RYCHOLAS ➳ Et c'est la même chanson

Et c'est la même chanson.
— Starring Rycholas

De marbre. Voilà comment je pouvais me décrire aujourd'hui. Assise sur un banc le long de Charles River, j'avais une jambe croisée par-dessus l'autre et j'observais distraitement l'une de mes mains posées sur mes cuisses. Hier, Margot n'était rentrée qu'au petit matin et elle avait passé sa journée à décuver, à faire le zombie dans son lit. Je ne savais pas ce qu'elle avait foutu, mais j'avais passé ma journée à lui tenir les cheveux pendant qu'elle rendait ce qu'elle n'avait même pas dans l'estomac. En fin de journée, j'avais reçu un message de ma mère. Ma chère mère. Un message cinglant. Alors le soir, j'avais mis de côté la soirée films que j'avais prévue avec Margot et j'avais mis les voiles. Nicho ne répondait pas et je n'avais envie de voir personne d'autre que lui. Alors j'étais allée à Boston et j'avais erré dehors toute la nuit. Je n'avais pas fermé l’œil depuis près de trente-six heures. Mon meilleur ami avait décidé de refaire surface dans la journée. J'avais fini par lui dire où j'étais, sans donner plus de détails. Apparemment, il avait quelque chose à me dire. Je savais exactement quels mots allaient sortir de sa bouche. Les mêmes que d'habitude. J'allais devoir prendre sur moi pour ne rien laisser paraître et l'écouter.

Fausse alerte, comme on aime bien dire dans le jargon populaire. C'est ce que je devais t'avouer aujourd'hui. Et sûrement que tu vas lever les yeux au ciel, en te demandant quand sera la prochaine rupture. J'ose espérer qu'il n'y en aura pas tu sais. Parce que je l'aime et que même si j'ai changé d'après tout, elle reste mon meilleur côté. Elle me rend heureux et c'était le principal. Alors je n'avais vu que ce matin tes messages de la veille, après avoir passé ma nuit de retrouvailles avec ma copine. J'avais alors décidé de te répondre, toi qui semblait ensuite si vague dans tes réponses. Ouais, ok, je me démerderai avec ce que j'ai. C'est pas comme si j'avais le choix, n'est-ce pas. Et je te voyais au loin, alors que t'étais installée sur un banc, contemplant la rivière qui passait devant toi. Il faisait froid et je comprenais pas pourquoi on allait pas dans un café pour se réchauffer. M'enfin, j'avais des gants, une écharpe et de quoi être suffisamment au chaud pour ne pas geler sur place. Finalement, je m'installais à tes côtés, te donnant un coup d'épaule pour montrer ma présence sur ce banc. « So, what's up bestie? » Un peu trop enjoué par rapport à la dernière fois que tu m'as vu, je sais, et c'était justement le point important à aborder aujourd'hui.

Et c'est la même chanson.
— Starring Rycholas

Sur ce campus, personne ne connaissait la période de ma vie où le deal était devenu mon quotidien, ni que ça m'avait amenée à perdre ma sœur. D'ailleurs, presque personne ne savait que j'avais eu une sœur jumelle. Nicho, lui, le savait. Il savait aussi qu'elle était morte, tout comme mon père. Mais je ne lui avais jamais dit comment. Chaque fois qu'il avait tenté d'aborder le sujet, j'avais détourné la conversation. Je refusais de baisser dans son estime. Et aujourd'hui, quand ma propre mère m'attaquait directement, j'étais obligée de faire face à ça seule. Alors assise sur ce banc, non, je ne sentais pas le froid qui agressait ma peau fragile, je ne voyais pas la brume s'épaissir au-dessus de l'eau, je ne sentais pas mes cheveux s'emmêler à cause du vent. Parce que ça faisait vingt-quatre heures que j'étais stoïque. Son silence ne m'avait même pas énervée. J'avais mis 'off' sur mes émotions, parce que c'était ma seule chance de me survivre. Quand il me bouscula d'un coup d'épaule, je sortis de ma léthargie et je tournai un visage impassible vers lui, me décidant finalement à lui adresser un demi sourire, pour ne pas éveiller ses soupçons. « What's up with you ? You seem awfully cheerful. » Sauf que je savais ce qu'il allait me répondre. Mais il allait me l'annoncer de lui-même, étaler la joie qu'il ressentait.

Je sais bien que je suis un boulet. Tu me le répètes assez souvent que c'est ancré dans ma tête en fait. Sauf que là, la situation, j'en étais pas responsable. Bon, peut-être à moitié. Mais en même temps, on avait pas eu le choix et tu les avais vu les sms. Elle avait juste répondu un pouce, comment j'aurais du le prendre ? Mais du coup ouais, je devais t'avouer qu'on était de nouveau ensemble. Par contre, il était hors de question que tu viennes à détester Kaya. Je pourrais pas supporter que les femmes les plus importantes de ma vie viennent à ne pas se parler. Que je doive me séparer en deux pour chacune d'entre vous. Non, hors de question, tu m'as compris ? Sauf que là, je m'installais à côté de toi sur ce banc en ce temps automnal presque hivernal. Le petit coup à l'épaule avait réussi à te sortir de ton état complètement léthargique. J'attendais que ça de toute façon. « Well... we're back together. » que je t'avouais en laissant un blanc juste après. Sans aucune réelle réaction, je lançais ensuite un espèce de « Yaaay » comme pour t'encourager à être heureuse pour moi. Parce que c'est important pour moi mine de rien, que tu sois contente pour moi. Mais du coup, faut que tu le sois Rylie, parce que je le vivrai mal sinon.

Et c'est la même chanson.
— Starring Rycholas

J'étais furieusement éreintée. Tellement éreintée que je n'avais pas versé la moindre larme en recevant le message de ma mère hier soir. Ça m'avait assommée comme si j'étais allée courir un marathon en même temps, me laissant incapable d'y réagir de façon appropriée. Cette nuit, posée sur les quais de Charles River, je l'avais relu inlassablement. Petite conne d'ingrate, ces mots doux tournaient dans ma tête, tout est ta faute, encore plus, tu aurais dû mourir à sa place, le coup fatal. J'avais croisé une vitrine au petit matin et en me regardant dedans, je n'avais vu qu'elle. Addie. C'était le seul moment où un sanglot m'était monté dans la gorge, mais je n'avais pas versé une larme. Maintenant que je sortais de cette transe dans laquelle je m'étais foutue, grâce à Nicho, j'avais envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Mais je ne pouvais plus. Il m'annonça ce que je savais déjà, tout en essayant de rendre ça formidable. Son couple instable, là, c'était le dernier de mes soucis. « It's great, Nick. » dis-je sans la moindre émotion dans la voix, tournant à nouveau mon regard vers l'horizon. « Pardon me for not jumping to the roof, but I stopped doing that after the fourteenth time. » La pique, je n'avais pas pu la retenir. Pourtant, ça n'était pas mon intention de le blesser, mais là, c'était parti sans que je m'en rende compte. Je me pinçai les lèvres, mais aucun mot d'excuse ne sortit de ma bouche.

Je ne savais pas trop ce que t'avais mais je supposais que le manque de ma personne t'atteignait fortement. Sinon, pourquoi tu serais dans un tel état ? Faut dire, t'es pas du genre à parler énormément de ce qui se passe dans ta vie. Mais voilà, c'était moi, tu savais que tu pouvais me faire confiance non ? Parce que je suis pas n'importe qui, je suis ton meilleur ami, non ? Alors en tant que tel, je me devais de moi, partager les choses de ma vie, y compris ce qui se passait avec Kaya. Alors j'étais heureux de t'annoncer que ça allait mieux et tu semblais.. t'en foutre. J'en perdais mon sourire presque immédiatement. Ton ton, il n'était pas idéal. Ta pique, encore moins. « Fourteenth time? That's how you see us? Woaw. » Ce n'était que la troisième fois. Mais ce n'était qu'un détail. En somme, elle n'avait aucun bonheur pour moi à cet instant et se fichait pas mal de ce que je pouvais ressentir. Elle m'avait ramassé à la petite cuillère hier, alors peut-être qu'elle aurait aimé savoir que ce ne serait plus le cas? Faut croire que non. Elle s'en fichait royal à ce niveau là, au point de prendre ça comme une routine en fait. « Ok, I'm gonna leave you and your bad mood. Call me when you're up to talk » Je me redressais, te lançant un regard pour tenter de voir ta réaction sur ton visage vide de tout sentiment, le regard toujours rivé sur l'horizon.

Et c'est la même chanson.
— Starring Rycholas

Dans l'humeur dans laquelle je me trouvais aujourd'hui, jamais je n'aurais dû dire à Nicholas où je me trouvais. J'avais le mauvais pressentiment en tapant les mots "Charles River", que les choses allaient mal se passer. J'étais trop mal, trop incompréhensive et pas à même de me réjouir pour lui ce soir. Je n'arrivais pas à faire taire la petite voix en moi assez longtemps pour songer à des paroles tendres plutôt que des mots cassants. Mais si je ne lui avais pas dit où je traînais, il m'aurait harcelée jusqu'à ce que je réponde. Et puis je n'arrivais pas à m'auto priver de sa présence. Je tournai un visage sombre vers lui lorsqu'il se leva, regardant s'il allait vraiment se tirer en me plantant là. Vas-y Nick, je te regarde. Laisse-moi seule dans cet état. Je serrai tous mes muscles pour cesser les tremblements de mon corps. « Well I just didn't believe in your breakup, doesn't that actually make me a believer ? » Ouais on pouvait dire ça, j'étais juste persuadée qu'ils allaient se rabibocher. Mais en fait j'étais une personne assez perspicace et j'en avais marre de deviner les choses avant qu'elles se passent. « The good thing is your baby's gonna grow up with two people in love. » dis-je en recentrant mon regard devant moi, toujours sans la moindre expression. « Go, Nick. I don't care. » Tu vois pas que tout ça, c'est pas contre toi ? Tant pis, j'irai finir ma soirée dans n'importe quel bar et basta.

Je savais pas quel était ton problème et pour le coup, j'avais plus tellement envie de le savoir. La méchanceté gratuite, merci mais non merci Rylie. Je connaissais ton caractère et je savais que tu n'agissais pas comme ça par gaité de cœur mais merde, tu me connaissais toi aussi et tu savais bien que c'était pas trop le moment pour me parler de cette façon. Alors je coupais court à ce moment en tête à tête puisque c'était clairement pas le bon moment. Faudra que tu me dises quand tu seras opé à parler avec moi sans me lancer des piques. « I don't fucking know but you could at least put some form in your words » Non mais parce que tu vois pas à quel point tu peux être violente des fois ? Quoiqu'il en soit, je me stoppais directement sur tes mots. Le bébé. Ah bah oui, je n'ai pas encore pu te tenir au courant de ce sujet. Bah non, puisque tu as attaqué assez rapidement sur ma relation. « There's no baby anymore. She's gonna abort soon » Tu l'avais pas vue venir celle là, n'est-ce pas ? Mais en même temps, t'es dans un autre état là, impossible pour toi de voir les choses convenablement. « I can see.. that you don't care » Ton regard était à présent sur moi, mais je voyais que rien n'avait changé. Tu étais encore amère et froide. Ça me donnait pas envie de parler avec toi.

Et c'est la même chanson.
— Starring Rycholas

Avec cette conversation, j'étais en train de m'enfoncer dans un cercle vicieux, duquel j'aurais du mal à me sortir. Je savais que j'étais en train de le décevoir à cause de la manière dont je lui parlais depuis qu'il était arrivé. Il le prenait personnellement et il était loin d'avoir tort de penser comme ça, vu mes paroles. Mais je ne contrôlais plus rien. Malheureusement, je défoulais la rage accumulée depuis plusieurs jours sur la personne en face de moi et j'avais le malheur qu'il s'agisse de mon meilleur ami. Je n'arrivais pas à m'arrêter. Pourtant, chaque fois que je prononçais une nouvelle phrase, une voix dans ma tête me soufflait que j'allais trop loin, qu'il était temps de mettre un terme à cette discussion ou de redescendre. Mais redescendre, ça n'était pas possible. J'étais en colère et le fait de lui parler comme ça et de lui faire du mal, me mettait encore plus en colère. Un cercle vicieux, j'vous dis. J'voulais désespérément lui répondre "je sais" quand il s'énerva, pour lui prouver que je m'en voulais d'agir ainsi, mais je me contentai d'hausser les épaules. Putain, Rylie. J'ignorais vraiment pourquoi, mais quand il me parla de l'avortement, j'eus l'impression de sentir mon coeur se déchirer. Depuis que je le savais, j'avais eu le temps de l'imaginer dans son rôle de père, de la façon dont ça pouvait le faire évoluer. Je déglutis péniblement, me mordant les lèvres avant de parler. « All is well, then. You must be happy. » Pourquoi j'étais déçue moi, putain ? Qu'est-ce que j'en avais à foutre ? Je baissai la tête pour regarder mon pied se balancer, reniflant un peu à cause du froid environnant que je commençais à ressentir. « Well, if you can see it, I'm not gonna waste any more of your time. » Je me levai pour lui faire face, prête à me sauver. Je n'arrivais pas à accepter que ce soit lui qui m'abandonne. « Congratulations. On everything. » Je sentais cette putain de ligne de larmes me trahir en bordant mes paupières, mais j'allais mettre ça sur le compte du vent glacial qui fouettait mon visage.

Je comprenais pas ce qui se passait là Rylie. Tu étais froide, distante et clairement méchante. La raison ? Je ne l'avais pas. Et même si je l'avais, sûrement que je le comprendrais pas. Tu étais affreuse et ça me donnait juste envie de m'enfuir dès maintenant. Je veux dire par là que je venais te parler à toi de ma relation avec Kaya. Toi parmi d'autres. Et au final, tu t'en foutais comme de l'an quarante. Et bien ainsi soit-il. Tu me parlais du bébé et j'allais devoir te tenir au courant à propos de ça aussi. Y'aura plus de bébé, incessamment sous peu. Kaya, tout comme moi, n'était pas prête donc il sera plus simple de prendre cette décision maintenant plutôt que dans plusieurs mois après sa naissance. « Yeah, clearly » Je ne mentais pas. J'étais soulagé de prendre cette décision avec ma petite amie et qu'importe ce que tu penses. Je vivrai bien mieux ainsi en réalité. Tes mots montraient très clairement à quel point tu n'étais pas concernée par tout ça. D'ailleurs, tu te levais, prête à partir. Donc okay, je vois bien ton petit jeu là. Partir la première, ne pas avoir à me voir m'en aller. Non tu n'auras pas ce plaisir, si peu désirable soit-il. « Yeah, no thanks to you » Clairement pour le coup, je pouvais pas te remercier. Tu n'avais rien fait, si ce n'est me montrer ton sarcasme non voulu. Et bien tant pis pour ma gueule hein. Je me retournait et m'en allais, supposant que t'en faisais de même de ton côté. En fait, je m'en foutais. Royalement.