William A. Bass ► Neels Visser

Boum. Boum. Boum. Boum. Le bruit de mes pas semblait être le seul bruit en ce samedi de Décembre. C'était en réalité le seul auquel je portais attention. Je n'avais à ce moment pas de temps pour les autres. Cette fois-ci,  j'avais fait l'erreur d'oublier mes écouteurs : pas de musique. " Les erreurs, ce n'est pas pour les gens comme moi". J'avais 10 ans à l'époque et j'étais déjà bien modelé par ces idées, celles de mon père - mais aussi les miennes. J'avais 10 ans, certes, mais je ne manquais pas d'esprit critique ; j'étais d'accord avec tout ça. J'accélérai alors, j'y étais presque. Me dépasser, voilà ce qui me faisait vibrer.
Et c'est à ce moment précis que je gagnai la course organisé par mon école.

2011.

"Bon tu fais tourner ?", s'impatienta Corey. " Ouais ouais tiens" j'articulai péniblement, soufflant doucement la fumée. Corey était à l'époque mon meilleur ami. Il prit le joint que je lui tendais. C'était le parfait dimanche : la journée du lendemain était fériée, j'étais avec mon grand ami, personne ne devait rentrer jusqu'au soir et... Oh. Oubliez ça. Quand j'entendis les pas dans mon salon il était trop tard. " WILLIAM AARON BASS". C'était mon père, le fameux George Bass. Qu'est ce qu'il faisait si tôt à la maison ? Je n'en avais aucune idée. Mais ce que je savais c'est que la fin de journée n'allait pas être tendre. " Donne moi ça." , dit il, parlant à voix normale cette fois. Mon père savait se maitriser, tout comme moi; il était rare qu'il hausse le ton. " C'est à qui?" . C'était à Corey. Mais je savais que s'il se faisait prendre, il était mort - quasi littéralement. Et pour les gens qui valaient le coup, j'avais le sens de l'amitié. Je me levais alors calmement. " C'est à moi."
Mon père me regarda d'un air sévère " Tu me déçois énormément. Corey tu t'en va. Et toi, je vais décider ce qu'il va t'arriver."
Mais cela faisait bien longtemps que je me fichais de le décevoir. Le seul que je voulais satisfaire, c'était moi.

Pour ceux qui se posent la question, je me suis par la suite éloigné de Corey ( rien à voir avec cette histoire) et j'ai par la même occasion arrêté de fumer des joint régulièrement, me contentant d'occasions exceptionnelles.

2013.

Je levai les yeux vers elle. Elle était belle. Je savais reconnaître la beauté là où il y en avait et de toute évidence, elle était belle. Ses cheveux bruns tombaient en cascade sur ses épaules dévoilées par son haut. Elle me regardait en retour, son sourire était illuminé par ces fossettes. Mais ce que j'aimais le plus chez elle, c'était ses tâches de rousseur. "Will, tu m'écoutes ?" De toute évidence je ne l'écoutais pas, j'étais encore fasciné. Jamais je n'avais ressenti quelque chose de semblable pour une fille. Mon cœur battait même un peu plus fort quand elle était là. Avec elle, ça avait été compliqué; mon assurance l'agaçait. Elle m'avais même confié m'avoir trouvé insupportable au début. " Oui bien sur que je t'écoute" .Elle fronça les sourcils, marqua une pause de quelques secondes; puis reprit là ou elle s'était arrêté. Ca allait plus loin que ses cheveux ou même son sourire, elle était drôle et intéressante. D'ailleurs j'aurais mieux fait de l'écouter mais ce jour-là j'étais distrait : mon père voulait me parler. Je fis un effort pour me concentrer tandis qu'elle continuait à parler. Elle se mit à rire et je ris en écho. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'elle avait dit mais son rire était très drôle. C'était la première et dernière fois que j'étais tombé amoureux.

2015.

Je jetai un coup d'œil vers la vitre à ma droite " ça devrait le faire " pensais-je, remettant mes cheveux en place pour la énième fois. Je marchais un peu plus vite que d'habitude, ca devait être le stress. "Le stress, il ne manquerait plus que ça". Cet  entretien, ça faisait des années que je l'attendais : j'étais prêt; et plus que je ne l'avais jamais été. Cet entretien, c'était la concrétisation de mon travail et l'amorce de ma vie future: je ne pouvais pas me permettre d'échouer " et je ne vais pas échouer". Je ralentis alors, j'étais loin d'être en retard.
C'était une belle journée, elle ne pouvait que bien finir. Après tout si j'étais là ce n'était pas pour rien, j'avais toutes mes chances. J'avais travaillé dur cette année, plus que les autres, afin d'être en mesure de dire que "J'étudie la politique à Harvard"; et je me voyais déjà rejoindre un club de sport ou encore prendre part à l'Eliot House. Je m'empêchais consciencieusement de réciter des réponses aux questions qui allaient probablement m'être posées; je l'avais suffisamment fait. Un peu de spontanéité ne serait pas de trop. Je sentis mon téléphone vibrer contre ma jambe, mais je n'avais pas le temps pour les distractions; quelles qu'elles soient. Je repensais, non sans nostalgie, aux minutes - ou heures ? j'avais perdu le compte- passées à prévoir ces instants. Est-ce la peine de préciser que la totalité de ces scénarios avaient une fin heureuse ? Il faut dire que les oraux, c'était mon fort; " tu sais manier les mots" disait mon prof d'anglais. J'esquissai un sourire. " ça devrait le faire".