Invité
est en ligne
Invité
Je te rejoindrai au paradis dans un train d'enfer.
Ma tête ressemble à un nuage opaque, et pourtant, pas l'moindre signe d'orage. C'est comme si ... je ne sais pas. J'étais léger, mais à ma manière. Légèreté de plomb. Les gens ordinaires s'allongent sur l'eau et flottent les bras tendus en fermant les yeux. Moi, je m'allonge au fond de l'eau et coule dans la même position. C'est ça, c'est comme ça. Que je me sens présentement. J'ai l'esprit occupé à la préparation de mes examens. J'étais revenu à Boston avec l'idée de ne plus me mêler des affaires et enfantillages de mes camarades, j'suis ravi de voir que je m'y tiens. Que pour une fois, je ne suis pas lâche, je n'abandonne pas mes propres promesses. Et puis, tout ce qui m'inquiète, c'est l'état dans lequel sont mes amis, mes frères. J'veux dire, en dehors d'eux, et de Gabrielle et Lara, je n'ai envie de regarder personne, de ne voir personne, de ne côtoyer personne, de ne partager l'air que je respire avec personne. Mes frères qui m'effrayent, par leurs attitudes étranges. C'est comme si en revenant à Harvard j'avais atterris sur une planète bizarre, une autre dimension. Rien n'était cohérent, les rumeurs allaient bon train, et je ne les reconnaissais pas. Je finissais même par céder à cette lubie de la paranoïa, me demander si les Mather n'avaient pas drogué notre alimentation, et ... non. Non, c'est absurde. C'est absurde, il ne peut pas s'agir de ça. Et si Cole est comme ça, je ne dois pas le perturber. Me montrer discret, entretenir ses névroses. Parce que j'ai suffisamment confiance en lui pour savoir que même psychologiquement malade, il fera quelque chose de grand. Je suis dans ma chambre, à la colocation. Je n'ai pas croisé Sloan ce matin, et c'est tant mieux, j'ai commandé sans le lui dire un gros sapin de Noël. Je n'y peux rien, il ira très bien dans le salon. Puis moi, même si j'ai toujours détesté Noël, cette année ... c'est différent. Ma mère n'est plus là. Elle ne viendra ni me consoler, ni m'dire que j'suis le plus gentil des méchants. Elle ne m'offrira plus de cravates, de vinyles, de cordes de guitare. Elle ne me fera plus de thé chaud au coin du feu pendant que ma petite sœur nous lit quelques passages de livres que nous aurions choisit. Elle ne m'appellera pas pour me demander d'rentrer, pour m'dire que si je ne suis pas avec elle, ce n'est pas Noël. Elle n'est pas avec moi, elle ne sera pas avec moi. J'attrape ce que je peux pour l'oublier, un sapin, des décorations, j'porte même un pull bleu avec des rênes blancs aujourd'hui et ... j'sais pas. J'crois que j'ai besoin de retrouver mon âme d'enfant pour me rapprocher de ma maman. Parce que la vérité, c'est qu'elle me manque, affreusement. Assis sur le fauteuil de mon bureau, je gratte quelques notes de guitare. Avant d'réaliser qu'il n'y a une seule personne de mon entourage qui sera capable de me la rappeler, sans même avoir à parler. C'est Lily. Parce que ma mère l'adorait, et que Lily était toujours invité à nos précieux diner de fête. Le médiator coincé entre mes dents, j'attrape mon téléphone, et m'empresse de l'appeler. J'attends qu'elle réponde.
(Invité)