ISAAC B. LAWSON ► rémi chassé

« Papa, je veux une guitare !! S'il te plaaaaaaît !! » C'est ce que je n'ai cessé de répéter au cours des sept premières années de ma vie. Déjà tout petit, je savais que la musique serait mon avenir. J'avais le rythme dans la peau. J'adorais écouter les vieux vinyles de mes parents dès que l'occasion se présentait. Il n'y avait pas à dire, j'étais un véritable mordu. Le seul hic, c'est que mes parents n'avaient pas vraiment les moyens de m'offrir une guitare aussi tôt. Contrairement à ceux qu'on peut appeler ''La Jeunesse Dorée de Miami'', ma famille ne roulait pas sur l'or. Mon père était pêcheur et ma mère enseignante. Devant avant tout s'occuper de nous nourrir ma sœur et moi, ils ne pouvaient donc pas m'offrir le moindre instrument de musique. Du moins, pas avant le Noël de mes sept ans. Le jour où j'ai déballé ma première guitare, j'ai sauté de joie. Jamais encore je n'avais été plus heureux. Enfin j'allais pouvoir m'adonner à cette passion qui bouillonnait en moi depuis ma naissance. Coûte que coûte, j'allais réussir.




23 juillet 2012. Mon band et moi bouillonnons littéralement de joie. Enfin, ce petit bar accepté de nous signer. Nous pouvons enfin partager notre musique avec tout Miami et ça, c'est vraiment génial. Qui sait, peut-être allons-nous enfin être découverts ce soir. Peut-être notre carrière décollera enfin à la fin de cette soirée. Les pieds sur scène, nous nous y donnons à coeur-joie, essayant au mieux de partager notre passion avec le public. Prononçant mes paroles avec passion, je fouille la foule du regard. C'est alors que je l'aperçois. Elle. La fille la plus magnifique que j'ai vu dans ma vie. Accoudée au bar, elle rigole avec l'une de ses amies. Je tente de garder ma contenance pour ne pas perdre le contrôle de la chanson. Je me concentre au mieux jusqu'à la fin du spectacle. La foule nous acclame. Nous n'avons définitivement pas manqué notre coup. Avec l'aide de mes musiciens, je range mon matériel au plus vite, non sans hâte de rentrer à mon appartement pour passer une bonne nuit de sommeil. La soirée a été assez éprouvante. C'est à cet instant qu'une douce voix m'interpelle. « Hey, vous avez été géniaux !! » Je me retourne pour l'apercevoir. Cette belle fille aux yeux pâles. Elle me sourit et je ne peux m'empêcher de faire de même. « Merci beaucoup !! Je suis ravis que ça t'aie plu. » Ellesourit de nouveau et cette fois, je ne peux m'empêcher de lire l'innocence sur son visage. Cette fille n'a rien à faire dans ce bar. Je ne suis même pas certain qu'elle ait les vingt-et-un ans requis pour venir ici. J'esquisse un petit sourire amusé avant de lui lancer : « Hey, tu n'es pas un peu jeune pour être ici ?? » Elle fronce les sourcils, geste qui la rend encore plus adorable.  « Je suis bien assez vieille... » Mais l'instant d'après, elle pouffe de rire. « D'accord... J'ai vingt ans... » Cette fois, c'est moi qui fronce les sourcils et elle rit de nouveau. « Tu ne vas pas me dénoncer, n'est-ce pas ?? » J'hausse légèrement les épaules. « J'en sais rien. T'as une bonne raison pour laquelle je ne te dénoncerais pas ?? » « Ça pourrait faire une bonne histoire à raconter à nos petits-enfants. » Je déglutis et elle rit de plus belle avant de me tendre sa main que je prends. « Je m'appelle Elena. » « Enchanté Elena !! Moi c'est Isaac. » Nous passons finalement une bonne partie de la nuit dans ce bar à discuter de tout et de rien. Contrairement à moi, Elena vient d'une bonne famille. Son père est riche à craquer et espère le meilleur pour sa petite fille. Ce qui ne l'empêche pas de n'en faire qu'à sa tête et de détourner les règles. Je l'écoute attentivement, pendu à ses lèvres, en me demandant où était cette fille pendant tout ce temps. Et aussi comment j'ai pu tomber amoureux d'elle aussi rapidement.





11 août 2013. Ça fait déjà un an que nous sommes ensemble Elena et moi. Après la première soirée que nous avons passés ensemble, il ne nous en a pas fallu davantage pour comprendre que nous étions fait l'un pour l'autre. D'ailleurs, mes parents sont tombés complètement fous d'elle dès le premier regard. Ils la trouvaient tellement distinguée, tellement charmante. Il faut dire que moi aussi. De mon côté, j'aimerais vous dire que les parents de ma petite amie m'ont adorés eux aussi dès le premier instant, mais hélas, ce ne fût pas le cas. Bien au contraire, ils m'ont immédiatement détestés, me jugeant indigne de leur petite princesse. Quoi qu'il en soit, l'important c'est qu'Elena se foute des conventions. Nous sommes heureux ensemble et rien ni personne ne viendra ternir notre bonheur. Mon groupe prend de plus en plus d'ampleur. Ce soir, nous jouons dans une petite salle de Miami. Malheureusement, Elena n'a pas pu m'accompagner. Elle souffrait de douleurs eu ventre et de nausées. Le show s'étant bien déroulé, j'ai vraiment hâte de rentrer au petit appartement que nous nous sommes loués tous les deux depuis quelques mois pour tout lui raconter. Cependant, lorsque je rentre, je ne la trouve nulle part. Ni dans la cuisine, ni dans notre chambre. Il me faut quelques longues minutes pour me rendre compte qu'elle est dans la salle de bain, installé sur la cuvette, le visage entre ses mains et en larmes. Aussitôt, je m'agenouille devant elle pour la réconforter. « Hey mon coeur, qu'est-ce qui se passe ?? » Je la force à dégager ses mains de son doux visage, venant l'effleurer de mes doigts pour chasser ses larmes. « Ohh Isaac, c'est terrible. Je... » Elle étouffe un sanglot. « Je suis enceinte. » Aussitôt, mon coeur fait un bond dans ma poitrine, mais pas le genre de bond que vous pouvez vous imaginer. Un large sourire se dessine instantanément sur mes lèvres. Elena ne s'en rend toujours pas compte puisque son doux visage s'est de nouveau baissé. « Je susi tellement désolée !! » « De quoi ?? De me procurer une telle joie !? » Je baisse la tête légèrement, venant déposer un baiser contre son ventre plat. Je la sens glisser ses doigts dans mes cheveux et attirer mon visage vers le sien. J'accueille ses lèvres avec passion, venant la serrer contre moi. « Je suis fou de toi Elena. » « Je t'aime aussi. » souffle-t-elle en s'agrippant à moi. Quoi qu'il arrive, quoi qu'on fasse, on s'en sortira tant et aussi longtemps qu'on sera ensemble. Elle, moi et ce merveilleux petit bébé qui est le nôtre.





14 novembre 2013. Notre premier vrai show. Notre premier vrai concert sérieux. Je n'arrive toujours pas à croire que le band et moi sommes parvenu à faire un tel bout de chemin. Enfin, nos efforts vont peut-être porter fruits. Enfin, nous allons peut-être nous sortir la tête de l'eau pour débuter une vraie carrière. J'ai insisté pour qu'Elena assiste à ce concert. Elle avait des hauts le coeur dû à sa grossesse, mais j'avais vraiment besoin de sa présence dans la salle. Quand elle est à mes côtés, je n'ai plus peur de rien. Je me sens fort et les craintes s'évaporent. La soirée terminée, nous rentrons à l'appartement. Les fenêtres de la voiture baissées, nous chantons à s'en époumoner. Elena rit doucement, sa petite main posée contre son ventre qui commence doucement à s'arrondir. Je viens poser ms doigts contre les siens, mon autre main posée sur le volant. Je suis heureux, point. Je pourrais demeurer à cet instant pour l'éternité. Mais soudainement, le doux visage de ma chère et tendre vient s'obscurcir. « Isaac attention !! » Mais je n'ai pas le temps de voir ce chauffard griller ce feu rouge et nous foncer dessus. Je n'ai pas le temps de l'éviter. Il nous percute de plein fouet. Je vois le regard paniqué de ma petite amie, puis c'est le trou noir.





22 novembre 2013. J'ouvre finalement les yeux sur un mur blanc. J'entends un bruit de machine. Une machine semblant servir à mesurer mes signes vitaux. Ma mère est à ma gauche. Elle me tien la main. Je la vois fondre en larmes dès l'instant où elle s'aperçoit de mon réveil. De toute évidence, je lui ai fait la peur de sa vie. C'est normal. On s'en fait toujours pour nos enfants. Nos enfants. Elena. Mes premières paroles sont à leur sujet. Je dois à tout prix savoir s'ils vont bien. D'un ton calme, ma mère m'apprend qu'Elena s'est réveillée il y a quelques jours. Elle est toujours à l'hôpital afin qu'in évalue si elle va vraiment bien, mais elle s'en sort sans aucune séquelle majeur. Malheureusement, notre enfant n'a pas eu la même chance. Elena a fait une fausse couche et ce fait l'a plongé dans un état pratiquement catatonique d'après ce que ma mère m'apprend. La pauvre, je la comprends. Je me sens moi-même complètement anéantis. Pourquoi ?? Pourquoi une telle chose nous arrive-t-elle à nous ?? Nous allons nous en sortir coûte que coûte cependant. J'en suis persuadé. Quelles que soient les épreuves, nous nous en sortirons toujours ensemble.





3 février 2014. « Fiches-moi la paix Isaac !! Je n'ai pas envie de sortir !! » Ça fait presque trois mois que je me bats avec Elena pour la faire sortir de notre appartement. Et ça fait pratiquement trois mois que je me frappe à un mur. Allongée sur notre lit, elle fait face au mur, refusant catégoriquement de me parler réellement. « Il faut que tu reprenne courage chérie. Tu ne peux pas continuer à te laisser dépérir. » Elle ne répond rien et je soupir. « Je t'aime Elena. Je ne peux pas continuer à te regarder te détruire de la sorte. » Elle émet ce qui pourrait ressembler à un sifflement. « Alors regardes ailleurs. » Elle se retourne finalement pour me faire face. « Tu sais quoi ?? Mes parents ont toujours eu raison. Je n'ai rien à faire avec toi. » Elle aurait pue me donner une gifle que ça n'aurait pas été pire... « Tu ne penses pas ce que tu dis... » « Sii, au contraire !! Si ça n'avait pas été de toi, je ne serais pas tombée enceinte donc je n'aurais pas fait de fausse couche !! D'ailleurs, c'est toi qui as insisté pour que j'assiste à ton stupide concert !! » Elle retourne son regard vers le mur. « T'as foutu ma vie en l'air. » J'ignore ses paroles blessantes, me contentant de venir m'allonger à ses côtés. Mieux vaut que je n'insiste pas pour ce soir. Nous reparlerons de tout ça demain matin. Tout va s'arranger, j'en suis convaincu. Aussi, je m'endors rapidement, essayant de penser à autre chose. Cependant, lorsque j'ouvre les yeux le lendemain, Elena n'est plus là. Ses affaires ne sont plus là. Tout ce qu'elle m'a laissée, ce sont ces quelques mots inscrits sur un bout de papier : « Je suis désolée. Adieu. »





Il y a un peu plus de deux ans que j'ai quitté ma ville de Miami natale pour m'installer à Cambridge. Il était grand temps que je tourne la page et que je reprenne ma vie en main. Elena ne voulait plus de moi ?? Très bien, moi je ne voulais plus de l'amour. Le jour de soin départ, j'ai compris que ce sentiment n'était rien d'autre qu'un handicape, une faiblesse qui ne fait que vous ralentir de la vie. J'allais simplement profiter de la vie sans me soucier du lendemain. J'allais me concentrer sur ma musique et sur rien d'autre. C'est sans peine que j'ai fait mes marques à Harvard. Je me suis fait de bon amis, un petit boulot et j'ai travaillé ma musique. La musique, voilà le seul amour de ma vie. Je n'ai jamais revu Elena depuis ce fameux soir et pour tout vous dire, je m'en fous. Il y a tout un tas d'autres poissons dans la mer. D'autres femmes qui sont beaucoup plus disposées à s'amuser l'espace d'une nuit.