isaak melnik ► jensen ackles

Personne ne choisit dans quelle famille il va naître, et certainement pas moi. Comme bon nombre de personnes, j'aurai aimé grandir ailleurs. Dans un cadre simple, avec des parents aimants et des frères et soeurs dont j'aurais été proche dans n'importe quelle circonstance. Malheureusement, ce n'est pas réellement ce qui s'est passé, et je vais donc vous raconter mon histoire.

Comme vous vous en êtes doutés, je suis russe -d'où mon nom de famille, Melnik. A Saint-Pétersbourg, les Melnik sont quelque peu connus comme le loup blanc. Du moins, chez les personnes un minimum haut placé qui ne sont pas blancs comme neige. Mon père est un puissant homme d'affaires en ville, il a bâti un empire si je peux m'exprimer ainsi, et il est évidemment riche comme Crésus (ou presque). Malgré les millions d'euros qu'il empoche grâce à sa compagnie, mon père n'est pas satisfait. Il en veut plus. Tout le temps. C'est pourquoi il trempe dans de sales affaires depuis que je suis né -et ce même bien avant ma venue au monde- sans jamais se soucier des répercussions. Il touche un peu à tout, et fait beaucoup affaire avec de puissantes familles russes rattachées notamment à la mafia. Pour moi, vous parler de ça est totalement normal, je baigne là dedans depuis toujours. Je ne connais rien d'autre que ces magouilles, et bien que cela puisse paraître attirant au premier regard, c'est loin d'être le cas.

J'ai grandi des années durant avec mes parents, fils unique et détesté par ma mère. En effet, mon frère jumeau est mort à la naissance. De ce que je sais et de ce que l'on m'a dit, ce serait en partie ma faute s'il n'a pas survécu. J'aurais pris trop de temps à sortir le bout de mon nez du ventre de ma mère, privant mon frère de pouvoir respirer à son tour. Je n'ai jamais su si tout ce que ma chère mère racontait était totalement vrai. Mon père n'a jamais voulu m'en dire davantage, décrétant que "ce n'était pas si important". En résumé, j'ai la mort d'un membre de ma famille sur la conscience, une mère qui me hait et un père qui se contrefiche de mon existence. Ce n'est certainement pas la vie dont j'aurais rêvé.

C'est à mes quinze-seize ans que mon père a commencé à m'accorder de l'importance. Souvent plongé dans mes bouquins ou entrain de faire de la moto, je n'avais que faire de cet homme qui n'avait jamais pris la peine de m'aimer ne serait-ce qu'un peu. Malheureusement, je ne pouvais pas me rebeller bien longtemps contre lui, je l'ai toujours craint et je n'avais pas d'autre choix que de suivre ses consignes. Il disait qu'il commençait à se faire vieux, et que je devais reprendre les rennes de tout ce qu'il avait bâti. Impressionné par la taille de son entreprise, il fallait admettre que l'offre était alléchante pour moi à l'époque. J'avais déjà l'argent que je désirais, mais à la retraite de mon père, cet argent deviendrait réellement le mien. Comme tout gosse de cet âge là, je ne pouvais pas refuser cela. C'est donc ainsi que j'ai mis les pieds dans cette compagnie, à être formé par des dizaines d'employés fidèles à mon père. C'est au bout de quelques années que j'ai découvert les dessous de cet empire financier. La mafia jouait un rôle clé dans tout ce business, et j'étais déjà bien trop infiltré là dedans pour partir. C'est du moins ce que je croyais toutes ces années.

J'ai quand même eu l'autorisation d'obtenir mon bac, chose qui me tenait énormément à coeur. J'ai toujours été un bosseur, un peu rêveur aussi, mais c'est certainement dû au fait que je n'arrive jamais à me concentrer sur une seule chose à la fois. Après avoir passé la majorité, mon père et ses sbires ne me lâchaient plus. C'était "Isaak par ci, Isaak par là", sans que j'ai mon mot à dire. J'acceptais. J'avais appris tellement de choses en si peu de temps que j'avais l'impression d'être capable de pouvoir tenir les rennes quand le moment viendrait. En avais-je réellement envie ? Je ne saurais le dire.

Au bout de quelques années, j'ai voulu fuir. J'ai fait des choses dont je ne suis pas fier. Certaines me provoquent un dégoût immense et me font parfois me demander qui je suis vraiment. Je regrette le comportement que j'ai eu toutes ces années, et je veux en quelque sorte me repentir. J'ai menti, trahi, tué pour rendre mon père fier de moi. Finalement, ce n'est peut-être pas la gratitude de cet homme que je recherchais. Peut-être que j'avais juste envie de découvrir qui j'étais. Peut-être que j'aurais dû y réfléchir à deux fois avant de me lancer à pieds joints dans ce monde si noir et mensonger. En vieillissant, je me suis rendu compte de ce qu'est la vie, la vraie, et ce n'est certainement pas en jouant sur plusieurs tableaux que je veux la finir.

La fuite. J'ai osé reprendre ma vie et mon destin en mains. Certains diront que j'ai été lâche, et peut-être que je le suis au fond, mais je veux m'éloigner de ce monde. De la mafia. De mon père. De la Russie en général. J'ai postulé à Harvard quand j'avais vingt-quatre ans. Cela faisait plus de cinq ans que je bossais pour la compagnie de mon père, et pour ses contacts tous aussi frauduleux les uns que les autres. Quand j'ai reçu une réponse positive à ma candidature, je n'ai pas hésité un instant. Je suis parti, sans dire un mot à personne, pour les Etats-Unis.

J'ai souvent pensé à changer d'identité. Je suis convaincu que mon père est à ma recherche, et ce depuis mon départ il y a cinq ans. J'ai vingt-neuf ans aujourd'hui, et je suis plus heureux que je ne l'ai jamais été. Finalement, j'ai découvert la vie étudiante plus tard que quiconque, mais qu'est-ce que c'est bon. Je profite, je m'amuse, sans penser aux conséquences. Très mature pour certaines choses, je reste néanmoins un grand gamin qui a besoin de se défouler régulièrement. La boule au ventre ? Je l'aurais certainement toute ma vie. Je sais qu'il me retrouvera -qu'ils me retrouveront. Je sais que je paierai les conséquences de mon départ un jour ou l'autre. Je sais que je dois être prudent. Mais je sais aussi que je ne peux pas m'arrêter de vivre pour cela. J'essaie de m'en sortir, encore aujourd'hui, m'efforçant de ne pas regretter mon passé.