Je trouve ça tellement injuste. Putain ce que c'est dégueulasse. Désolée pour la vulgarité, mais la vie est une sacré chienne. Je dis pas qu'Amare et moi sommes des personnes parfaites et merveilleuses, on a nos travers, nos défauts. Des cas sociaux. On a fait des conneries, on est pas toujours les plus bienveillants ou des modèles de la société. Mais on a gagné notre place dans ce monde, on s'est battus. Qu'est-ce qu'on en a donné de notre énergie pour survivre. On est pas nés dans un palais d'argent, on a pas reçu la meilleure des éducations, on ne nous a pas toujours donné notre chance. Mais on l'a saisie. On a saisi la vie, on l'a domptée. On l'a pas laissée nous abattre, et nous voilà. Dans cet hôpital, dans cette salle de consultation. A faire face à un médecin, à une mauvaise nouvelle. On mérite tellement pas tout ça. Pourquoi nous ? Toujours nous. Amare, sa maladie, celle de sa mère. Moi, la mort de la meilleure amie, la maladie de mon meilleur ami. Serions-nous maudits ? Comme nous nous n'en avions pas assez bavé, comme si nous n'avions pas traversé assez d'épreuves. On s'est trouvés, on s'est perdus de vue, on s'est retrouvés. Et quoi maintenant ? On va encore nous séparer ? Une opération dans un mois. Amare qui doit garder un rythme de vie sain. Tellement de paroles que je n'arrive plus à supporter. Un mot ne cesse de résonner dans mon esprit, une question. Pourquoi ? C'est tellement injuste que je peux pas rester là. J'ai besoin de prendre l'air, de me calmer. D'aller chialer. Parce que j'ai pas pleuré depuis des mois, des années ? J'ai tendance à rester forte, à supporter la pression. Mais cela n'a cessé de s'accumuler et je sens que je dépasse ma propre limite. Je trouve refuge dans un placard, loin des regards des patients et infirmiers qui m'ont vue dévaler les couloirs de l'hôpital. Assise par terre, j'essaye de calmer mes pleurs, mais plus j'essaye de me calmer, plus je perds le contrôle. Je dois accepter. Accepter la douleur. Puis je me relèverais et serais prête à épauler Amare. En attendant, je laisse aller. Je sursaute alors que j'entends quelqu'un toquer à la porte. Je me raidis, j'ai pas envie qu'on vienne me déranger. Peut-on avoir un instant de tranquillité dans ce bas monde ? Puis je finis par entendre la voix d'Amare qui prononce mon prénom et je soupire. Soulagée, exténuée. Il sait que je suis là.
« Arrêtes. » que je lui dis alors qu'il commence à s'excuser. C'est une blague. C'est lui qui est malade, et c'est lui qui s'excuse.
« T'as pas à t'excuser. C'est pas de ta faute. » que je lui dis. Comment peut-il se sentir coupable ? C'est moi qui vais me sentir coupable de lui donner l'impression d'être coupable. Romy et Amare. Eternels paradoxes. Deux sales bêtes, qui se veulent sans coeur. Et nous voilà, affaiblis et ramolis. C'est normal, quand on est ensemble, on est différents. On s'aime, alors on laisse tomber les masques. On s'autorise à aimer, à ressentir, parce que c'est tout ce qui nous reste. Parce qu'on survivrait pas si on jouait la comédie même entre nous.
« Je veux pas qu'il t'arrive quelque chose. Je veux pas te perdre toi aussi. » que je rajoute en approchant mon visage de l'encadrement de la porte, comme une enfant qui parlerait avec son ami imaginaire. Je peux pas perdre Amare. La dernière fois que j'ai perdu quelqu'un, j'ai disparu pendant un an et demi. Ce coup-ci, j'y survivrais simplement pas.
✻✻✻ CODES © LITTLE WOLF.