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Il y'a des cimetières dans ma tête que je remplis tout doucement.
Je sais, je pousse toujours le bouchon trop loin. Quand je souffre, j'ai besoin que la terre entière se mette à souffrir avec moi. Je suis égoïste, c'est comme ça. Sauf qu'à l'instant même où je balance cette pique sur Cole à Lucky, je n'en éprouve aucun plaisir. Pire encore, je culpabilise, ce qui me fait me refermer encore plus. Je fais le malin, mais je sais que j'ai merdé, et j'ai un mal de chien à l'admettre. Sa phrase me glace légèrement, je me rends compte avec une certaine amertume que ... non, je n'ai pas envie de lui faire de la peine. Et sa réaction l'honore, parce que c'est Lucky. Au lieu d'en profiter pour m'enfoncer, elle se montre plus adulte que moi et ça ... ça m'énerve franchement. Et je la suis à l'intérieur de cette épicerie. Alors que ça ne me ressemble pas, je la suis. Peut-être parce qu'une partie de moi en a envie, de se décoincer, de retirer le balai qui me raidit. Ou peut-être parce que sans m'en rendre compte, je fais confiance à Lucky. Malgré moi, je lui fais confiance, et je détesterais avoir à me le dire. Elle fait le pitre et m'arrache un rire. Puis merde, attrapons à plein bras ce que nous sommes venus chercher. D'un air narquois, le sourcil arqué, je lui réponds : "Tu apprendras, ma chère Lucky, qu'on ne rêve pas de ces choses là quand de toute manière, on se trouve au-dessus des lois", arrogant au possible, cette aura prétentieuse que je soigne pour dessiner tout mon esthète : "Les vilains garçons n'ont même pas le droit aux coups de fouets ?", accentuant le regard pervers et le sourire malicieux, je la fixe avec une forme de ... soulagement. Parce que j'ai bien fais de lui écrire. Parce que même si notre relation ne ressemble pas à grand chose, Lucky, malgré tous les défauts qu'on puisse lui trouver, est quelqu'un de profondément empathique qui ne lésine pas à venir en aide à ceux qui en ont besoin. Même quand il s'agit du pire des tarés. Même quand il s'agit de moi. Je ne voudrais pas lui laisser deviner ma reconnaissance, alors le jeu devient mon meilleur ami. Et cette bouteille que je bois est abominable, je la tends à Lucky dans une grimace de dégout non feinte. Quand elle me dit qu'il s'agit de vinaigre de cidre, je plante mes yeux dans les siens déconcerté, avant d'esquisser un rire. Elle a raison, j'suis un peu con : "Trouve quelque chose pour effacer le goût, c'est vraiment infecte", dis-je en passant mon doigt sur ma langue comme un enfant pour l'essuyer. Avant d'aller m'installer sur le comptoir, les pieds ballants. Je la suis des yeux quand elle fait ses courses, et commence presque à m'amuser de cette situation incongrue : "Il n'y a pas de whisky ?", enfant capricieux, j'attrape tout de même la bouteille de vodka qu'elle me tend et en bois une bonne gorgée, pour faire partir le gout du vinaigre avant de reposer mes yeux sur elle : "Quoi, tu vas me dire qu'aucune idée malsaine ne t'as traversé l'esprit au moment où tu as fait en sorte de nous enfermer là tout les deux ?", toujours aussi insolent, ce même sourire narquois. Et je m'apprête à boire une nouvelle gorgée quand elle fustige ma lenteur et me prends la bouteille des mains. Je soupire navré, coupé en plein élan, avant d'attraper mon paquet de clope dans ma poche. Je récupère la bouteille que je pose à côté de moi, concentré à allumer ma cigarette tandis que Lucky danse, je crois, derrière moi, ou je ne sais pas, je ne la vois pas. Et au moment où j'expulse la première taff, elle se penche vers moi, dans mon dos et je fixe les étagères en face, amusé. Je n'ai même pas réalisé que le contact de son corps contre le mien ne m'avait pas fait sursauter, peut-être que je suis vraiment entrain de me détendre : "J'ai connu des nuits excitantes et aussi loin que je me souvienne, les filles portaient bien moins de vêtements que toi. Alors, ne te lance pas trop de fleur Lucky", relevant la tête vers elle pour la taquiner, avant d'inhaler une nouvelle taff et de laisser ma tête tomber en arrière contre son buste : "Je n'ai pas envie d'en parler, s'il te plait ...". Je crois que c'est la première et la dernière fois qu'elle entendra un s'il te plait sortir de ma bouche. Il y a comme un bruit de plainte dans mes mots. Je me redresse et l'invite, en attrapant sa main, à s'asseoir à côté de moi. Clope au bec, je récupère la bouteille et la lui tend : "A chaque fois que l'un d'entre nous prononce le prénom de Cole ou Lara, il devra boire une gorgée. Et à chaque fois qu'on y pense, on devra en boire deux. J'suis là pour oublier, pas pour faire une thérapie". J'insiste : "Allez, tu dois boire". Et je finis par boire moi-même trois bonne gorgée, grimaçant à la fin, parce que quand même, c'est assez coriace la vodka pure : "Pour te prouver ma bonne foi. Je n'aurais pas du parler de Cole tout à l'heure". Je suis sincère quand je la regarde, et me mets à rire avant de boire une nouvelle gorgée : "J'ai prononcé le prénom. A toi maintenant, allez". Mes joues rougissent, boire aussi vite ça fait tourner la tête.
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