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« Un désastre ne rapplique jamais seul. »
ryan & lily
A quel moment cette journée avait-elle dérapé au point de virer au cauchemar ? Etait-ce le matin-même, quand sa tartine de confiture s’était gentiment vautrée sur son chemisier blanc ? Ou juste après, quand elle avait glissé dans la douche, se retrouvant gratifiée d’un beau bleu violacé sur la fesse gauche ? Non, ce n’était pas à ce moment-là. Et alors que Lily, interdite, trempée jusqu’aux os, se remémorait les étapes de cette journée désastreuse avec une précision chirurgicale, elle se disait qu’au stade où elle se trouvait actuellement, le reste de la journée ne pouvait guère être pire que ce qu’il avait déjà été. A moins que ce cher Ryan ne décroche pas son foutu téléphone. Ou que le sien souffre d’une pénurie de batterie d’un instant à l’autre. Pour comprendre la posture dans laquelle elle se trouvait, il fallait remonter deux heures plus tôt, quand elle avait eu la brillante d’idée de vouloir partir en vadrouille à la périphérie de Boston. Temps presque superbe, idéal en réalité pour une promenade en pleine nature, et une pérégrination extra-urbaine digne de son âme d’artiste en quête d’inspiration. Sauf que dans l’équation, elle n’avait vraiment pas envisagé que le pot de yaourt qui lui servait de voiture déciderait de lui faire le coup de la panne, et qu’en plus, le temps se dégraderait aussi vite. Bordel, pourquoi ne pensait-elle jamais à checker la météo avant de s’aventurer ainsi ? Ah oui. Elle était imprévisible. Trop en tout cas pour s’attacher à ce genre de détails qui pourtant avaient leur importance à la fin. Quoiqu’il en soit, après s’être baladée pendant une bonne heure, elle était sur le chemin du retour quand la pédale de l’accélérateur avait décidé de ne plus répondre à ses appels de pied. Dehors, il pleuvait des cordes. Ses essuie-glaces allaient à peine assez vite contre le pare-brise pour en chasser l’eau. Elle ne voyait rien, la nuit tombait, et tout prenait des allures dramatiques post-apocalyptiques dans sa tête tandis que la véhicule décélérait peu à peu. « Non non non non non … Me fais pas ce coup-là … Non non … » répétait-elle comme un leitmotiv entêtant, en essayant de relancer le moteur. Mais rien à faire. Il faisait de la rébellion le fourbe. Et enfin la voiture s’immobilisa sur le bas-côté d’une route déserte. De dépit, Lily posa lourdement son front sur le volant, sursauta en même temps lorsque le klaxon retentit. Elle ne prit pas la peine de retirer la clef du contact, oublia en réalité qu’elle l’avait laissée dessus, et que la fermeture automatique du véhicule était enclenchée. Tel Bob le bricoleur prêt à parer tous les dangers et à aller affronter le moteur récalcitrant (à moins que ce ne soit autre chose, elle n’y connaissait strictement rien en mécanique), elle prit une longue inspiration, ouvrit sa portière, sortit sous la pluie battante en la refermant dans un claquement impérieux derrière elle. Se servant de la lampe torche de son téléphone, elle ouvrit le capot de la voiture, ne voyait absolument rien tant de grosses gouttes d’eaux lui embuaient déjà le visage. Se balançant d’un pied sur l’autre pour lutter contre le froid, elle continuait de pester dans le vide. Bon sang. Si elle devait appeler un dépanneur, cela allait lui coûter un bras. Voire un bras, plus une jambe. Décidée à retourner s’abriter dans le véhicule pour appeler une âme secourable à la rescousse, ses doigts se posèrent délicatement autour de la poignée de la portière du véhicule. Elle tira … Aucune réponse. La portière refusait de s’ouvrir. C’est alors qu’elle le vit, à l’intérieur, le petit loquet. Clos. Son esprit analysa rapidement la situation : portière fermée, clefs sur le contact à l’intérieur, elle coincée dehors sous pluie torrentielle et glacée. Bilan mitigé. Non, bilan désastreux en réalité. « Noooon … Bordel … Pourquoi tu me fais ça ? » implorait-elle la voiture, qui évidemment ne lui fournit aucune réponse. Heureusement, elle avait son téléphone dans la main. Ultime espoir de trouver une solution à cette situation. Elle faillit composer le numéro de Lawrence dans un réflexe mécanique. C’était toujours lui à qui elle pensait en premier en ce moment, quelle que soit la situation dans laquelle elle se trouvait. Mais un instant elle songea à tous les ennuis qu’elle avait déjà pu lui attirer, imaginait d’ores et déjà son expression quand elle lui expliquerait qu’elle était coincée dehors, dans un endroit paumé, sous la pluie … Non, mieux valait le préserver de cela pour le moment. Aussi, immédiatement, ses doigts composèrent le numéro de Ryan, seconde personne à laquelle elle avait tout de suite songé. La tonalité à travers le cellulaire retentit, une fois, puis deux, l’espoir renaissait. Merde, le répondeur. Elle réitéra la tentative, jusqu’à entendre au loin la voix de son ami dont elle perçut la tonalité avec une joie incommensurable. « Ryan ?! Tu m‘entends ? C’est moi ! Enfin … c’est Lily quoi ! » Elle haussa le ton, pour qu’il puisse l’entendre malgré le clapotis de la pluie. « Tu pourrais venir me chercher s’il te plaît ? je suis … Ma voiture est en panne, et, il pleut … et … Ah bordel, c’est quoi ce réseau à la con ?! » Elle fit quelques pas de côtés pour retrouver le dit réseau. « Je suis sur Grove Street … Tu sais, prêt de la forêt là, enfin … entre la forêt et l’entrée de la ville ! Là où y’a rien ! » Il faisait si froid. La pluie ne s’était guère calmée, et l’eau commençait à s’infiltrer malignement dans ses vêtements. Raison pour laquelle ses dents commençaient à s’entrechoquer entre elles. « Oh, et, tu aurais un pied de biche ? » Pour ouvrir la portière. Elle se frottait à présent les avant-bras, espérant qu’il ne la laisserait pas plantée là indéfiniment.
@Ryan Howard© ACIDBRAIN(Invité)