujourd'hui? »  La voix du psychologue te tirait de tes pensées et tu relevas la tête pour le regarder.

mon histoire commence en décembre 1993, le 13 pour être exact. je suis né à daegu, en corée du sud. mes parents attendaient ma venue avec impatience et avaient déjà énormément de futurs plans pour moi. mon père était un ingénieur tandis que ma mère sauvait des vies, ils travaillaient très forts, mais ne pouvaient pas être là très souvent. de ce que je me souviens de mes parents, chaque fois qu'ils pouvaient être à la maison, ils se disputaient, toujours. trois ans après ma naissance, ma petite soeur est née. haeyoung. au tout début, j'étais jaloux, car mes parents passaient plus de temps avec elle, mais comme avec moi, ils avaient finis par recommencer à travailler et à la délaisser et tout est redevenu normal, si on peut dire ça comme ça. nous avons grandit ensembles et j'ai toujours agit comme un grand frère, j'étais très protecteur envers ma petite soeur.

Tu te pinça les puis avant de jeter un coup d'oeil sur la pièce où tu étais. C'était une pièce typique des bureaux de psychologues. Tout était rangé, ordonné, tout semblait être à sa place. En arrière de toi, il y avait une bibliothèque remplit de livres qui semblait tous ennuyant et sur les murs, on pouvait apercevoir les multiples diplômes de l'homme qui se tenait devant toi. Sur son bureau, plusieurs bibelots trônaient fièrement dessus et pour peaufiner le tout, une petite touche personnelle y était posé, avec une photo de famille qui semblait parfaitement heureuse. Mais, tu savais que tout ça, c'était de la foutaise. Il n'y a rien de parfait, ni dans une famille, ni dans la vie en générale. Tu n'étais pas idiot, non. Tu le savais. Tu te souvenais.

c'est arrivé comme ça. sans prévenir. d'un coup, il y avait eu une explosion et j'ai perdu de vue mes parents, alors que je tenais la main de ma petite soeur. j'avais douze ans à l'époque, ma soeur en avait huit. pour la première fois, nos parents nous avait emmené en centre-ville pour fêter notre fête. Nous étions nés à quelques jours d'intervalle, si on ne comptait pas les années de différence qui nous séparait. j'étais né le 19 décembre et haeyoung était née le 23. nos parents avaient pris de l'avance sur nous, qui étions trop curieux et qui s'arrêtaient pour regarder tout, même si nos parents nous avertissait de se dépêcher. je ne le savais pas, mais c'est notre curiosité qui nous avait sauvé la vie.

« Jaesun? » Encore une fois, le psychologue te tirait de tes pensées. Tu clignais des yeux pendant quelques secondes avant de secouer la tête négativement. « Non, j'ai rien à dire. » Avais-tu soufflé, automatiquement. Tu avais tourné ta chaise pour observer la bibliothèque derrière toi, promenant ton regard sur les centaines de livres qui trônaient sur les multiples étagères. Ton regard se posa sur un certain livre qui te rappelait un autre événement de ton passé.

ça faisait des années que j'avais perdu mes parents. moi et ma petite soeur, haeyoung, avons quitté la corée avec notre tante pour nous retrouver aux états-unis. pendant les premières années, ça avait été extrêmement difficile pour nous, enfin, surtout pour moi. je ne connaissais aucunement la langue anglaise et l'apprendre avait été un supplice. étonnement, malgré ma réserve, malgré ma tendance à aimer la solitude, je m'étais trouvé une copine dont j'étais complètement fou. j'avais 19 ans et nous étions ensembles depuis deux ans, mais on se connaissait depuis que j'étais arrivé ici, à treize ans. elle avait été ma première et seule amie et nous étions été inséparables depuis. même si au début, je ne pouvais pas communiquer avec elle, on avait fini par trouver un code secret pour 'se parler'. et puis, un jour, je suis rentré et je l'ai perdu. c'était fini.

Aucun son ne sortait de ta bouche. Le temps commençait finalement à passer plus vite. Ta tante payait toujours, même si elle savait que tu ne parlais presque jamais. Tu ne parlais jamais de ce qui était 'important', selon elle.

harvard. lorsque ma tante m'a poussé à m'y inscrire, j'ai pensé qu'elle était tombé sur la tête. elle voulait que je m'inscrive en médecine pour suivre les traces de ma mère, mais j'ai jamais voulu sauver des vies. les interactions sociaux et moi, ça n'a jamais vraiment marché. au début, avant de m'inscrire, j'ai vraiment pensé à ne pas le faire. j'étais devant l'université qui faisait rêver tellement de personnes qui ne pouvaient pas y aller, pour plusieurs raisons. moi, j'avais la chance d'avoir l'argent pour y entrer, j'avais la chance d'avoir les notes pour, en bref, j'avais toutes les chances d'être accepté, ou presque, mais j'hésitais. est-ce que j'avais envie d'étudier? si oui, dans quel domaine? je ne voulais pas m'inscrire en droit ou en médecine ou dans quelque chose comme ça, c'était pas quelque chose qui m'intéressait. et puis, je me suis dit que si je tentais rien, j'allais me faire assassiner par ma tante et ma petite soeur. alors, j'ai choisi ce qui me passionnait, l'art.

Il ne restait qu'une quinzaine de minutes avant la fin de ta session. Tu voulais en finir et retourner dans ton appartement, et ça t'avait étrangement fait penser à Jinny et ta manie de lui inventer mille et une excuse pour qu'elle n'ait pas à aller chez toi. Tu n'aimais pas vraiment que les gens envahissent ton environnement, c'est ta 'safe-place', là où tu te sens le mieux et tu préfères le garder pour toi. Finalement, lorsque tu te levas pour faire face à l'homme qui se tenait devant toi, tu ouvris la bouche pour enfin dire quelque chose qui te ressemblait. Ça faisait quelques années que le même psychologue te suivait, il connaissait bien ta manie de vouloir garder ton espace privé, privé, normal. Il connaissait aussi tes excuses bidons et depuis quelques temps, tu finissais toujours par lancer quelque chose avant de partir de son bureau. « Désolé, je dois partir. Vous vous rappelez de Jinny? Elle vient de m'envoyer un message. Y'a une inondation de fou dans son salon, je dois aller l'aider, désolé. »

jinny. c'est un peu grâce à elle que tu es un peu moins seul et plus sociable, seulement avec elle, à harvard. à ton arrivé à harvard, en 2012, tu étais un peu comme un chiot perdu. tu voyait les différentes étudiants, les différentes maisons, les embrouilles, la pagaille, tout. c'était un peu perturbant pour toi, qui avait toujours été seul, seulement entouré de ta tante et ta petite soeur. pendant la première année, tu étais plutôt dans ton coin, tu étais là pour tes études et ça t'allait amplement. puis, tu as rencontré jinny, en janvier 2013, à la bibliothèque. c'était pendant la bombe, elle s'était tout simplement jeté dans tes bras et tu avais figé. et maintenant, vous êtes presqu'inséparables. grâce à elle, tu t'intègre un peu plus à harvard et tu sais que tu peux compter sur elle.